Texte complet - Université de Liège
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Bodson L.<br />
aire géographique (Europe : Grèce, Afrique du<br />
Nord, Égypte, Asie) ou une sorte « ‘la’ vipère »<br />
(grecque et eurasiatique), pour les Mo<strong>de</strong>rnes, la<br />
sous-espèce Vipera ammodytes meridionalis.<br />
5.2.2. Critères toxicologiques<br />
Les conséquences <strong>de</strong> l’envenimation sont à la<br />
base <strong>de</strong>s critères toxicologiques. Elles ont généré<br />
<strong>de</strong>s ophionymes qui, à l’opposé <strong>de</strong>s précé<strong>de</strong>nts,<br />
sont, dans leur essence, une spécificité <strong>de</strong> la<br />
nomination <strong>de</strong>s venimeux, surtout vipérins et<br />
majoritairement (en l’état <strong>de</strong>s sources) afroégyptiens,<br />
ainsi qu’une expression originale <strong>de</strong><br />
la relation anthropozoologique. Ils distinguent<br />
les vipères d’après celui ou ceux <strong>de</strong>s effets <strong>de</strong> leur<br />
venin sur les victimes humaines et animales 340<br />
que les Grecs ont tenus pour diagnostiques. Les<br />
désignations toxicologiques reflètent la connaissance<br />
<strong>de</strong>s symptômes fondamentaux (spécifiques<br />
ou non, du point <strong>de</strong> vue mo<strong>de</strong>rne) du<br />
syndrome vipérin et sous-enten<strong>de</strong>nt, quand<br />
elles sont données à <strong>de</strong>s serpents <strong>de</strong> régions différentes,<br />
une forme d’i<strong>de</strong>ntité venimeuse. Celleci<br />
n’est toutefois pas absolue. La déshydratation<br />
<strong>de</strong> la morsure <strong>de</strong> toute dipsas n’atteint pas, avec<br />
l’« assoiffante » grecque (voir ci-<strong>de</strong>ssus, 2.3.2.1),<br />
quoique son venin puisse être mortel (voir ci<strong>de</strong>ssus,<br />
2.1.2 ; 2.3.1), l’intensité qu’elle a avec<br />
ses homologues afro-égyptiennes (voir ci-<strong>de</strong>ssus,<br />
2.3.2.2). Le fait que kausōn (voir ci-<strong>de</strong>ssus,<br />
4.1.1.2), kausos (voir ci-<strong>de</strong>ssus, 4.2.1.2) et<br />
prēstēr/prēstēs (voir ci-<strong>de</strong>ssus, 4.3.1.2 ; 4.4.1)<br />
ne sont pas, à ce jour, attestés pour la dipsas<br />
grecque ne semble pas imputable à une lacune<br />
documentaire (cf. ci-<strong>de</strong>ssus, 2.3.3, n. 165). Il<br />
témoigne plutôt <strong>de</strong> l’expérience que les Grecs<br />
ont acquise, en comparant les envenimations 341 ,<br />
sur la dangerosité supérieure <strong>de</strong>s « assoiffantes »<br />
d’au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la mer Égée, même si les morsures<br />
<strong>de</strong> celles-ci ne sont pas toujours inéluctablement<br />
fatales (voir ci-<strong>de</strong>ssus, 4.3.3.2.2).<br />
340. Voir ci-<strong>de</strong>ssus, 2.1.3.2.2, tableau 2 : Hippiatrica Cantabrigiensia.<br />
341. Voir, par exemple, ci-<strong>de</strong>ssus, 2.1.3.1 (<strong>de</strong>scription comparative<br />
<strong>de</strong> dipsas afro-égyptienne par Nicandre, Ther., 334-337 : aspects<br />
zoologiques ; 338-342 : aspects toxicologiques).<br />
5.2.3. Critères anthropologiques<br />
Des zoonymes ont été créés à partir <strong>de</strong> critères<br />
anthropologiques. Ainsi l’ornithonyme à connotation<br />
mythologique meleagris réfère aux sœurs<br />
<strong>de</strong> Méléagre métamorphosées, après la mort du<br />
héros, en oiseaux, mo<strong>de</strong>rne : Numida meleagris<br />
meleagris (Linné, 1758), la Pinta<strong>de</strong> à barbillons<br />
bleus (Afrique orientale) 342 . Les noms <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux<br />
divinités ont été transférés, en ophionymes premiers<br />
(compte tenu <strong>de</strong>s sources), aux serpents<br />
associés à chacune d’elles : agathodaimōn (« bongénie<br />
») 343 , d’après Agatho(s-)daimon « Bon<br />
Génie » 344 , et ammōn (« ammôn ») 345 qui joue<br />
sur le théonyme Zeus Ammon 346 . De plus, parmi<br />
les serpents dotés d’un vocable zoologique et <strong>de</strong><br />
fonctions cultuelles ou symboliques 347 , quelquesuns<br />
ont reçu, d’après elles, un synonyme anthropologique,<br />
telle, à Athènes, la périphrase oikouros<br />
ophis « (le) serpent gar<strong>de</strong>-maison », dévolue au<br />
drakōn « (le) regard-fixant », sentinelle auprès<br />
d’Athéna Polia<strong>de</strong> 348 . Dans un cas semblable,<br />
l’interprétation dépend <strong>de</strong> l’histoire <strong>de</strong> la religion<br />
grecque non moins que <strong>de</strong>s informations zoologiques.<br />
L’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s appellations <strong>de</strong> serpents issues<br />
<strong>de</strong> théonymes appartient, elle, d’abord à l’histoire<br />
magico-religieuse grecque et gréco-égyptienne.<br />
ù<br />
342. Cf. Bodson 2005 : 456 ; 2010 : 63, n. 34.<br />
343. Première occurrence : Philouménos, De ven. anim.,<br />
29 (Wellmann 1908a : 34, l. 1 et 4).<br />
344. Ganschinietz 1918 : 40-41 ; Quaegebeur 1975 : 170-176,<br />
263-264 ; Malaise 2005 : 159-176. Je remercie Michel Malaise<br />
d’avoir attiré mon attention sur l’ouvrage <strong>de</strong> Quaegebeur.<br />
345. Hésychios, A 3710 : « serpents cyrénéens » (Latte, I, 1953 :<br />
130) ; Photios, A 1210 (Theodoridis, I, 1982 : 127). — Voir<br />
aussi hieros ophionyme par substantivation <strong>de</strong> l’adjectif, « (le,<br />
un) sacré » (Aristote, HA, VII [VIII], 29, 607a30-33 : en milieu<br />
indéterminé ; Théophraste, Car., 16 [Superstitieux], 4 : en milieu<br />
grec ; cf. Diggle 2004 : 356-357) ; comparer l’expression, qui n’est<br />
pas un ophionyme, d’Hérodote, II, 74 : « les serpents sacrés (hiroi<br />
ophies) » <strong>de</strong> la région <strong>de</strong> Thèbes (d’Égypte).<br />
346. Kuhlmann 1988 : 151, n. 1196 ; Grieshammer 1996.<br />
347. Exemple : auprès d’Asclépios (cf., en première approche,<br />
Bodson 1981), pareias « le joufflu » (Elaphe quatuorlineata<br />
[Bonnaterre, 1790], Couleuvre à quate raies ; , 20/10/10).<br />
348. En première approche, Bodson 1973 : 17-22 ; 1990b : 46-50.<br />
136 ANTHROPOZOOLOGICA • 2012 • 47. 1.