Texte complet - Université de Liège
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Bodson L.<br />
son que le premier a) concerne <strong>de</strong>s ophidiens<br />
et que b) ceux-ci sont d’une certaine taille. Les<br />
premières occurrences authentiques <strong>de</strong> prēstēr<br />
ophionyme datent du i er siècle EC. Elles se lisent<br />
chez Lucain, Pline l’Ancien, Dioscori<strong>de</strong>, aucun<br />
d’eux ne décrivant le reptile ni ne le rattachant<br />
explicitement à dipsas. Seul Dioscori<strong>de</strong> dit <strong>de</strong> lui<br />
qu’il est une vipère (echidna), lorsqu’il indique,<br />
sans le localiser, divers remè<strong>de</strong>s à sa morsure 284 .<br />
Pline l’Ancien cite le prester à cinq reprises pour<br />
<strong>de</strong>s traitements <strong>de</strong> son envenimation. L’un d’eux<br />
est spécifique 285 , les autres valent aussi, comme<br />
chez Dioscori<strong>de</strong>, contre l’haimorrhois (« coulesang<br />
») 286 , - celui-ci et le prester étant, note<br />
l’encyclopédiste (HN, XXIV, 117), « les plus<br />
meurtriers (sceleratissimi) <strong>de</strong>s serpents » -, et<br />
contre le cerastes (« cornu ») 287 . Haimorrhois (voir<br />
ci-<strong>de</strong>ssus, 3.3.1.2, n. 206) et cerastes (voir ci-<strong>de</strong>ssus,<br />
3.3.3.1, n. 216) sont <strong>de</strong>s vipères d’Égypte et<br />
d'Afrique du Nord. Leur association au prēstēr/<br />
prester suggère que celui-ci en est lui-même<br />
une. Dans l’inventaire herpétologique <strong>de</strong> la<br />
Gran<strong>de</strong> Syrte, Lucain (Pharsale, IX, 722) mentionne<br />
« l’insatiable (auidus) prester qui déploie<br />
sa gueule fumante » 288 . Ensuite, il lui attribue,<br />
284. Dioscori<strong>de</strong>, De mat. med., II, 31, 1 : « la vipère appelée<br />
prēstēr » (echidna épicène renvoyant à la catégorie, cf. ci-<strong>de</strong>ssus,<br />
1.2.2.1 : A.a) ; IV, 37, 1 ; Simpl., II, 124, 1 : remè<strong>de</strong>s appropriés<br />
aussi contre la morsure <strong>de</strong> l’haimorrhois (cf. 3.3.1.2, n. 206).<br />
Sur prēstēr synonyme <strong>de</strong> dipsas chez Paul d’Égine : voir ci-après,<br />
n. 296.<br />
285. Pline l’Ancien, HN, XXXII, 46.<br />
286. Pline l’Ancien, HN, XX, 210 ; XXIII, 43 ; XXIV, 117.<br />
287. Pline l’Ancien, HN, XXXII, 30.<br />
288. Commenta Bernensia ad Lucain, Pharsale, IX, 722<br />
( usener 1869 : 310, l. 6) : « ab inflando ceruices suas et oras. » (« du<br />
fait qu’il gonfle le cou et la gueule. » : comparer ci-<strong>de</strong>ssus, 4.3.1.1,<br />
n. 280). La référence au cou, dont il n’est pas question dans le<br />
texte <strong>de</strong> Lucain, pourrait expliquer la tradition, rapportée par<br />
Isidore <strong>de</strong> Séville, Étym., XII, 4, 16, selon laquelle le prester est,<br />
<strong>de</strong> même que les vipères dipsas, haimorrhois, seps, un serpent aspis<br />
littéralement « bouclier », c’est-à-dire « cobra » (voir ci-<strong>de</strong>ssus,<br />
2.1.3.2.2, n. 106 ; ci-après, n. 290. Comparer ci-<strong>de</strong>ssus, 3.3.2.1<br />
et n. 210 : Mattioli. La dilatation en « coiffe » ou « capuchon »<br />
du tiers antérieur du corps redressé n’est pas une exclusivité absolue<br />
<strong>de</strong>s cobras. Elle ne s’observe cependant pas chez les vipères.<br />
Sans être aussi spectaculaire, elle fait partie <strong>de</strong> la tactique défensive<br />
<strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux couleuvres du genre Malpolon : Malpolon moilensis<br />
(Reuss, 1834), la Couleuvre <strong>de</strong> Moila (en Afrique du Nord,<br />
en le qualifiant, par hypallage, <strong>de</strong> torridus (IX,<br />
790) 289 , la caractéristique distinctive <strong>de</strong> son venin<br />
qui enflamme le corps du soldat Nasidius et<br />
y déclenche un œdème généralisé bientôt mortel<br />
(ibi<strong>de</strong>m, 790-804) : « (791-797) Une rougeur<br />
enflammée lui embrase le visage, sa peau se tend,<br />
tandis que ses traits s’effacent sous la bouffissure<br />
qui n’épargne pas la moindre partie <strong>de</strong> son corps,<br />
en les confondant toutes ; sur l’ensemble <strong>de</strong> ses<br />
membres qui per<strong>de</strong>nt forme humaine la corruption<br />
s’exhale, le venin exerçant <strong>de</strong> toutes parts<br />
sa puissance. Nasidius en tant que personne disparaît<br />
totalement englouti par le volume <strong>de</strong> son<br />
corps et <strong>de</strong> celui-ci, enflé comme il l’est, sa cuirasse<br />
ne contient pas la masse. » 290<br />
N’ayant pas découvert <strong>de</strong> renseignements<br />
zoologiques sur les serpents prēstēres chez les<br />
Égypte, Moyen-Orient, jusqu’à l’Iran) ; Malpolon monspessulanus<br />
(Hermann, 1804), la Couleuvre <strong>de</strong> Montpellier (tout le bassin<br />
méditerranéen et, à l’est, jusqu’à l’Iran). Voir Gruber 1992 : 151-<br />
156 (ill.) ; Leviton et al. 1992 : 99-101 et pl. 16E (M. moilensis :<br />
posture défensive)-G et 17A ; Schleich et al. 1996 : 500-505 et pl.<br />
44, 128-133 (fig. 129 : M. moilensis : posture défensive) ; David<br />
& Ineich 1999 : 32 ; Sindaco et al. 2000 : 475 ; Disi et al. 2001 :<br />
291-296 et fig. 206-210 ; Arnold & Oven<strong>de</strong>n 2002 : 202, 282<br />
(carte 161) et pl. 42, 3a-b (M. monspessulanus) ; Venchi & Sindaco<br />
2006 : 282-283 ; Valachos et al. 2008 : 372-375 et fig. 368-<br />
371 (M. monspessulanus) ; (21/10/10) ;<br />
<br />
(21/10/10). La « gueule (fumante)<br />
déployée » est non pas un signe d’agressivité, mais le moyen<br />
d’assurer la thermorégulation par évaporation « dans les cas tout<br />
à fait exceptionnels <strong>de</strong> lutte contre la chaleur excessive. L’animal<br />
ouvre alors la bouche et se met à haleter rapi<strong>de</strong>ment » (Saint Girons<br />
H. 1994a : 82). Comparer ci-<strong>de</strong>ssus, 3.3.1.2, n. 195 :<br />
Apollonios <strong>de</strong> Rho<strong>de</strong>s.<br />
289. Comparer Pharsale, IX, 718 : torrida dipsas (ci-<strong>de</strong>ssus,<br />
2.1.3.1, n. 74) ; sur torridus en IX, 790, voir Raschle 2001 : 288 ;<br />
Wick 2004 : 338 (renvoi à 299 : IX, 718) ; rubor igneus (« rougeur<br />
enflammée ») en IX, 791, voir Raschle 2001 : 289 ; Wick, II,<br />
2004 : 338. Ci-après, ad n. 291 : [Aélius Promotus], De ven. anim.,<br />
18 (« douleur … comme d’un feu » ; cf. ci-<strong>de</strong>ssus, 4.1.1.2, n. 258).<br />
290. Cf. Solin, 27, 32 (Mommsen 1895 : 123, l. 2-3) ; Isidore<br />
<strong>de</strong> Séville, Étym., XII, 4, 16 (cf. André 1986 : 144-145, n. 239),<br />
qui cite Lucain, emprunte à Solin et définit le prester comme un<br />
serpent aspis littéralement « bouclier », c’est-à-dire « cobra » (cf. ci<strong>de</strong>ssus,<br />
2.1.3.2.2, n. 106 ; ci-avant, n. 288). Le nom seul chez<br />
Polémius Silvius, Laterculus, 3 (Mommsen 1892 : 543, l. 33) :<br />
« prester » (dans une liste mêlant les noms <strong>de</strong> serpents européens<br />
et africains).<br />
122 ANTHROPOZOOLOGICA • 2012 • 47. 1.