Texte complet - Université de Liège
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Introduction au système <strong>de</strong> nomination <strong>de</strong>s serpents en grec ancien<br />
1.2.2.2. Appréciation antique <strong>de</strong> la venimosité<br />
<strong>de</strong>s vipères mâles et femelles<br />
Dans la tradition antique, la <strong>de</strong>scription <strong>de</strong>s<br />
symptômes <strong>de</strong> l’envenimation par les vipères<br />
grecques et eurasiatiques ne change pas ou guère<br />
d’un sexe à l’autre (Nicandre, Ther., 235-257,<br />
517-518). Néanmoins, bien que la morsure<br />
<strong>de</strong>s mâles ne soit pas bénigne (Nicandre, Ther.,<br />
230-232, 653, 826), les femelles sont réputées<br />
plus venimeuses, plus agressives et donc plus<br />
dangereuses 34 . Chez beaucoup d’espèces, elles<br />
sont effectivement plus gran<strong>de</strong>s et plus robustes<br />
que les mâles et elles ont, dès lors, davantage <strong>de</strong><br />
venin (voir ci-<strong>de</strong>ssous, 1.2.3, n. 37).<br />
1.2.3. Caractères fondamentaux du syndrome<br />
vipérin 35<br />
Le syndrome vipérin se manifeste 1) par <strong>de</strong>s<br />
altérations spécifiques constituant elles-mêmes<br />
<strong>de</strong>s entités cliniques : (a) un syndrome hémorragique,<br />
conséquence <strong>de</strong>s perturbations <strong>de</strong><br />
l’hémostase, et (b) un syndrome local. L’un prévaut<br />
souvent sur l’autre et, selon les cas, prend<br />
<strong>de</strong>s proportions systémiques. Certains signes<br />
apparaissent dans les minutes ou les heures<br />
qui suivent la morsure, d’autres ne se stabilisent<br />
qu’après plusieurs jours. Le syndrome<br />
local comporte douleur ; œdème résultant <strong>de</strong> la<br />
réaction inflammatoire ; parfois nécrose et, en<br />
complication secondaire <strong>de</strong> l’anoxie tissulaire,<br />
gangrène avec le risque inhérent d’amputation<br />
et, au pire, <strong>de</strong> mort ; troubles cutanés essentiellement<br />
dus à l’ampleur <strong>de</strong> l’œdème (<strong>de</strong>s venins<br />
causent une prise <strong>de</strong> poids qui peut être, chez<br />
l’adulte, supérieure à 10 kg) et au syndrome hémorragique<br />
; surinfection bactérienne. (c) L’atteinte<br />
circulatoire et (d) l’insuffisance rénale<br />
sont, elles, occasionnées par la dégradation <strong>de</strong><br />
multiples mécanismes biologiques. (e) Des venins<br />
<strong>de</strong> vipères, parmi lesquelles Vipera ammodytes<br />
(Linné, 1758), la Vipère ammodyte ou Vi-<br />
34. Par exemple, Nicandre, Ther., 118-127 (voir ci-<strong>de</strong>ssous,<br />
2.1.3.1 ; 2.3.2.1), 232-234, 517.<br />
35. D’après Goyffon 2010 : 12-16 ; Gui<strong>de</strong>lines 2010 ; Larréché et<br />
al. 2010a : 82-87 ; Warrell 2010 : 511-515.<br />
père <strong>de</strong>s sables (voir ci-<strong>de</strong>ssous, 2.3.1, n. 134 ;<br />
2.3.2.1, n. 149) ont, <strong>de</strong> plus, <strong>de</strong>s effets neurotoxiques<br />
ou myotoxiques. 2) Les dérangements<br />
non spécifiques consistent en asthénie, lipothymie,<br />
sueurs profuses, symptômes respiratoires,<br />
douleur abdominale, diarrhée, vomissements,<br />
réactions allergiques (dont l’œdème angioneurotique).<br />
La nature et la gravité <strong>de</strong>s symptômes procè<strong>de</strong>nt<br />
<strong>de</strong> plusieurs facteurs. Le premier est la composition<br />
du venin. Celle-ci diffère (1) d’une espèce à<br />
l’autre 36 ; (2) au sein d’une espèce, d’une population<br />
à l’autre ; (3) au sein d’une population, d’un<br />
individu à l’autre (cf. Schneemann et al. 2004 :<br />
725). La quantité <strong>de</strong> venin qui est sécrétée tient<br />
à la taille et au poids <strong>de</strong> la vipère 37 , la fraction<br />
injectée dépend <strong>de</strong> la saison, du moment et du<br />
siège <strong>de</strong> la morsure, celle-ci étant soit unique<br />
soit répétée avec un seul crochet ou les <strong>de</strong>ux 38 .<br />
D’autre part, la condition physique (âge, poids,<br />
état <strong>de</strong> santé, sensibilité allergique) et psychique<br />
(calme, inquiétu<strong>de</strong>, angoisse) <strong>de</strong> la victime ainsi<br />
que la qualité et la rapidité <strong>de</strong>s soins préhospitaliers<br />
et hospitaliers ont une inci<strong>de</strong>nce directe<br />
sur l’évolution du syndrome 39 . Si favorable que<br />
celle-ci semble s’annoncer, elle peut toujours<br />
connaître un tour imprévu jusqu’à engager le<br />
pronostic vital (Schneemann et al. 2004 ; voir<br />
ci-<strong>de</strong>ssous, 2.3.2.2.2).<br />
36. Larréché et al. 2010a : 74-82 ; cf. Gui<strong>de</strong>lines 2010 : 41<br />
(encadré « Medically important snakes of Africa »), 44-46.<br />
37. Voir, par exemple, Chippaux 2002 : 70 (Tableau II) ; Mallow<br />
et al. 2003 : 134 (quantités <strong>de</strong> venin sec recueillies en une année<br />
chez Cerastes cerastes et chez Cerastes vipera ; sur ces vipères, voir<br />
ci-<strong>de</strong>ssous, 2.3.2.2.1 [p. 99-102], tableau 4).<br />
38. Même après plusieurs frappes ou après ingestion <strong>de</strong><br />
la proie, le venin n’est pas épuisé ni la venimosité amoindrie<br />
(cf. Gui<strong>de</strong>lines 2010 : 44, 5.1). Chez le juvénile, la composition<br />
du venin et ses propriétés toxiques ne diffèrent pas <strong>de</strong><br />
celles <strong>de</strong> l’adulte. Cf. Warrell 2010 : 530 (Macrovipera lebetina) et<br />
fig. 562-563 ; sur cette vipère, voir ci-<strong>de</strong>ssous, 4.3.3.2.3 et n. 317.<br />
39. Chippaux 2002 : 219-229, avec fig. 48 : « Chronologie d’une<br />
envenimation par Viperidae » ; tableau XV : « Score clinique <strong>de</strong><br />
gravité » ; Mion et al. 2010 : 143-149, avec tableau 1 : « Score <strong>de</strong><br />
gravité clinico-biologique <strong>de</strong>s envenimations ophidiennes ».<br />
ANTHROPOZOOLOGICA • 2012 • 47. 1. 79