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Revista de Psicanálise

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101Ce que le sujet autiste nous apprend du mystère du corps parlantElisabeth LéturgieAvoir un corps, être parlé et entrer dans le langage est le statut <strong>de</strong> l’être humain mais cela nedit pas comment la libido anime un sujet pour qu’il se tienne <strong>de</strong>bout.Les psychanalystes sont confrontés au mystère du corps parlant car la clinique enseigne quel’idée <strong>de</strong> soi comme corps peut manquer à un sujet et c’est ce qui semble se produire pour l’autiste.Les références <strong>de</strong> Lacan sur l’autisme sont rares, connues et énigmatiques. Il y a celle <strong>de</strong> laconférence <strong>de</strong> Genève sur le symptôme (1975) où il pose la question <strong>de</strong> savoir «pourquoi il y aquelque chose chez l’autiste… qui se gèle, si on peut dire».Cette notion <strong>de</strong> gel est très complexe car elle implique une présence «non activée, nonréalisée» mais qui ne dit pas <strong>de</strong> quel registre est ce « quelque chose» gelé que l’on rencontre dansl’autisme.Lacan précise également que, si nous avons <strong>de</strong> la peine à les entendre, c’est parce que cesont «<strong>de</strong>s personnages plutôt verbeux», c’est la référence la plus connue qui, à suivre le Littré, nousindique que «le verbeux est celui qui abon<strong>de</strong> en paroles mais sans idées». C’est assez énigmatiqued’utiliser ce terme pour <strong>de</strong>s sujets le plus souvent privés <strong>de</strong> parole.Mais si on rapproche cette référence <strong>de</strong> celle du Séminaire XXIV (séance du 18 04 1977) oùLacan parle «d’autisme à 2» pour saisir ce qu’il en est du Réel en jeu dans la séance cela oriente lapratique analytique avec les sujets autistes.Pour eux, l’objet ne chute pas entre le sujet et l’Autre et aucun signifiant ne vient prendre saplace, pour se coupler avec un S2 qui viendrait <strong>de</strong> l’Autre. Ainsi il n’y a pas <strong>de</strong> S1-S2 quifonctionne, l’enfant nait «en objet», lui-même hors signifiant, et ne fait pas sa rencontre avec lepremier objet <strong>de</strong> satisfaction. Il ne sait même pas qu’il existe un Autre, porteur d’un objet séparabledont il pourrait s’emparer, puis le perdre et le retrouver.Cela permet <strong>de</strong> saisir pourquoi ces enfants sont hors <strong>de</strong>man<strong>de</strong> dès le début <strong>de</strong> la vie, prêts àse laisser mourir <strong>de</strong> faim. Il ne s’inscrit pas dans les signifiants <strong>de</strong> la mère, <strong>de</strong> son histoire familiale,<strong>de</strong> son couple, elle ne sait à qui l’adresser et cela produit une élision <strong>de</strong> l’être chez celui qui n’estpas en place <strong>de</strong> «petit a» suscitant le désir <strong>de</strong> la mère et se retrouve juste «objet <strong>de</strong> soins» dans undésert <strong>de</strong> signifiants. Il ne pourra trouver dans le miroir l’appui <strong>de</strong> l’Autre maternel qui permettraitl’inscription symbolisante.Avant le Sta<strong>de</strong> du Miroir la pulsion scopique inclut son objet, <strong>de</strong>vant le miroir «l’objet seperd» il n’est plus «déjà-là» et à partir <strong>de</strong> cette perte les sons du babille font chaîne signifiante,avant même d’être porteur <strong>de</strong> sens, c’est lalangue, instillée <strong>de</strong>puis la naissance, qui permetl’opération <strong>de</strong> subjectivation.Au «c’est toi» <strong>de</strong> nomination maternelle, le petit d’homme se reconnait par un narcissique«c’est donc moi» qui sera la cause <strong>de</strong> la verticalisation du corps et cette étreinte symbolique avec lamère en même temps l’en extirpe et lui décerne une image et un corps.Privé <strong>de</strong> son image, l’enfant autiste ne pourra pas trouver, la découpe unitaire <strong>de</strong> son corps etne s’animera jamais vraiment. Ce quelque chose <strong>de</strong> gelé dont parle Lacan, concerne la libido autantque le signifiant.Selon la formule <strong>de</strong> Rosine Lefort «une cure d’autiste ne part pas du pulsionnel, elle ymène». Puisqu’il n’y a pas d’objet, il n’y a pas <strong>de</strong> libido d’objet et donc pas <strong>de</strong> narcissisme. Lecorps en est ainsi marqué et l’inscription dans le langage empêchée.On ne repère pas <strong>de</strong> trace d’une première aliénation consentie au langage reçu <strong>de</strong> l’Autre. Etavec l’autiste on se situe avant toute significantisation et hors Métaphore Paternelle, c’estl’approche la plus cruelle <strong>de</strong> l’absence <strong>de</strong> signifiant, en ce que c’est le signifiant qui donne le corpset pas la cellule. Cela exclut un montage pulsionnel qui ferait trajet, tour et retour et symbolisation<strong>de</strong>s bords, <strong>de</strong> ce manque le corps est meurtri et le sujet ne peut qu’incarner cet «inanimé» <strong>de</strong> l’objet,selon un mo<strong>de</strong> particulier.

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