Revista de Psicanálise
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171De l’incarnation à l’irréductibleAnita IzcovichJe situerai dans un premier temps la psychanalyse dans notre civilisation marquée par lediscours <strong>de</strong> la science, qui tend à réduire la distance maintenue au réel impensable par le mystère ducorps parlant. Le discours <strong>de</strong> la science forclôt le sujet, dans un pousse à la désincarnation <strong>de</strong> lasubstance du sujet, dans un pousse à réduire l’irréductible.Les techniques actuelles <strong>de</strong> la science introduisent une nouvelle conception du corps. Que cesoit dans l’industrie procréative ou gestative, ou dans la transplantation d’organes, le corps prendparfois une valeur <strong>de</strong> commercialisation sur le marché.C’est ainsi que les lois <strong>de</strong> bioéthique se sont développées, pour limiter ces débor<strong>de</strong>ments. Ledroit français interdit toute atteinte à la dignité <strong>de</strong> l’homme, elle garantit le respect du corps etstipule qu’il est inviolable et inaliénable, il ne peut être traité comme une chose ou comme un bien:«Le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l’objet d’un droit patrimonial». Lesquestions concernant le sujet sont multiples, aujourd’hui: celle <strong>de</strong> savoir à partir <strong>de</strong> quand on estune personne, la dénaturalisation du sujet, les crimes contre l’espèce humaine, l’eugénisme.L’éthique répond au discours <strong>de</strong> la science pour rétablir l’incarnation du sujet, mais c’est unsujet <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong> l’homme. Elle cherche à redonner la parole au corps, que le corps ne soit plusl’objet <strong>de</strong> la science et <strong>de</strong> la productivité, mais qu’il soit habité par un sujet dans une liberté morale.Cependant, les mystères du corps parlant sont désespérément perdus, face à un Autre qui sait et quicomman<strong>de</strong> la vie et la valeur d’un sujet libre.On opposera donc au sujet <strong>de</strong> la science d’une part, et <strong>de</strong> l’éthique d’autre part, le sujet <strong>de</strong> lapsychanalyse. Le corps du sujet est fait avec <strong>de</strong> l’objet perdu. Freud l’a conceptualisé à traversl’objet pulsionnel, et Lacan l’a repris dans l’objet a, qui incarne un irréductible, ce que l’être sexuéperd dans sa sexualité, ce qui est soustrait à l’être vivant du fait qu’il est soumis au cycle <strong>de</strong> lareproduction sexuée. C’est-à-dire que le pur instinct <strong>de</strong> vie, <strong>de</strong> vie immortelle, ce sont les objets aqui vont le représenter et incarner cet irréductible. Selon Lacan, dans le Séminaire Les quatreconcepts fondamentaux <strong>de</strong> la psychanalyse, le placenta représente cette part <strong>de</strong> lui-même quel’individu perd à la naissance et qui symbolise, <strong>de</strong> structure, l’objet perdu. La génétique elle-mêmeest la fonction <strong>de</strong> la détermination d’éléments <strong>de</strong> l’organisme vivant dans une combinatoire quiopère par l’expulsion <strong>de</strong>s restes. C’est ce qui nous introduit à la fonction <strong>de</strong> l’objet a qui incarne cequi est perdu.C’est-à-dire que le discours <strong>de</strong> la science actuel tente, pourrait-on dire, <strong>de</strong> repousser lesbarrières <strong>de</strong> l’inaccessibilité <strong>de</strong> la Chose en chiffrant la jouissance dans une valeur qui récupère cequi choit du corps.C’est donc dans ce contexte <strong>de</strong> désincarnation du sujet qui prend une teinte d’objet dumarché et <strong>de</strong> la mondialisation que je situerais la psychanalyse, non pas pour répondre au discourssocial, mais pour questionner le savoir faire du psychanalyste face à <strong>de</strong>s <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s formulées entermes <strong>de</strong> discours du marché. C’est-à-dire que le sujet vient parfois déposer son manque à jouirchez le psychanalyste avec une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> le faire fructifier en plus <strong>de</strong> jouir, <strong>de</strong> faire capitaliser sajouissance. Il attend que le psychanalyste se mette au travail pendant que lui-même met au reposson incarnation signifiante <strong>de</strong> sujet. Il viendrait <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r en quelque sorte son dû dans l’analyse,exiger que ce qu’il a perdu lui soit rendu. On notera qu’il n’y a rien <strong>de</strong> nouveau, dans cette positiondu sujet, car c’est la position du Moi fort, mais sans doute renforcée par le discours du Maîtreactuel.C’est alors tout le travail du psychanalyste <strong>de</strong> déplacer l’amour du plus <strong>de</strong> jouir déçu, surl’amour du savoir inconscient. L’agalma qui était situé auparavant dans <strong>de</strong>s objets qui étaient censésdéfinir la valeur du sujet dans le discours social, doit être déplacé sur l’analyste en tant que receleur