144L’autisme <strong>de</strong> la jouissanceFrançoise JosselinLe séminaire Encore marque la vraie révolution lacanienne <strong>de</strong> l’inconscient, celle dusymptôme central <strong>de</strong> la carence propre au rapport sexuel, concept qui vient faire limite à la structuredu sujet, bouleversant les structures cliniques classiques: Névroses, Psychoses et Perversions.Suivant la lecture approfondie <strong>de</strong> Colette Soler sur l’inconscient réel, l’Autre, lieu dusignifiant, d’originaire et structural, cè<strong>de</strong> le pas à lalangue a-structurale. Le contingent <strong>de</strong> larencontre avec le réel du vivant et le réel <strong>de</strong> lalangue précè<strong>de</strong> le nécessaire <strong>de</strong> la répétition et lesujet est moins sous le joug <strong>de</strong> la jouissance <strong>de</strong> l’Autre qui, dit Lacan, «dans mon langage ne peutêtre que l’Autre sexe» qu’aux prises <strong>de</strong> la jouissance Une, toujours réelle, idiote et solitaire, autiste.Si nous sommes tous <strong>de</strong>s traumatisés <strong>de</strong> lalangue avant d’être <strong>de</strong>s traumatisés du sexe, lajustice, dans ce domaine, n’est pas distributive. Lalangue, lieu du «savoir parlé» qui, précise ColetteSoler, «civilise la jouissance en lui donnant sa forme langagière»…ceci dans la limite <strong>de</strong> ses effets<strong>de</strong> fragmentation, répartit la clinique et ses configurations <strong>de</strong> jouissance entre les parlêtres qui ont«un corps à jouir» et ceux qui sont hors sens joui.Le noyau <strong>de</strong> la jouissance est autiste, réel qui s’éprouve et ne se démontre pas quel’expérience <strong>de</strong> la passe tente <strong>de</strong> cerner comme ce qui fait la singularité <strong>de</strong> chacun.Donc une clinique renouvelée, allégée du carcan <strong>de</strong> la structure transcendantale etnécessaire, qui se repère sur l’usage que le sujet fait <strong>de</strong> son symptôme et <strong>de</strong> ses possibilités <strong>de</strong>nouage comme lien social.En particulier dans la psychose où le diagnostic est si souvent problématique entre paranoïa,schizophrénie et autisme. Pour exemple la paranoïa du Prési<strong>de</strong>nt Schreber qui confine à laparaphrénie, le type <strong>de</strong> psychose chez l’Homme aux loups ou chez Joyce, la question <strong>de</strong> l’autisme:s’agit-il d’une quatrième structure comme l’ont proposé Rosine et Robert Lefort ou plutôt, selon le<strong>de</strong>rnier enseignement <strong>de</strong> Lacan, du symptôme pur du rapport du sujet au langage, le témoin«intégral» selon l’expression <strong>de</strong> Primo Levi, du trauma <strong>de</strong> lalangue a-structurale sur la substancejouissante du corps, énigme, dit Lacan, portée chez Joyce à la puissance <strong>de</strong> l’écriture?Lacan a <strong>de</strong> moins en moins parlé <strong>de</strong>s structures cliniques héritées <strong>de</strong> la psychiatrie à mesurequ’il avançait <strong>de</strong> la structure du langage aux effets <strong>de</strong> lalangue, réduisant même l’inconscient à uneélucubration <strong>de</strong> savoir sur lalangue.Sommes-nous mala<strong>de</strong>s du corps ou mala<strong>de</strong>s <strong>de</strong> la pensée? Ou mystère du corps affecté danssa jouissance par lalangue, empreinte toujours singulière, contingente, <strong>de</strong> ce «savoir parlé» <strong>de</strong> lalangue maternelle où le son est disjoint du sens?Le saut du sable <strong>de</strong> lalangue (en un seul mot) au cristal <strong>de</strong> la langue (en 2 mots) nécessiteune extimité <strong>de</strong> la jouissance hors du corps sinon le corps ne peut entrer dans l’économie <strong>de</strong> lajouissance par l’image du corps.Dali témoigne dans un <strong>de</strong>s ses livres autobiographiques: La vie secrète <strong>de</strong> Salvador Dali parSalvador Dali, <strong>de</strong> l’énorme difficulté d’avoir un corps et d’en faire usage quand la fonctionpaternelle n’a pas donné le modèle du symptôme fondamental sexué, et <strong>de</strong> <strong>de</strong>voir se construire unego a-corporel. «Mon père m’a infligé dès ma naissance, par un excès d’amour qui ne s’adressaitqu’à moi seul, une blessure narcissique par où ma raison a failli s’engouffrer», celle <strong>de</strong> <strong>de</strong>voir porterle prénom <strong>de</strong> Salvador (le Sauveur) prénom d’un frère ainé mort avant sa naissance et attenducomme un génie par ce père prénommé lui même Salvador.Dès l’enfance, ce petit roi solitaire, assis nu dans un baquet, la couronne d’or sertie <strong>de</strong> rubis,ca<strong>de</strong>au <strong>de</strong> l’anniversaire <strong>de</strong> ses 6 ans, qu’il gardait vissée sur la tête au prix d’une souffranceintolérable plus il grandissait, a, dit-il, besoin <strong>de</strong> souffrir et <strong>de</strong> faire souffrir (les actes <strong>de</strong> cruauté <strong>de</strong>
145son enfance) pour penser.Pour penser, dit Lacan dans La Conférence à Genève sur le symptôme, il faut avoir un corpsparce que l’on pense avec <strong>de</strong>s mots et que les mots passent par le corps. Lacan, écrit même, dansson séminaire Le sinthome, l’appensée pour signifier qu’on s’appuie contre un signifiant pourpenser. Ne pouvant s’appuyer vraiment contre le signifiant du Nom du Père, Dali concrétise laprésence massive du père, alourdissant son portrait <strong>de</strong> plusieurs couches <strong>de</strong> peinture «obsédé – dit-il– qu’un tel portrait pèse plus que tout autre». «J’avais besoin <strong>de</strong> son poids, <strong>de</strong> sa <strong>de</strong>nsité, commepoint d’appui au sein <strong>de</strong> mes coulantes structures mentales».L’opération <strong>de</strong> l’incorporation <strong>de</strong> la parole <strong>de</strong> l’Autre, premier corps du symbolique qui faitle second (imaginaire) <strong>de</strong> s’y incorporer, a failli à permettre au sujet Dali <strong>de</strong> ne pas savoir qu’il étaitdéjà mort symboliquement. Dali sait qu’il est déjà mort, lui qui doit être le catafalque d’un autreSalvador: «Je suis la <strong>de</strong>meure d’un génie», ce qu’il a entendu à la lettre.Le phallus, dit Lacan dans RSI, est ce qui donne corps à l’image. Sur les bords du gouffre <strong>de</strong>l’amour paternel dévorant, Dali, pour soutenir «les éléments <strong>de</strong>rmo-squelettiques <strong>de</strong> ma propreimage», «les matériaux calcaires <strong>de</strong> mon autoportrait» doit ériger dans ses diverses constructions,inlassablement, un phallus trop réel: par exemple l’obsession d’un pain <strong>de</strong> 40 mètres <strong>de</strong> long maissurtout l’obsession <strong>de</strong> la béquille, objet apparu dans son enfance comme objet «érotico- mortel»,troisième jambe d’un Guillaume Tell, sujet princeps dans son œuvre picturale.Son image est en perpétuel remaniement <strong>de</strong>rrière son souci du vêtement: du dandysme autravestisme, aux déguisements délirants morbi<strong>de</strong>s, pour lutter contre <strong>de</strong>s traverséeshypocondriaques terrifiantes, <strong>de</strong>s délires transitivistes (retrouve sur son corps les écailles du poissonmort qu’il est en train <strong>de</strong> peindre) ou d’intrusions corporelles (interprète, dans un état <strong>de</strong> panique,un grain <strong>de</strong> beauté aperçu sur son dos dans la glace comme une tique sous sa peau, «un embryon <strong>de</strong>frère siamois»).Comme pour Joyce, la rencontre avec l’Autre sexe en la personne <strong>de</strong> Gala va lui révéler lacarence du non rapport sexuel, carence habituellement voilée par le fantasme symptomatique propreà chacun. Il a 25 ans, il n’a pas jamais eu <strong>de</strong> relations sexuelles malgré l’extravagance <strong>de</strong> mises enscène érotiques et il est saisi d’un effroi apocalyptique. Dans la plus terrible fascination il l’aurait,dit-il, précipitée dans l’abîme si elle ne lui avait pas renvoyé son propre secret: «je voudrais quevous me fassiez crever». «Sans Gala je serais <strong>de</strong>venu fou», fou <strong>de</strong> terreur <strong>de</strong>s sauterelles, <strong>de</strong>smicrobes, <strong>de</strong> la mort (comme son père) au point qu’à un certain <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> psychose, on refuse <strong>de</strong>déglutir et on meurt <strong>de</strong> faim (Dali est mort cachectique). «Mon amour pour Gala est un mon<strong>de</strong> clospuisque ma femme est la fermeture indispensable <strong>de</strong> ma propre structure. Jusque là je vivais dansun sac plein <strong>de</strong> trous» (c’est l’Imaginaire qui ficèle le sac dit Lacan dans Le sinthome. «En mecollant à Gala, je trouvai ma colonne vertébrale».Pour ce forçat <strong>de</strong> la peinture qui peint toujours nu, la toile est, comme Gala, un substitutd’enveloppe, une texture. Il signe ses tableaux, fait sans doute unique dans l’histoire <strong>de</strong> la peinture,<strong>de</strong> leurs <strong>de</strong>ux noms «Dali-Gala». A la mort <strong>de</strong> Gala, il s’enferme définitivement dans son château <strong>de</strong>Pubol <strong>de</strong>venant, selon les termes <strong>de</strong> Louis Pauwels, un «emmuré vivant», une image squelettiquedrapée dans les habits royaux imposés par ses parents <strong>de</strong>puis l’enfance: la toge <strong>de</strong> velours rougebordée d’hermine et la couronne d’or.Dali explore scientifiquement la matérialité <strong>de</strong> l’objet peinture, sa façon pour lui«d’objectiver ma pensée» <strong>de</strong> se façonner un autoportrait qu’il qualifie lui-même <strong>de</strong> «dalinien». Ildéfinit sa peinture comme «la photographie <strong>de</strong> mon âme».Chez lui, l’Imaginaire n’est pas suffisamment limité par le Réel, «toute ma vie mentale estfaite d’enregistrements <strong>de</strong> visions». La pensée <strong>de</strong> Dali est concrète, à la recherche constante <strong>de</strong>l’irrationnel pour «transformer le torrent dionysiaque en performances apolliniennes». C’est ainsiqu’il définit sa métho<strong>de</strong> paranoïa-critique, «appareil auto analyseur» dont le but est <strong>de</strong> transformerl’horreur <strong>de</strong> la mort en exaltation. Depuis l’enfance, alors qu’il fuit les mala<strong>de</strong>s, les morts, les fous
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