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Revista de Psicanálise

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68Le corps façonnéEliane PamartPour s’accor<strong>de</strong>r avec le tempo d’une économie capitaliste compétitive, notre mon<strong>de</strong>contemporain développe son lien social <strong>de</strong> manière virtuelle, limitant la rencontre <strong>de</strong>s sujets, maisaussi bien celle du corps à corps, alors que parallèlement, on note la multiplication <strong>de</strong>s sites <strong>de</strong>rencontre ou d’association <strong>de</strong> toute sorte. Mais les patients témoignent bien souvent <strong>de</strong> leursdéceptions qu’occasionnent ces contacts, rendant encore plus difficile la rencontre sexuelle dupartenaire. Face à ce malaise, et par ce même moyen d’information, ils vont rechercher lestechniques <strong>de</strong> thérapie ayant pour objet le corps ou son comportement, bénéficiant d’une publicitéoù l’accès paraît aisé et les résultats rapi<strong>de</strong>ment efficaces.Ces journées sur le «le mystère du corps parlant» viennent donc à point nommé dans notrecivilisation pour l’interroger sur son rapport au corps, sa représentation étant <strong>de</strong> plus en plusutilisée, galvaudée, commercialisée dans sa totalité ou partiellement par le biais <strong>de</strong> l’affichage,relayé par internet. Cette course au corps virtuel qui mobilise le fantasme, isole encore plus sesa<strong>de</strong>ptes dans une solitu<strong>de</strong> quotidienne face à <strong>de</strong>s modèles <strong>de</strong> jouissance uniformisée.La psychanalyse qui ne véhicule pas d’emblée le signifiant «corps» et ne promet aucunejouissance, est alors jugée trop lointaine <strong>de</strong> ce quotidien du corps souffrant dit «stressé», qu’ilsuffirait <strong>de</strong> réadapter ou <strong>de</strong> manipuler pour qu’il retrouve spontanément son bon fonctionnement.Les tenants <strong>de</strong> ce discours, pressés <strong>de</strong> répondre aux prédicats <strong>de</strong> notre époque, critique déjàémise par Freud à l’encontre <strong>de</strong> Rank, dans son texte «Analyse avec fin et l’analyse sans fin»méconnaissent ce qui fût à la source <strong>de</strong> la découverte freudienne, à savoir les symptômes <strong>de</strong>conversion hystérique tels que Charcot les présentait à la Salpêtrière au siècle <strong>de</strong>rnier. Freudsoulignait dans ce texte que «l’expérience analytique, nous a enseigné que la thérapiepsychanalytique, la libération d’un être humain <strong>de</strong> ses symptômes névrotiques, inhibitions etanomalies caractérielles, est un travail <strong>de</strong> longue haleine. C’est pourquoi, dès le tout début, <strong>de</strong>stentatives ont été faites pour raccourcir la durée <strong>de</strong>s analyses». 1A l’inverse <strong>de</strong> ces thérapies précé<strong>de</strong>mment citées, la psychanalyse s’inscrit d’emblée commeun travail à long terme, working through, qui repose exclusivement sur la parole du patient enprésence d’un analyste.Mais comment peut-elle opérer à partir <strong>de</strong> ce dispositif sur un corps en souffrance ?Comment peut-elle libérer l’être humain <strong>de</strong> ses symptômes par <strong>de</strong>s dits qui ne concernent pasexclusivement le corps ?Voici les questions qu’un public non averti pourrait se poser? Bref, quelle inci<strong>de</strong>ncel’analyse peut-elle avoir sur le corps?Dès1893, En hommage à Charcot, Freud écrit: «Si je trouve un être humain dans un étatcomportant tous les signes d’un affect douloureux, pleurs, cris, agitation, je suis tout disposé àconclure qu’il faut supposer chez cette personne l’existence d’un processus psychique dont lamanifestation justifiée est constituée par ces phénomènes corporels». 2Dans cette formulation freudienne, nous trouvons le joint entre «ces phénomènes corporels»,c'est-à-dire les symptômes qui <strong>de</strong>viendront plus tardivement avec Lacan, ces «événements <strong>de</strong>corps» 3 et l’affect qui témoigne que le sujet, aux prises avec un processus psychique tel que celui durefoulement, parle avec son corps. Le «mystère du corps parlant» titre <strong>de</strong> nos journées, pourrait biense situer ici, dans la manière dont l’inconscient s’empare du corps pour dire sa vérité au sujet qui laméconnaît, d’où son «inquiétante étrangeté» <strong>de</strong>vant ce corps parlant et pourtant si familier jusqu’à1 Freud S. (1937), Analyse avec fin et analyse sans fin, in Résultats, idées, problèmes,V. II, Paris, Puf, pp. 231-232.2 Freud S. (1893), Charcot, in Résultats, idées problèmes, Tome I, Paris, Puf , p.693 Lacan J.(2001), Joyce le symptôme, Autres Ecrits, Seuil, Paris p.569.

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