140De l’insubstance à la substanceLuis IzcovichCe titre en apparence étrange pour se référer à la doctrine analytique exige, avant d’êtredéplié, d’être nuancé par un autre terme, celui <strong>de</strong> retour. Donc ce serait <strong>de</strong> l’insubstance à lasubstance et retour. Avec <strong>de</strong> l’insubstance à la substance nous indiquons un sens, une direction, avecun passage du premier terme, celui d’insubstance, utilisé par Lacan dans son séminaire l’Envers <strong>de</strong>la psychanalyse, à celui <strong>de</strong> substance employé dans son séminaire Encore. Le terme <strong>de</strong> retours’impose, on le verra, si on tient compte que l’expérience analytique n’implique pas la substitution,le passage d’un terme à un autre.Dans ces <strong>de</strong>ux références, l’usage <strong>de</strong>s termes concerne le corps, alors qu’auparavant, Lacans’est servi du terme <strong>de</strong> substance dans un sens plus large, en le faisant souvent équivaloir au termed’essence au point que parfois ce <strong>de</strong>ux termes sont utilisés <strong>de</strong> façon indistincte. Ainsi la substanceindique au départ la place <strong>de</strong> l’inconscient dans la théorie et également la place réservée dans lepost-freudisme à la libido. Le réservoir <strong>de</strong> la libido <strong>de</strong>vient pour Lacan la substance qui oriente lapsychanalyse en lui. De même, le terme d’essence est constant chez Lacan. Il lui sert à interroger cequi fait le noyau <strong>de</strong> l’analyse, le noyau <strong>de</strong> l’être, voire le noyau <strong>de</strong> la femme. Ainsi Lacan soulève laquestion <strong>de</strong> ce qui fait l’essence d’une structure clinique, l’essence du sujet, l’essence <strong>de</strong> laféminité. Autrement dit, l’essence concerne la structure. C’est pourquoi il conclut que l’essence dusujet n’est pas le signifiant mais l’objet (a), qui <strong>de</strong>vient donc substance, l’essence <strong>de</strong> la femme estd’être pas-toute, elle est donc insubstante puis <strong>de</strong> formuler, au moment où il introduit les quatrediscours, que l’essence d’un discours est ce qui est à la place dominante. Que Lacan au moment oùil introduit les quatre discours substantialise la place dominante, c’est ce qui se traduit dans lediscours <strong>de</strong> l’analyste par la place d’objet (a). Ce n’est pas l’objet dans sa valeur <strong>de</strong> semblant maisl’objet substance qui fait la position <strong>de</strong> l’analyste, au sens où il fait l’étoffe. Ceci est cohérent avecce qui est requis pour la production <strong>de</strong> ce désir inédit à savoir, la désupposition <strong>de</strong> la croyance aufantasme qui, comme le dit Lacan, n’est jamais substantialisé dans le souvenir. Faute <strong>de</strong> lasubstance du souvenir dans le fantasme, il reste le mémorial du corps. C’est pourquoi Lacaninterroge qu’est-ce qui a un corps mais qui n’existe pas? Réponse: Le grand Autre. Le corps resteAutre pour le sujet.Concernant l’essence <strong>de</strong> la féminité qui n’est pas donnée par l’i<strong>de</strong>ntification au phallus celadémontre que l’insubstance trouve sa matière supplétive dans le symptôme hystérique. Le noyau <strong>de</strong>la structure est un savoir matérialisé dans le corps qui se donne les moyens <strong>de</strong> jouissance mais qui lasoustrait par ailleurs dans une distribution anti-anatomique.Or dans son texte «L’Etourdit», rédigé à peine quelques mois avant le début du séminaireEncore, où Lacan abor<strong>de</strong> la substance jouissante, il abor<strong>de</strong> pour une femme l’attente d’unesubstance qui viendrait plus <strong>de</strong> la mère que du père. On s’aperçoit que là, où en 58, la question étaitla part essentielle <strong>de</strong>s attributs dans la féminité, dans «L’Etourdit» elle <strong>de</strong>vient la substance attenduepour être femme. Attendre plus <strong>de</strong> substance <strong>de</strong> la mère, indique l’attente d’un savoir faire avec lajouissance du corps, c’est à quoi l’Œdipe est insuffisant et réduit au terme d’élucubration par Lacan.Dans ce cens, on perçoit l’affinité posée par Lacan entre la substance attendue dans la relation <strong>de</strong> lafille à la mère et le ravage dans la plupart <strong>de</strong> ces relations. Disons que l’insubstance chez unefemme la constitue en sexe faible à l’égard du ravage, qu’il provienne d’une mère ou d’un homme.Ce qui montre que l’essence du ravage est un corps qui s’offre comme jouissance sacrificielle à unautre. L’insubstance concerne donc une assertion négative et on peut saisir le paradoxe et lesconséquences qui consistent à définir une position par la négativité car cela appelle à uncomplément qui pose une assertion affirmative. Le problème n’est pas unique en Lacan, carlongtemps l’être du sujet est défini à partir <strong>de</strong> l’absence <strong>de</strong> substance, ce qui se traduit par la notiondu manque à être. Avec le corps comme substance jouissante, nous avons un renversement chezLacan qui prend appui sur une conception <strong>de</strong> l’être comme jouissance du corps. Ce qui <strong>de</strong>vient dès
141lors essentiel, c’est <strong>de</strong> saisir le tournant théorique <strong>de</strong> ce changement et quelles sont lesconséquences pour l’expérience <strong>de</strong> l’analyse. Le tournant est une perspective introduite déjà dans leséminaire L’éthique qui pose au centre du sujet, l’extime, le plus intime mais aussi étranger, gui<strong>de</strong><strong>de</strong> la jouissance. Ceci détermine une articulation entre le sujet <strong>de</strong> l’inconscient, l’être abordé par lebiais du signifiant, et la satisfaction pulsionnelle. Le chemin est tracé, le sujet n’est pas un pursignifiant.Ce qui est particulièrement intéressant pour nous, c’est que c’est ici à Rome même queLacan donne les lignes <strong>de</strong> ce changement <strong>de</strong> perspective dans un texte qui trace l’orientation duséminaire «Les quatre concepts fondamentaux <strong>de</strong> la psychanalyse» qu’il commence à peinequelques jours plus tard. Il s’agit <strong>de</strong> la conférence «Du Trieb <strong>de</strong> Freud et du désir du psychanalyste»où Lacan distingue l’acci<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> l’essence chez l’être humain qui se révèlent dans le nœud dusymptôme entre le désir qui vient <strong>de</strong> l’Autre et la jouissance qui vient <strong>de</strong> la Chose. Déjà Freud avaitconclu que c’est <strong>de</strong> l’existence d’un acci<strong>de</strong>nt lié à la scène traumatique que dépend l’efficacité <strong>de</strong>l’analyse. Lacan reprend dès 1958 la distinction freudienne entre acci<strong>de</strong>nt et constitution à propos<strong>de</strong> la sexualité humaine pour poser un dérangement non contingent mais essentiel <strong>de</strong> la sexualitéhumaine. Par ce biais, la distinction est faite entre la constitution ou l’essence comme liées au réel,et la contingence liée à <strong>de</strong>s évènements <strong>de</strong> discours. Les événements <strong>de</strong> discours se déposentcomme trace dans le corps, ils sont à l’origine <strong>de</strong> la scène traumatique et déterminentl’incorporation d’un savoir sur la jouissance. Que l’efficacité soit liée à l’expérience traumatique, cequi touche donc à la contingence, pose donc une continuité théorique <strong>de</strong> Freud à Lacan, où la viséereste la désalienation par rapport aux signifiants maîtres qui commémorent l’irruption <strong>de</strong> jouissance.La question cruciale que cela laisse en suspens, c’est <strong>de</strong> savoir si l’analyse, au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> lacontingence, peut déranger l’essence. Freud laisse la question <strong>de</strong> côté alors que Lacan donne <strong>de</strong>sindications précises. C’est un <strong>de</strong> nos enjeu et c’est ce qui justifie la notion <strong>de</strong> substance jouissante.Notons que Lacan donne un exemple <strong>de</strong> ce qui ce serait déranger l’essence. Ainsi, concernant lafrigidité, dont il relativise sa portée plus tard, il la pose comme générique, soit un phénomène trèsrépandu et non lié à la contingence. Lacan pose d’une part qu’elle suppose la structure inconscientetout en restant hors <strong>de</strong> la trame <strong>de</strong>s symptômes. Cela veut dire que la frigidité ne se structure pascomme une formation <strong>de</strong> compromis à partir du refoulement. Pourtant, l’idée <strong>de</strong> Lacan est que«seule l’analyse la mobilise, parfois inci<strong>de</strong>mment». Cela exemplifie donc un nœud du désir et <strong>de</strong>jouissance que l’analyse dérange sans pour autant avoir une inci<strong>de</strong>nce sur le refoulement quidétermine le symptôme. On pourrait évoquer d’autres exemples, attestés par la clinique, qui révèlentun effet <strong>de</strong> l’analyse sur le corps, comme certaines manifestations symptomatiques <strong>de</strong> la sexualitéchez l’homme. Parfois même, le «inci<strong>de</strong>mment» évoqué par Lacan concerne les effets analytiquessur <strong>de</strong>s maladies du corps sans pour autant qu’on puisse démontrer leur ressort. Il avait lui-mêmedonné <strong>de</strong>s indications sur le fait qu’une analyse peut avoir une inci<strong>de</strong>nce pas seulement dans lesmaladie banales mais dans les gran<strong>de</strong>s maladies. Ceci n’implique pas qu’il faille rentrer cesmaladies dans la catégorie <strong>de</strong> la psychosomatique.C’est là que prend son importance le passage du concept <strong>de</strong> sujet dont la substance est lesignifiant à celui <strong>de</strong> parlêtre qui trouve dans le corps ce qui fon<strong>de</strong> l’être <strong>de</strong> jouissance. Del’insubstance à la substance désigne donc la démarche scientifique, celle qui part du mythe <strong>de</strong>l’informe pour donner contenu, forme et qui s’exemplifie dans le fantasme <strong>de</strong> faire la femme, doitdonner contenu à ce qui relève du pas-tout.Plutôt que <strong>de</strong> donner forme, la psychanalyse vise à trouer ce qui fait substance.Tout d’abordla psychanalyse trouve sa place du fait que la substance fait signe, ce qui introduit la notion d’unpas tout. Ce qui fait signe, c’est un signe <strong>de</strong> jouissance, grimace du réel, qui conditionnel’expérience au point que Lacan dans le séminaire «D’un Autre à l’autre» fait <strong>de</strong> la jouissance lasubstance <strong>de</strong> tout ce qui se dit dans une analyse. Dans ce sens, Lacan distingue, dans le séminaire«Encore», la substance pensante et la substance étendue pour indiquer l’inci<strong>de</strong>nce <strong>de</strong> lapsychanalyse pour l’une et l’autre. La psychanalyse a en effet modifié la substance pensante enintroduisant un trou dans le savoir, c’est l’inconscient. Et l’expérience analytique préserve la faillesans la combler par un objet supplétif.
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