Guide des Communes 2016
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
«Un référendum, ça se prépare»<br />
C’est ce qu’il a dit au Premier ministre. Il est<br />
conscient que le peuple n’a pas toujours raison<br />
sur les questions sociales. Se rappelant<br />
surement que les français en 1981 étaient<br />
majoritairement pour la peine de mort ou<br />
qu’Hitler est arrivé démocratiquement au<br />
pouvoir en 1933. Il assure néanmoins l’utilité<br />
<strong>des</strong> instituts de sondage dans leur rôle d’information.<br />
Un Paris bouillonnant<br />
Il obtient une licence en Sociologie en 1980;<br />
alors en plein giscardisme, il suit l’affaire <strong>des</strong> diamants<br />
de Bokassa et voit la jeunesse française<br />
gronder. Il décroche une maîtrise en sciences<br />
politiques en 1981; la même année de l’élection<br />
de François Mitterrand à l’Elysée. Au 10 mai, il<br />
se trouve à Paris chez <strong>des</strong> copains avec entre<br />
autres Alex Bodry (président du LSAP) encore<br />
étudiant en droit à la Sorbonne qui «explose de<br />
joie» lorsque le crâne du nouveau président de<br />
la république se dévoile à la télévision.<br />
Les années 60 étaient un lieu d’oppositions<br />
entre anciens et progressistes. 1975: La<br />
Chute de Saigon au Vietnam, la Révolution<br />
<strong>des</strong> Œillets et le combat de libération <strong>des</strong><br />
colonies portugaises. Il n’est pas si loin le<br />
temps où il distribuait <strong>des</strong> tracts lors de la<br />
“Schlussprozessioun“ de l’Octave sous la<br />
menace d’ouvriers portugais infiltrés par PIDE<br />
(services secrets), souvent d’anciens soldats<br />
<strong>des</strong> colonies de Salazar. Il se souvient aussi de<br />
la visite de la sureté de l’Etat le lendemain.<br />
Il passe un DESS en démographie en 1983 et<br />
se reconnait dans la démarche sociologique<br />
bourdieusienne, celle d’une sociologie engagée<br />
qui produit un discours inscrit dans la<br />
pratique. En 1985, il décroche un DESS en<br />
gestion <strong>des</strong> services de santé.<br />
«La statistique n’existe pas pour elle-même;<br />
elle ne sert qu’à la compréhension», nous<br />
explique-t-il. Et d’ajouter «je me refuse d’être<br />
un fétichiste du chiffre». Il définit les sondages<br />
d’opinion comme un éclairage à l’opinion<br />
publique sur ce qu’elle pense elle-même et dit<br />
du statisticien, qu’il est un éclaireur.<br />
En première ligne lors du référendum (peutêtre<br />
même celui qui était au plus proche <strong>des</strong><br />
mouvances du vote) il nous explique qu’un an<br />
avant les résultats, les deux tiers <strong>des</strong> jeunes<br />
étaient pour le vote <strong>des</strong> étrangers. Au résultat<br />
final, ils n’étaient même plus qu’un tiers.<br />
«Notremission, c’est de chercher ce chiffre qui<br />
pose plus de questions qu’il n’en explique»; il<br />
défend la thèse que les jeunes, n’ayant pas de<br />
réelle formation civique, ont été influencés par<br />
leurs parents. Le doute semé par les anciennes<br />
générations ont fait plier leur générosité. La<br />
moyenne d’âge <strong>des</strong> électeurs luxembourgeois<br />
est au-delà de cinquante ans (53 selon le<br />
Statec); leur pragmatisme a fait le reste.<br />
Depuis 2000, la Ville de Luxembourg a<br />
connu une augmentation de 18% de sa<br />
population avec essentiellement <strong>des</strong> étrangers;<br />
le visage du quartier de Hollerich est<br />
inéluctablement différent de celui qu’il a<br />
connu enfant. Et c’est à l’image du pays tout<br />
entier.<br />
Veuf depuis huit ans et père de trois enfants<br />
(21, 23 et 28 ans), il se veut optimiste pour<br />
leur avenir, une solide formation étant la<br />
base. Il garde cependant <strong>des</strong> réserves quant<br />
au vivre ensemble luxembourgeois. Dans le<br />
Grand-Duché de demain, les luxembourgeois<br />
seront minoritaires comme c’est déjà le<br />
cas dans la capitale (deux tiers de nonluxembourgeois).<br />
Propriétaires de terres,<br />
d’immeubles et dépositaires de la citoyenneté<br />
luxembourgeoise, ils choisiront les politiques<br />
de demain. Alors que les résidents<br />
étrangers, les locataires, ceux dont les<br />
enfants ont le plus de problèmes à l’école, à<br />
la fois main-d’œuvre et décideurs économiques<br />
du pays ne l’auront pas.<br />
Charles Margue dénonce un problème<br />
démocratique malsain qui en s’accentuant,<br />
renforcera la situation perverse actuelle, à<br />
savoir qu’il faut la contribution de trois générations<br />
pour être propriétaire (la durée d’endettement<br />
est doublée de 20 à 40 ans). La<br />
préservation de l’acquis semble être pour<br />
Charles Margue le plus grand obstacle au<br />
vivre ensemble du Luxembourg. JuB<br />
152<br />
LG - Best of & <strong>Guide</strong> <strong>2016</strong>