JOURNAL ASMAC No 5 - octobre 2018
Energie - Oncologie Médecine pharmaceutique Financement uniforme - oui, mais
Energie -
Oncologie
Médecine pharmaceutique
Financement uniforme - oui, mais
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POLITIQUE<br />
L’essentiel en BREF<br />
Qui définit l’urgence?<br />
Angelo Barrile, Conseiller national /<br />
vice-président de l’<strong>ASMAC</strong><br />
Ce printemps, les médias ont évoqué un<br />
cas de décès qui me désole et me met en<br />
colère encore aujourd’hui. L’année dernière,<br />
un homme malade du sida est décédé<br />
dans le canton des Grisons parce que<br />
la caisse-maladie avait refusé à plusieurs<br />
reprises ses demandes de prise en charge<br />
des coûts du traitement. Comment est-ce<br />
possible de nos jours en Suisse qu’une<br />
personne meure d’une maladie pour laquelle<br />
un traitement médicamenteux lui<br />
permettrait de mener une vie quasi normale<br />
et d’avoir une espérance de vie dans<br />
la norme?<br />
Le patient figurait sur la «liste noire des<br />
mauvais payeurs de primes» cantonale. Il<br />
s’agit d’une liste des personnes qui ne<br />
peuvent pas payer leurs primes de caissemaladie,<br />
même après une mise aux poursuites<br />
et une saisie de salaire, c’est-à-dire<br />
qui n’ont plus un sou. Il ne s’agit donc pas<br />
de personnes qui ne veulent pas payer,<br />
mais qui ne sont tout simplement plus en<br />
mesure de le faire. Dans les cantons qui<br />
tiennent une telle liste, les personnes concernées<br />
ne peuvent que se soumettre à des<br />
traitements d’urgence. Cela explique pourquoi<br />
un homme malade chronique a plusieurs<br />
fois demandé à ce que les coûts pour<br />
les médicaments nécessaires à sa survie<br />
soient pris en charge. Demandes refusées<br />
par la caisse-maladie au motif de l’absence<br />
d’urgence. Lorsque l’homme s’est effectivement<br />
trouvé dans une situation d’urgence,<br />
il était déjà trop tard.<br />
Si je m’imagine ce que cela signifie pour<br />
le personnel médical et les malades concernés<br />
de devoir assister impuissants au<br />
refus d’un traitement, qui ne coûte d’ailleurs<br />
même pas si cher, j’en ai froid dans<br />
le dos. Le serment d’Hippocrate devient<br />
une farce. Depuis l’introduction de la LA-<br />
Mal il y a plus de 20 ans, s’applique le<br />
principe que personne ne doit se voir refuser<br />
les prestations médicales nécessaires<br />
en raison de problèmes financiers. Malgré<br />
cela, il arrive régulièrement que ce principe<br />
et ce droit constitutionnel à la vie<br />
soient violés par décision administrative<br />
dans les cantons tenant ces listes. C’est<br />
tout simplement inadmissible!<br />
<strong>No</strong>us savons tous que certaines maladies<br />
doivent être traitées à temps pour éviter<br />
des complications ultérieures et donc des<br />
coûts et souffrances supplémentaires. Il<br />
est aussi de mon devoir de médecin traitant<br />
de ne pas nuire au patient. Si je suis<br />
réduit au rang de spectateur et donc de<br />
complice d’un refus de traiter, je ne peux<br />
et ne dois pas l’accepter! Il est donc juste<br />
que les médecins traitants aient envoyé<br />
plusieurs demandes à la caisse-maladie.<br />
Et le refus de cette dernière de prendre en<br />
charge le traitement est hélas conforme à<br />
la loi. Mais au lieu de chercher le fautif,<br />
nous devrions, en tant que médecins, tirer<br />
les conséquences qui s’imposent. C’est-àdire<br />
d’une part refuser le refus de traiter<br />
le patient et d’autre part se battre pour que<br />
de tels cas tragiques et inutiles ne se reproduisent<br />
plus. <strong>No</strong>us devons tous faire<br />
entendre notre voix, pour les personnes<br />
malades qui sont sans défense, et rappeler<br />
aux caisses-maladie, aux politiciens et à<br />
la population l’essence et la raison d’être<br />
de la médecine. <strong>No</strong>us sauvons des vies,<br />
traitons des maladies, faisons de la prévention<br />
et nous engageons pour le bienêtre<br />
de nos patientes et patients.<br />
Où cela nous mènerait-il, si j’étais obligé,<br />
en tant que médecin de famille, de réfléchir<br />
pour chaque patient s’il est responsable<br />
de sa situation ou pas? Et si je dois<br />
ensuite décider, suivant la réponse, d’exploiter<br />
toutes les options thérapeutiques<br />
ou le punir par une médecine minimaliste<br />
… ?<br />
■<br />
10 VSAO <strong>JOURNAL</strong> <strong>ASMAC</strong> N° 5 Octobre <strong>2018</strong>