Forteresse digitale
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68.<br />
— Tu vois, ce n'était pas bien compliqué, dit<br />
Midge d'un ton sarcastique en saisissant les clés que<br />
lui tendait Brinkerhoff.<br />
Il semblait totalement abattu.<br />
— J'effacerai les images avant de partir, lui promitelle.<br />
À moins que toi et ta femme ne désiriez les garder<br />
pour votre collection personnelle ?<br />
— Va récupérer ce foutu rapport, répondit-il d'un<br />
ton glacial. Et reviens immédiatement !<br />
— Sí señor, minauda-t-elle en singeant l'accent<br />
portoricain de Carmen.<br />
Elle lui fît un clin d'œil et se dirigea vers la double<br />
porte. Le bureau privé de Leland Fontaine ne ressemblait<br />
en rien au reste de la suite directoriale. Pas de<br />
tableaux de maître aux murs ni de fauteuils de cuir<br />
luxueux, pas de ficus luxuriant ni de pendule ancienne.<br />
C'était un espace entièrement dédié au travail. La table<br />
au plateau de verre et le fauteuil noir du maître faisaient<br />
face à une fenêtre monumentale. Dans un coin,<br />
trois armoires renfermant des dossiers. Juste à côté,<br />
une desserte avec une cafetière italienne. La lune était<br />
haute dans le ciel de Fort Meade, et la lumière laiteuse<br />
qui filtrait de la baie accentuait les lignes épurées de<br />
l'ameublement.<br />
Dans quel pétrin me suis-je fourré ? se lamentait<br />
Brinkerhoff.<br />
Midge avança jusqu'à l'imprimante et s'empara de<br />
l'historique des commandes. Elle cligna des yeux dans<br />
l'obscurité.<br />
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— Je ne peux pas lire ! se plaignit-elle. Allume.<br />
— Tu liras ça dehors. Viens !<br />
Mais Midge s'amusait comme une gamine, elle prenait<br />
plaisir à titiller Brinkerhoff. Elle se rapprocha de<br />
la fenêtre et tourna le rapport vers la lumière pour<br />
pouvoir le déchiffrer.<br />
— Midge, s'il te plaît...<br />
Imperturbable, elle continuait à lire. Brinkerhoff,<br />
inquiet, piaffait d'impatience sur le seuil.<br />
— Midge... Allez. C'est un bureau privé.<br />
— C'est forcément écrit là, quelque part, murmurait-elle<br />
en épluchant les données. Strathmore a<br />
contourné Gauntlet, j'en mets ma main à couper !<br />
Elle se plaqua carrément contre la vitre.<br />
Brinkerhoff transpirait à grosses gouttes. Midge<br />
poursuivait sa lecture, comme si de rien n'était. Quelques<br />
secondes plus tard, elle lâcha dans un souffle :<br />
— Je le savais ! Il l'a fait ! Il l'a vraiment fait !<br />
Quel imbécile ! (Elle agita la feuille d'un air triomphal.)<br />
Il a shunté Gauntlet ! Viens voir ça !<br />
Brinkerhoff resta un moment interdit, puis il traversa<br />
à grands pas le bureau de Fontaine. Il vint se<br />
coller à Midge, devant la fenêtre. Elle pointa du doigt<br />
le bas de la liste. Brinkerhoff lisait, abasourdi.<br />
— Mais pourquoi... ?<br />
Le rapport affichait la liste des trente-six derniers<br />
fichiers entrés dans TRANSLTR. À la suite de chacun<br />
d'eux, un code émis par Gauntlet indiquait qu'ils<br />
étaient sans virus. Mais aucun code n'était inscrit pour<br />
le dernier. A la place, figurait la mention : DÉSACTIVA-<br />
TION MANUELLE.<br />
Nom de Dieu, pensa Brinkerhoff. Midge a mis dans<br />
le mille, encore une fois.<br />
— Quel idiot ! pesta Midge, bouillant de colère.<br />
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