Forteresse digitale
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35.<br />
Becker, encore sous le choc, regardait fixement<br />
Rocío.<br />
— Vendu ? Vous avez vendu la bague ?<br />
La jeune femme acquiesça, ses cheveux tombant en<br />
cascades soyeuses sur ses épaules.<br />
Becker ne voulait pas y croire.<br />
— Pero... Mais...<br />
Elle haussa les épaules et précisa, en espagnol :<br />
— À une fille près de la place.<br />
Becker sentait ses jambes se dérober sous lui. Je<br />
suis maudit !<br />
Rocío lui adressa un sourire timide et ajouta, en<br />
désignant l'Allemand :<br />
— Il voulait la garder, mais je lui ai dit qu'il ne<br />
fallait pas. J'ai du sang gitan dans les veines. Nous,<br />
les gitanes, en plus d'avoir les cheveux roux, sommes<br />
très superstitieuses. Une bague offerte par un mourant<br />
porte malheur.<br />
— Vous connaissiez cette fille ? interrogea Becker.<br />
Rocío haussa les sourcils.<br />
— / Vaya ! Vous tenez vraiment à cette bague !<br />
Becker hocha la tête avec solennité.<br />
— A qui l'avez-vous vendue ?<br />
L'énorme Allemand était assis sur le lit, hébété. Sa<br />
soirée romantique était complètement gâchée et il ne<br />
comprenait pas pourquoi.<br />
— Wovon sprechen Sie ? demanda-t-il nerveusement.<br />
De quoi parlez-vous ?<br />
Becker ne lui prêta aucune attention.<br />
— Je ne l'ai pas vraiment vendue, précisa Rocío.<br />
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J'ai essayé, mais c'était une gamine et elle n'avait pas<br />
d'argent sur elle. Pour finir, je la lui ai donnée. Si<br />
j'avais deviné que vous feriez une offre si généreuse,<br />
je vous l'aurais réservée !<br />
— Pourquoi avez-vous quitté la place ? Un homme<br />
venait de mourir. Pourquoi ne pas avoir attendu la<br />
police ? C'est à elle qu'il aurait fallu remettre la<br />
bague !<br />
— Mon travail, c'est d'attirer les hommes, monsieur<br />
Becker. Pas les ennuis ! De plus, le vieux semblait<br />
maîtriser parfaitement la situation.<br />
— Le Canadien ?<br />
— Oui. Il avait appelé une ambulance. Nous avons<br />
préféré partir. Je n'avais aucune raison d'attendre la<br />
police et de mêler mon client à cette histoire.<br />
Becker acquiesça d'un air absent. Il ne parvenait<br />
pas à accepter ce coup de théâtre. Elle avait donné<br />
l'anneau !<br />
— J'ai voulu aider ce malheureux, expliqua Rocío.<br />
Mais ce n'est pas sa santé qui l'inquiétait. C'était la<br />
bague ! Il nous l'agitait sous le nez, en la tenant avec<br />
ses trois petits doigts tordus. Et il tendait son bras dans<br />
notre direction, comme s'il voulait absolument qu'on<br />
prenne l'anneau. J'ai refusé, mais notre ami, ici présent,<br />
a finalement cédé et il a pris la bague. Et puis le<br />
type est mort.<br />
— Et vous avez tenté de le réanimer en lui faisant<br />
un massage cardiaque ?<br />
— Non. Nous ne l'avons pas touché. Monsieur<br />
avait les pétoches. Il est imposant comme ça, mais<br />
c'est une poule mouillée, dit-elle à Becker avec un<br />
sourire malicieux. Ne vous inquiétez pas - il ne comprend<br />
pas un mot d'espagnol.<br />
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