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La Libération : les Canadiens en Europe - Chef - Personnel militaire

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<strong>les</strong> élucubrations de deux d’<strong>en</strong>tre eux n’aurai<strong>en</strong>t<br />

pas eu grand effet; si on ne nous avait pas r<strong>en</strong>voyé<br />

<strong>en</strong> r<strong>en</strong>fort ces deux hommes aux nerfs détraqués,<br />

le moral de la compagnie n’aurait jamais été<br />

atteint. 73<br />

Les psychiatres de campagne, de même que<br />

<strong>les</strong> autres médecins <strong>militaire</strong>s, n’occup<strong>en</strong>t pas une<br />

position <strong>en</strong>viable, car ils n’ont pas seulem<strong>en</strong>t<br />

une responsabilité <strong>en</strong>vers leurs pati<strong>en</strong>ts. Ils sont<br />

aussi responsab<strong>les</strong> devant l’armée <strong>en</strong> tant<br />

qu’institution. L’une de leurs fonctions <strong>les</strong> plus<br />

importantes est de maint<strong>en</strong>ir <strong>les</strong> effectifs. Lorsque<br />

le psychiatre reçoit un soldat aux nerfs ébranlés, il<br />

doit lui r<strong>en</strong>dre rapidem<strong>en</strong>t la santé et le r<strong>en</strong>voyer<br />

participer aux combats mêmes qui sont à l’origine<br />

de sa condition de pati<strong>en</strong>t. Le taux de retour<br />

varie selon <strong>les</strong> circonstances, et, malgré le conseil<br />

du major Gregory, la plupart de ces hommes<br />

sont r<strong>en</strong>voyés au combat après un bref repos. Nous<br />

ignorons quelle peut être leur efficacité ou leur<br />

sort ultime, p<strong>en</strong>dant la guerre ou après celle-ci. <strong>La</strong><br />

solution la plus profitable, et la plus humaine,<br />

consiste à <strong>en</strong>voyer <strong>les</strong> victimes d’épuisem<strong>en</strong>t nerveux<br />

aux compagnies de travaux, où ils se r<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t uti<strong>les</strong><br />

dans des hôpitaux de campagne, charg<strong>en</strong>t <strong>les</strong><br />

munitions et effectu<strong>en</strong>t de nombreuses autres corvées<br />

réservées aux non-combattants.<br />

Qu’est-ce qui motive donc <strong>les</strong> soldats dans ces<br />

conditions abominab<strong>les</strong>? On peut être sûr que ce<br />

n’est pas simplem<strong>en</strong>t leur dollar de solde quotidi<strong>en</strong>.<br />

Les psychiatres conclu<strong>en</strong>t qu’il n’existe pas de<br />

personnalité unique garantissant l’<strong>en</strong>durance, ou<br />

son contraire. « D’aucuns se dis<strong>en</strong>t que leur père<br />

y est passé avant eux et qu’il <strong>en</strong> est rev<strong>en</strong>u, et qu’ils<br />

doiv<strong>en</strong>t donc pouvoir y arriver eux aussi. Certains<br />

sembl<strong>en</strong>t estimer qu’ils ne peuv<strong>en</strong>t pas laisser tomber<br />

leurs camarades. D’autres paraiss<strong>en</strong>t éprouver une<br />

sorte de s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t d’int<strong>en</strong>se responsabilité, à cause<br />

duquel il leur est tout à fait impossible de laisser<br />

tomber et d’accepter la maladie ou, du moins,<br />

l’incapacité. » 74 Chez la plupart, il semble que la<br />

motivation découle d’une combinaison particulière<br />

de souci <strong>en</strong>vers leurs camarades, de désintéressem<strong>en</strong>t,<br />

de peur de montrer qu’ils ont peur, et d’obstination<br />

pure et simple à ne pas laisser ces salauds l’emporter.<br />

Les fantassins exprim<strong>en</strong>t cette motivation <strong>en</strong> termes<br />

simp<strong>les</strong> : « C’étai<strong>en</strong>t nos frères; on ne pouvait pas <strong>les</strong><br />

laisser tomber... Lorsqu’il n’y a ri<strong>en</strong> d’autre à att<strong>en</strong>dre<br />

que la douleur, la privation et la mort, la vie devi<strong>en</strong>t<br />

si int<strong>en</strong>se et si <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t dépouillée de fraude,<br />

d’hypocrisie et de fausseté, que nous étions tous liés<br />

comme des frères, au vrai s<strong>en</strong>s du mot. » 75<br />

Ces <strong>Canadi<strong>en</strong>s</strong> ordinaires, auxquels on a fait appel<br />

pour accomplir des choses extraordinaires comme<br />

si el<strong>les</strong> allai<strong>en</strong>t de soi, <strong>en</strong> tir<strong>en</strong>t une fierté profonde<br />

et légitime. Ils partag<strong>en</strong>t probablem<strong>en</strong>t <strong>les</strong> s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts<br />

du soldat Bradley, qui écrit à sa mère : « Lorsque<br />

56<br />

l’<strong>en</strong>nemi occupe de solides positions, la guerre<br />

devi<strong>en</strong>t très brutale. C’est le camp qui possède la<br />

meilleure technologie et la meilleure infanterie<br />

qui va gagner ces batail<strong>les</strong>. » Bradley est convaincu<br />

d’appart<strong>en</strong>ir au meilleur peloton de la meilleure<br />

compagnie, dans le meilleur bataillon.<br />

Mêmes <strong>les</strong> Boches doiv<strong>en</strong>t admettre que nous<br />

sommes de fameux durs à cuire. Notre brigade,<br />

<strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t composée de bataillons de Highlanders,<br />

avance depuis le jour J. Elle n’a jamais cédé<br />

un pouce de terrain aux Boches lors de leurs<br />

contre-attaques, et Dieu sait s’il y <strong>en</strong> a eu.<br />

Nous nous sommes emparés de Ca<strong>en</strong>, nous avons<br />

été le fer de lance de la percée au sud de cette<br />

ville, nous avons <strong>en</strong>levé Boulogne, le cap Gris-Nez<br />

et Calais, nous avons débarqué dans l’Escaut<br />

et nous nous sommes frayés un chemin jusqu’à<br />

Knocke-sur-Mer, dont nous nous sommes<br />

r<strong>en</strong>dus maîtres... 76<br />

Compte t<strong>en</strong>u du terrain, et du fait que la garnison<br />

allemande était trois fois plus importante que<br />

l’évaluation originale, il ne faut pas s’étonner si<br />

<strong>les</strong> <strong>Canadi<strong>en</strong>s</strong> ont combattu 27 jours au lieu des<br />

trois ou quatre que <strong>les</strong> officiers d’état-major avai<strong>en</strong>t<br />

initialem<strong>en</strong>t crus nécessaires à leur progression<br />

méthodique et écrasante. L’état-major de la 3 e Division<br />

calcule que, sur <strong>les</strong> 137 jours de campagne<br />

écoulés depuis le jour J, <strong>les</strong> bataillons d’infanterie<br />

ont activem<strong>en</strong>t participé aux combats <strong>en</strong>tre 104 et<br />

108 jours. <strong>La</strong> 2 e et la 3 e Divisions pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t alors <strong>en</strong>fin<br />

une semaine de repos, la première aux <strong>en</strong>virons<br />

d’Anvers et de Bruxel<strong>les</strong>, et la seconde à Gand. Le<br />

capitaine Martin expliquera que l’opération Relax<br />

« a été conçue il y un certain temps, lorsqu’on a estimé<br />

que <strong>les</strong> combats incessants minai<strong>en</strong>t l’efficacité<br />

au combat de la 3 e Division d’infanterie canadi<strong>en</strong>ne,<br />

et que celle-ci avait besoin d’un véritable repos<br />

dans une ambiance confortable ». Par conséqu<strong>en</strong>t,<br />

lorsque le bourgmestre de Gand offre gracieusem<strong>en</strong>t<br />

d’héberger chez des particuliers <strong>les</strong> quelque<br />

15 000 hommes de la division, ceux-ci accept<strong>en</strong>t<br />

avec reconnaissance.<br />

On compr<strong>en</strong>dra aisém<strong>en</strong>t que de nombreuses<br />

personnes ress<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t une certaine appréh<strong>en</strong>sion à<br />

l’idée de lâcher dans une grande ville 15 000 soldats<br />

qui vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t tout juste de vivre un mois de cruel<strong>les</strong><br />

souffrances et de mort. Martin, pour sa part, « espère<br />

que <strong>les</strong> citoy<strong>en</strong>s [de Gand] n’auront pas lieu de<br />

regretter leur générosité, car le permissionnaire<br />

canadi<strong>en</strong> v<strong>en</strong>u du front ne se signale pas par sa<br />

distinction... Il ne reste plus, maint<strong>en</strong>ant, qu’à<br />

73 « Battle Experi<strong>en</strong>ce Questionnaire ».<br />

74 Copp et McAndrew. Battle Exhaustion, pp. 149-161.<br />

75 Brown, Shaun. « The Loyal Edmonton Regim<strong>en</strong>t »,<br />

mémoire de maîtrise, Sir Wilfrid <strong>La</strong>urier University, p. 171.<br />

76 DSH, lettres de Bradley.

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