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La Libération : les Canadiens en Europe - Chef - Personnel militaire

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circonstances, il semble inconcevable de confier le<br />

rôle dominant dans la campagne à un commandant<br />

britannique, si compét<strong>en</strong>t soit-il, aux dép<strong>en</strong>s<br />

d’Américains possédant une opinion professionnelle<br />

tout aussi valable sur la manière de gagner<br />

rapidem<strong>en</strong>t la guerre. Ni <strong>les</strong> supérieurs d’Eis<strong>en</strong>hower,<br />

ni l’opinion publique américaine, particulièrem<strong>en</strong>t<br />

à l’approche des élections législatives, ne l’aurai<strong>en</strong>t<br />

accepté.<br />

Par ailleurs, la proposition de front étroit de<br />

Montgomery soulève inévitablem<strong>en</strong>t la question<br />

de ses qualités de chef, sur laquelle il semble<br />

presque impossible de se montrer impartial. C’est<br />

peut-être Eric <strong>La</strong>rrabee, dans ses essais fort réussis sur<br />

<strong>les</strong> commandants <strong>militaire</strong>s du présid<strong>en</strong>t Roosevelt,<br />

qui saura le mieux mettre <strong>en</strong> lumière <strong>les</strong> diverg<strong>en</strong>ces<br />

d’interprétation à l’égard de Montgomery :<br />

Pour un Américain, écrire sur Montgomery <strong>en</strong> tant<br />

que <strong>militaire</strong> est une tâche ingrate, car il existe<br />

une disproportion affligeante <strong>en</strong>tre la lég<strong>en</strong>de et<br />

la réalité telle que la conçoiv<strong>en</strong>t <strong>les</strong> Américains...<br />

Un Britannique, lorsqu’il parle de ses qualités de<br />

chef, a donc t<strong>en</strong>dance à présumer tout d’abord<br />

de sa « grandeur » et poursuit <strong>en</strong> admettant chez<br />

lui l’exist<strong>en</strong>ce de certains défauts déplorab<strong>les</strong>,<br />

alors que l’Américain comm<strong>en</strong>ce par présumer<br />

que son mérite reste à démontrer, pour <strong>en</strong>suite<br />

lui reconnaître certaines qualités. 26<br />

Si l’on peut sout<strong>en</strong>ir que Montgomery est le plus<br />

émin<strong>en</strong>t commandant britannique de la Deuxième<br />

Guerre mondiale — son supérieur, lord Alanbrooke,<br />

estime qu’il est le meilleur commandant tactique<br />

depuis Wellington — il est impossible de nier l’héritage<br />

corrosif de son commandem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> Normandie. <strong>La</strong><br />

manière dont il a m<strong>en</strong>é la bataille de la tête de pont<br />

a fait naître des doutes sur sa compét<strong>en</strong>ce, non<br />

seulem<strong>en</strong>t chez <strong>les</strong> Américains, mais aussi chez de<br />

nombreux officiers supérieurs britanniques du<br />

SHAEF et chez la plupart des commandants de<br />

l’aviation. Il a assis sa réputation <strong>en</strong> montant de façon<br />

magistrale des attaques délibérées dont El Alamein<br />

est le prototype. Bi<strong>en</strong> que la sortie de Normandie<br />

réalisée par <strong>les</strong> Britanniques ait été tout aussi<br />

spectaculaire que la charge du général Patton, qui<br />

a reçu une plus vaste publicité, la carrière de<br />

Montgomery soulève des doutes légitimes quant à<br />

son aptitude à commander efficacem<strong>en</strong>t une<br />

bataille mobile. Par conséqu<strong>en</strong>t, lorsqu’il propose<br />

de commander l’unique poussée des Alliés <strong>en</strong><br />

Allemagne dans le cadre d’une gigantesque manœuvre,<br />

on peut sérieusem<strong>en</strong>t douter qu’il soit le type de<br />

commandant capable de tirer le meilleur parti de cette<br />

possibilité. Le maréchal Alexander suggérera à<br />

Pogue que Montgomery, <strong>en</strong> insistant sur une attaque<br />

décisive <strong>en</strong> profondeur, essayait peut-être de donner<br />

tort à ses critiques : « Monty, accusé de circonspection,<br />

voulait cette fois aller plus vite. Selon lui, chaque fois<br />

que <strong>les</strong> commandants opèr<strong>en</strong>t une poussée importante,<br />

ils finiss<strong>en</strong>t toujours par s’arrêter à un certain point.<br />

S’ils s’arrêt<strong>en</strong>t trop tôt, tout le monde dit : « Pourquoi<br />

n’ont-ils pas continué? Ils aurai<strong>en</strong>t pu gagner. » 27<br />

Le résultat malheureux de toutes ces diverg<strong>en</strong>ces<br />

d’opinion, c’est que <strong>les</strong> commandants <strong>en</strong> font chacun<br />

à leur tête, tout particulièrem<strong>en</strong>t Montgomery<br />

au nord et Patton au sud, p<strong>en</strong>dant qu’Eis<strong>en</strong>hower<br />

s’absti<strong>en</strong>t d’exercer pleinem<strong>en</strong>t son autorité pour<br />

<strong>les</strong> mettre au pas. <strong>La</strong> situation devi<strong>en</strong>t singulièrem<strong>en</strong>t<br />

difficile à compr<strong>en</strong>dre, ou à admettre, lorsqu’on sait<br />

que, durant tout ce temps, ainsi que Ralph B<strong>en</strong>nett<br />

le démontrera de façon convaincante dans son<br />

important ouvrage, Ultra in the West, <strong>les</strong> Alliés<br />

connaiss<strong>en</strong>t tous <strong>les</strong> faits et gestes des Allemands et<br />

<strong>les</strong> <strong>en</strong>droits où ceux-ci se jug<strong>en</strong>t <strong>les</strong> plus vulnérab<strong>les</strong>. 28<br />

<strong>La</strong> saison s’avère particulièrem<strong>en</strong>t fructueuse pour <strong>les</strong><br />

décrypteurs d’Ultra. En effet, la rapide progression à<br />

partir de la Seine ayant perturbé <strong>les</strong> lignes terrestres<br />

et le réseau téléphonique des Allemands, ceux-ci<br />

doiv<strong>en</strong>t communiquer plus souv<strong>en</strong>t que d’habitude<br />

par radio. Le décryptage des messages <strong>en</strong> Ultra<br />

révèle l’inquiétude particulière du haut commandem<strong>en</strong>t<br />

à l’égard d’Anvers, d’Aix-la-Chapelle et de Trèves.<br />

Aix-la-Chapelle et Trèves se trouv<strong>en</strong>t sur<br />

d’importantes routes d’accès à l’Allemagne, et, dans<br />

<strong>les</strong> deux secteurs, <strong>les</strong> fortifications de la ligne<br />

Siegfried sont insuffisantes et inoccupées. Aixla-Chapelle,<br />

à la frontière belge, est la première ville<br />

<strong>en</strong>nemie immédiatem<strong>en</strong>t m<strong>en</strong>acée par <strong>les</strong> Alliés, et<br />

<strong>les</strong> Allemands déploi<strong>en</strong>t hâtivem<strong>en</strong>t des efforts<br />

énergiques pour la déf<strong>en</strong>dre. Par ailleurs, Ultra révèle<br />

que <strong>les</strong> Allemands se préoccup<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core davantage<br />

de déf<strong>en</strong>dre le secteur qui s’ét<strong>en</strong>d au sud de Trèves,<br />

où ils sont plus vulnérab<strong>les</strong>. Il s’agit du corridor qui,<br />

à partir de Metz et à travers la Sarre et la vallée de<br />

la Moselle, constitue la seule voie de repli vers<br />

l’Allemagne pour <strong>les</strong> dizaines de milliers d’Allemands<br />

qui quitt<strong>en</strong>t le sud-ouest de la France. C’est aussi le<br />

point de jonction de leurs groupes d’armées du nord<br />

et du sud, et l’<strong>en</strong>droit vers lequel se dirige la 3 e Armée<br />

du général Patton lorsque ses chars s’arrêt<strong>en</strong>t, faute<br />

d’ess<strong>en</strong>ce.<br />

L’importance d’Anvers saute aussi bi<strong>en</strong> aux yeux<br />

des Allemands que des Alliés. Leur propre expéri<strong>en</strong>ce<br />

leur <strong>en</strong>seigne que la rapide progression à travers<br />

la France ne peut que perdre de sa force vive à<br />

mesure que <strong>les</strong> unités combattantes s’éloign<strong>en</strong>t de<br />

leurs sources d’approvisionnem<strong>en</strong>t. Aucun autre<br />

port n’a la capacité de ravitailler cette poursuite à<br />

26 <strong>La</strong>rrabee, Eric. Commander in Chief, New York, Harper<br />

and Row, 1987, p. 471.<br />

27 Entrevue avec Pogue, USMHI.<br />

28 B<strong>en</strong>nett, R. Ultra in the West: The Normandy Campaign<br />

of 1944-45, New York, Char<strong>les</strong> Scribner’s Sons, 1979,<br />

pp. 129-163.<br />

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