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La Libération : les Canadiens en Europe - Chef - Personnel militaire

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Dès le début de la guerre, <strong>les</strong> Allemands ont<br />

aménagé ces ports-forteresses pour <strong>en</strong> faire des<br />

bastions du Mur de l’Atlantique destinés à faire<br />

échouer tout débarquem<strong>en</strong>t dans le Pas-de-Calais.<br />

Leurs énormes pièces de marine peuv<strong>en</strong>t aussi tirer<br />

sur <strong>les</strong> navires évoluant dans le détroit et bombard<strong>en</strong>t<br />

régulièrem<strong>en</strong>t la côte de Douvres, qui, par temps<br />

clair, semble à peine à un jet de pierre. Enfouis<br />

dans de profondes casemates d’acier et de béton,<br />

ces canons, qui se donn<strong>en</strong>t un appui mutuel, sont<br />

pratiquem<strong>en</strong>t à l’épreuve de tout, sauf d’un coup de<br />

plein fouet dans la bouche. Ils ont cep<strong>en</strong>dant deux<br />

points faib<strong>les</strong>. En effet, <strong>les</strong> commandants allemands<br />

n’ont comm<strong>en</strong>cé à fortifier <strong>les</strong> voies d’accès terrestres<br />

de leurs positions que lorsque le front de Normandie<br />

s’est effondré, <strong>en</strong> août, de sorte que leur ars<strong>en</strong>al<br />

habituel de fossés antichars, de barbelés et de champs<br />

de mines est incomplet. Quant au second point faible,<br />

il s’agit des déf<strong>en</strong>seurs eux-mêmes. Les Allemands<br />

à qui on a ordonné d’interdire l’utilisation des ports<br />

de la Manche jusqu’à la dernière cartouche form<strong>en</strong>t<br />

un groupe hétérogène. L’un de leurs commandants<br />

dira d’eux que ce sont « des troupes de forteresse,<br />

des marins, des milici<strong>en</strong>s, des technici<strong>en</strong>s portuaires<br />

et des retardataires ». 40<br />

À quelques rares exceptions près, ils ne sont<br />

pas là parce qu’ils veul<strong>en</strong>t sacrifier leur vie pour Hitler<br />

et le Troisième Reich, mais parce qu’ils ont eu le<br />

malheur d’être mêlés à des événem<strong>en</strong>ts indép<strong>en</strong>dants<br />

de leur volonté.<br />

Une fois sortie de Rou<strong>en</strong>, la 3 e Division, dont la<br />

tâche consiste à <strong>en</strong>lever Boulogne et Calais, avance<br />

rapidem<strong>en</strong>t malgré le mauvais état des routes et<br />

le peu d’espace de manœuvre dont elle dispose. Le<br />

North Nova couvre 120 kilomètres <strong>en</strong> trois jours<br />

avant de se faire tirer dessus aux abords de Boulogne<br />

le matin du 5 septembre : d’autres unités atteign<strong>en</strong>t<br />

Calais et Dunkerque peu après. Les Allemands ont<br />

manifestem<strong>en</strong>t l’int<strong>en</strong>tion de déf<strong>en</strong>dre ces vil<strong>les</strong>,<br />

de même que <strong>les</strong> batteries des promontoires balayés<br />

par le v<strong>en</strong>t du cap Gris-Nez. Bi<strong>en</strong> que la topographie<br />

et <strong>les</strong> déf<strong>en</strong>ses de chaque position diffèr<strong>en</strong>t — par<br />

exemple, <strong>les</strong> voies d’accès terrestres de Boulogne<br />

sont protégées par un cercle de hauteurs, alors que<br />

cel<strong>les</strong> de Calais travers<strong>en</strong>t des terres inondées —<br />

leur conquête pose aux attaquants des problèmes<br />

tactiques semblab<strong>les</strong>. Si ces forteresses retranchées<br />

sont dotées d’une garnison plutôt médiocre, chacune<br />

d’<strong>en</strong>tre el<strong>les</strong> est tout de même assez puissante pour<br />

résister à peu près à tout, sauf à un assaut <strong>en</strong> force<br />

soigneusem<strong>en</strong>t préparé. Par conséqu<strong>en</strong>t, pour citer<br />

<strong>les</strong> paro<strong>les</strong> d’un commandant de bataillon, il faudra<br />

s’emparer d’el<strong>les</strong> l’une après l’autre au cours d’« un<br />

drame étrange mêlant le siège médiéval à la guerre<br />

moderne ». 41<br />

L’art de la poliorcétique moderne comporte<br />

plusieurs élém<strong>en</strong>ts. Tout d’abord, des vagues de<br />

36<br />

bombardiers lourds et moy<strong>en</strong>s satur<strong>en</strong>t <strong>les</strong> déf<strong>en</strong>ses,<br />

puis l’artillerie procède à des tirs de barrage massifs.<br />

Des chars équipés de Flail ouvr<strong>en</strong>t <strong>en</strong>suite un passage,<br />

à travers <strong>les</strong> champs de mines, aux transports de<br />

troupes blindés et à des chars modifiés pourvus de<br />

canons lourds anticasemates et de lance-flammes.<br />

Dans un autre ordre d’idée, on fait appel à une arme<br />

morale qui s’avérera égalem<strong>en</strong>t efficace. On fait<br />

pleuvoir sur <strong>les</strong> déf<strong>en</strong>seurs, dont beaucoup sont des<br />

volontaires étrangers ou des Allemands issus d’autres<br />

pays que l’Allemagne, des tracts qui convainqu<strong>en</strong>t<br />

un grand nombre d’<strong>en</strong>tre eux qu’un camp de<br />

prisonniers est un lieu de séjour préférable à un<br />

cimetière. Lorsqu’on a ainsi sapé le moral des<br />

déf<strong>en</strong>seurs et qu’ils se trouv<strong>en</strong>t nez à nez avec des<br />

armes inatt<strong>en</strong>dues, particulièrem<strong>en</strong>t <strong>les</strong> terrifiants<br />

lance-flammes, ils sont nombreux à se r<strong>en</strong>dre.<br />

Parce qu’on ne dispose que d’un nombre réduit<br />

d’armes de siège, il faut se r<strong>en</strong>dre maître des<br />

forteresses l’une après l’autre. Avant de s’attaquer à<br />

Boulogne, la 3 e Division doit donc att<strong>en</strong>dre deux<br />

semaines que Le Havre soit tombé, et elle <strong>en</strong> profite<br />

pour bi<strong>en</strong> se préparer. Après la prise de Boulogne,<br />

le commandant allemand de la ville révélera à ses<br />

interrogateurs qu’il n’avait obt<strong>en</strong>u pratiquem<strong>en</strong>t<br />

aucun r<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t sur l’effectif des <strong>Canadi<strong>en</strong>s</strong> qui<br />

allai<strong>en</strong>t l’attaquer, et que trois prisonniers canadi<strong>en</strong>s<br />

ne lui avai<strong>en</strong>t fourni aucune information. Il savait<br />

toutefois que « lorsque l’attaque se produirait, elle<br />

aurait été parfaitem<strong>en</strong>t préparée jusqu’à la dernière<br />

arme, et que <strong>les</strong> <strong>Canadi<strong>en</strong>s</strong> t<strong>en</strong>terai<strong>en</strong>t de s’emparer<br />

du port avec le moins de pertes possible ». (Le<br />

général Spry, commandant la 3 e Division, écrira<br />

<strong>en</strong> regard de ce comm<strong>en</strong>taire, sur son exemplaire<br />

du compte r<strong>en</strong>du de l’interrogatoire, ce simple<br />

mot « Merci. ») 42<br />

Lorsque le mom<strong>en</strong>t de l’assaut approche,<br />

un officier des affaires civi<strong>les</strong> se r<strong>en</strong>d dans la ville<br />

négocier <strong>les</strong> conditions d’évacuation des civils,<br />

et le capitaine jack Martin, officier histori<strong>en</strong> de<br />

la 3 e Division, <strong>en</strong> observe plusieurs milliers qui<br />

s’avanc<strong>en</strong>t péniblem<strong>en</strong>t vers un sort incertain. Voici<br />

ce qu’il écrit dans son journal de guerre :<br />

[J’ai vu] une partie de l’extraordinaire procession<br />

de réfugiés qui quittai<strong>en</strong>t la ville. Tous ces g<strong>en</strong>s<br />

aux vêtem<strong>en</strong>ts de couleurs vives, qui formai<strong>en</strong>t<br />

un contraste saisissant avec leur expression<br />

malheureuse, s’avançai<strong>en</strong>t l<strong>en</strong>tem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> coltinant<br />

d’énormes fardeaux; si certains gardai<strong>en</strong>t le<br />

sil<strong>en</strong>ce et semblai<strong>en</strong>t presque maussades, d’autres<br />

se montrai<strong>en</strong>t exubérants, adressant aux «<br />

Boches » des gestes d’une viol<strong>en</strong>ce audacieuse.<br />

Il y avait beaucoup de petits chi<strong>en</strong>s : certains<br />

40 DSH, comptes r<strong>en</strong>dus d’interrogatoire des Allemands.<br />

41 DSH, comptes r<strong>en</strong>dus des unités.<br />

42 En français dans le texte.

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