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La Libération : les Canadiens en Europe - Chef - Personnel militaire

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travail, avec l’aide de l’État s’il le faut, et je suivrai<br />

des cours du soir à ses frais... Je comm<strong>en</strong>cerai par<br />

balayer <strong>les</strong> rues si je ne peux pas faire autrem<strong>en</strong>t,<br />

mais je travaillerai dès que j’aurai des vêtem<strong>en</strong>ts<br />

civils sur le dos. 12<br />

Il est un peu trop tôt pour faire ce g<strong>en</strong>re de<br />

projets, car Berlin est <strong>en</strong>core loin, et, si <strong>les</strong> forces<br />

allemandes du nord de la Seine ont plié, el<strong>les</strong> ne<br />

sont pas <strong>en</strong>core vaincues. <strong>La</strong> 15 e Armée, toujours<br />

déployée dans le Pas-de-Calais, où elle guette sur<br />

la mer une invasion fantôme, a <strong>en</strong>voyé des unités <strong>en</strong><br />

Normandie, mais ses divisions demeur<strong>en</strong>t intactes<br />

<strong>en</strong> tant que formations organisées, cel<strong>les</strong> du nord et<br />

de l’ouest n’ayant pas participé aux combats. Son<br />

commandant, le général Gustav Von Zang<strong>en</strong>, après<br />

avoir quitté une garnison pour déf<strong>en</strong>dre Le Havre,<br />

a <strong>en</strong>tamé un repli discipliné de la Seine à la Somme,<br />

où il a l’int<strong>en</strong>tion d’établir une nouvelle ligne<br />

déf<strong>en</strong>sive avec <strong>les</strong> vestiges de la 7 e Armée qui ont<br />

fui la Normandie.<br />

Toutefois, le 31 août, des chars britanniques<br />

fonçant vers la Somme atteign<strong>en</strong>t celle-ci <strong>les</strong> premiers<br />

près d’Ami<strong>en</strong>s, où ils captur<strong>en</strong>t le général Heinrich<br />

Eberbach au point de jonction prévu de sa 7 e Armée<br />

avec la 15 e de Von Zang<strong>en</strong>. Franchissant <strong>les</strong> déf<strong>en</strong>ses<br />

de la Somme, <strong>les</strong> Britanniques continu<strong>en</strong>t droit sur<br />

Bruxel<strong>les</strong> et Anvers, ne laissant guère d’autre choix<br />

à Von Zang<strong>en</strong> que de continuer à se replier vers le<br />

nord le long de la côte pour éviter d’être pris au<br />

piège. Des garnisons autonomes demeur<strong>en</strong>t isolées à<br />

Boulogne, à Calais et à Dunkerque, mais le gros de<br />

la 15 e Armée revi<strong>en</strong>t <strong>en</strong> Belgique à pied, au rythme<br />

de 25 à 50 kilomètres par jour, t<strong>en</strong>tant d’éviter <strong>les</strong><br />

avions et livrant des combats d’arrière-garde sur <strong>les</strong><br />

lignes fluvia<strong>les</strong> et autres obstac<strong>les</strong> afin de retarder<br />

l’avance des Alliés.<br />

Les unités de la 2 e Division ne sont pas vraim<strong>en</strong>t<br />

<strong>en</strong> mesure de connaître ces événem<strong>en</strong>ts lorsqu’el<strong>les</strong> se<br />

mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> marche pour aller libérer Dieppe. Il s’agit<br />

là d’une occasion qu’el<strong>les</strong> att<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t depuis longtemps;<br />

<strong>les</strong> éclaireurs parl<strong>en</strong>t d’une « procession triomphale ».<br />

Partis dès l’aube le dernier jour d’août, <strong>les</strong> escadrons<br />

avanc<strong>en</strong>t si rapidem<strong>en</strong>t qu’ils sont bi<strong>en</strong>tôt hors de<br />

portée radio et livr<strong>en</strong>t leur propre guerre séparée<br />

contre des arrière-gardes allemandes dispersées. À<br />

Tôtes, à mi-chemin <strong>en</strong>tre Rou<strong>en</strong> et Dieppe, la troupe<br />

de tête tombe sur un convoi de véhicu<strong>les</strong> allemands<br />

<strong>en</strong> fuite, qu’elle s’empresse de mitrailler : « Une voiture<br />

traverse <strong>les</strong> rangs <strong>en</strong>nemis, p<strong>en</strong>dant que ses occupants<br />

lanc<strong>en</strong>t des gr<strong>en</strong>ades à droite et à gauche. » Lorsque<br />

d’autres troupes vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t se mettre de la partie,<br />

« on assiste à un étrange spectacle ».<br />

Les habitants de la ville, indiffér<strong>en</strong>ts à la bataille<br />

qui fait rage, offr<strong>en</strong>t aux soldats force rasades de<br />

champagne, de vin rouge, de vin blanc, etc. Le<br />

major D.S.F. Bult-Francis, commandant l’escadron,<br />

observe la bataille avec son état-major depuis<br />

20<br />

le dernier étage de l’hôtel du Cygne, une<br />

célèbre auberge historique, p<strong>en</strong>dant que<br />

M. et Mme Richard, <strong>les</strong> généreux propriétaires,<br />

rempliss<strong>en</strong>t leurs verres d’un flot ininterrompu<br />

de champagne. Heureusem<strong>en</strong>t, <strong>les</strong> chefs de troupe<br />

sont trop occupés pour profiter de cette libéralité,<br />

et la bataille évolue favorablem<strong>en</strong>t. 13<br />

Les escadrons pass<strong>en</strong>t la nuit à Tôtes avant de<br />

se lancer, le l<strong>en</strong>demain matin, dans une course folle<br />

vers Dieppe. L’un d’eux l’emporte le 1 er septembre<br />

à 9 h 30, et le commandant de sa troupe de tête, le<br />

lieut<strong>en</strong>ant L.A. MacK<strong>en</strong>zie, décrira ainsi le trajet :<br />

Au début, nous avancions avec circonspection,<br />

observant que le terrain était plutôt découvert,<br />

avec de rares taillis ici et là. Par ailleurs, la route<br />

était bordée d’un grand nombre de maisons qui<br />

aurai<strong>en</strong>t pu offrir un abri à l’<strong>en</strong>nemi. À Belmesnil,<br />

deux civils sont montés dans la voiture de tête,<br />

commandée par le caporal Samuels, <strong>en</strong> agitant<br />

des drapeaux de fabrication artisanale. L’un<br />

d’eux nous a dit qu’il arrivait tout juste de Dieppe,<br />

et que l’<strong>en</strong>nemi avait quitté la ville. En <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dant<br />

cette nouvelle, nous avons écrasé l’accélérateur<br />

et nous nous sommes élancés sans leur<br />

laisser le temps de desc<strong>en</strong>dre. Les civils français<br />

comm<strong>en</strong>çai<strong>en</strong>t maint<strong>en</strong>ant à s’aligner de<br />

chaque côté de la route. Ils criai<strong>en</strong>t, applaudissai<strong>en</strong>t,<br />

agitai<strong>en</strong>t des drapeaux et nous lançai<strong>en</strong>t des<br />

fleurs comme s’ils étai<strong>en</strong>t dev<strong>en</strong>us fous. Si un<br />

véhicule s’arrêtait, il était aussitôt assiégé par<br />

la foule... Lorsque nous sommes arrivés au sommet<br />

de la grande colline qui se dresse devant Dieppe,<br />

nous avons aperçu la ville pour la première fois<br />

et, <strong>en</strong> plongeant dans la vallée, nous sommes<br />

tombés sur un fossé antichar creusé <strong>en</strong> travers<br />

de la route. Les civils étai<strong>en</strong>t déjà <strong>en</strong> train de<br />

construire un pont avec des planches, et ils l’ont<br />

terminé avant que la troupe suivante atteigne<br />

la position. Nous avons poursuivi notre route et<br />

nous avons été <strong>les</strong> premiers soldats à pénétrer<br />

dans la ville. Des milliers d’habitants <strong>en</strong> délire<br />

grimpai<strong>en</strong>t à bord des véhicu<strong>les</strong>, couvrant <strong>les</strong><br />

équipages de fleurs et leur offrant de l’alcool...<br />

Entre-temps, <strong>les</strong> FFI s’étai<strong>en</strong>t lancés à la chasse<br />

aux collaborateurs, qui ont souv<strong>en</strong>t eu droit à un<br />

traitem<strong>en</strong>t brutal. On rasait la tête des femmes,<br />

puis on <strong>les</strong> déshabillait et on <strong>les</strong> battait dans <strong>les</strong><br />

grandes artères sous <strong>les</strong> cris et <strong>les</strong> applaudissem<strong>en</strong>ts<br />

de la population réunie. Nous avons vu passer<br />

à côté de nous un collabo qu’on traînait de<br />

force, l’œil droit p<strong>en</strong>dant hors de son orbite,<br />

et à qui on a <strong>en</strong>suite tranché la gorge. Il<br />

s’agissait toutefois là d’un cas exceptionnel,<br />

car, dans l’<strong>en</strong>semble, la joie sans bornes et<br />

12 DSH, lettres de Bradley.<br />

13 DSH, comptes r<strong>en</strong>dus des unités.

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