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La Libération : les Canadiens en Europe - Chef - Personnel militaire

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eux leur ont tiré dessus, mais sans <strong>en</strong> abattre un<br />

seul. Nous étions à six contre une vingtaine!!! J’ai<br />

bi<strong>en</strong> failli avoir deux de ces salauds, mais ils<br />

avai<strong>en</strong>t l’avantage de l’altitude et ont réussi à<br />

s’<strong>en</strong>fuir et à r<strong>en</strong>trer chez eux — des trouillards<br />

qui ne veul<strong>en</strong>t pas se battre! Je suis dev<strong>en</strong>u vraim<strong>en</strong>t<br />

furieux contre toute la bande, alors j’ai collé au<br />

cul du dernier qui restait et l’ai forcé à desc<strong>en</strong>dre.<br />

En l’<strong>en</strong>cadrant, je l’ai obligé à foncer à 400 mi/h<br />

droit dans le sol, où il a explosé après avoir labouré<br />

trois champs! Je n’ai même pas tiré un seul coup<br />

sur ce froussard — un autre de détruit qui ne<br />

p<strong>en</strong>sait qu’à s’<strong>en</strong>fuir!!! Dans l’après-midi, j’ai<br />

assuré la couverture de Typhoon qui ont bombardé<br />

un pont sur la Seine au sud de Rou<strong>en</strong> après<br />

avoir pilonné <strong>les</strong> positions d’artillerie antiaéri<strong>en</strong>ne.<br />

Tout un tas d’AAA dans le coin. J’<strong>en</strong> ai parlé<br />

aux Opérations, et, trois heures plus tard, la Royal<br />

Artillery, qui s’avançait depuis Lisieux, <strong>les</strong> ont<br />

réduites au sil<strong>en</strong>ce. Pas de chance! ...<br />

Le 30 août. Il pleuvait <strong>en</strong>core, alors j’ai pris<br />

une camionnette et je me suis r<strong>en</strong>du à Paris avec<br />

quatre des gars. Quelle réception! Nous étions<br />

le deuxième groupe de pilotes à aller là-bas. Nous<br />

sommes desc<strong>en</strong>dus au Plaza, où on ne nous a pas<br />

demandé un sou pour des chambres merveilleuses,<br />

comparab<strong>les</strong> à cel<strong>les</strong> du Ritz de Londres!! Nous<br />

sommes allés dans <strong>les</strong> bars et <strong>les</strong> cafés <strong>les</strong> plus chic.<br />

Les g<strong>en</strong>s applaudissai<strong>en</strong>t à notre <strong>en</strong>trée, et c’était<br />

la maison qui payait. Sous certains rapports, notre<br />

séjour a été très embarrassant, <strong>en</strong> particulier<br />

lorsque nous sommes allés voir la tour Eiffel, où<br />

nous avons été <strong>en</strong>tourés par quelque 200 personnes<br />

qui voulai<strong>en</strong>t simplem<strong>en</strong>t nous serrer la main.<br />

Le 31 août. Au retour, j’ai effectué deux<br />

reconnaissances armées <strong>en</strong> mitraillant des<br />

colonnes de Boches qui quittai<strong>en</strong>t la région<br />

d’Ami<strong>en</strong>s. 6<br />

Warfield et ses camarades britanniques, français,<br />

néerlandais, norvégi<strong>en</strong>s, polonais, tchèques, australi<strong>en</strong>s<br />

et néo-zélandais de la 2 e Force aéri<strong>en</strong>ne tactique<br />

ont fait de tels ravages et laissé derrière eux une telle<br />

quantité de « débris qu’il a fallu <strong>les</strong> nettoyer au<br />

bulldozer pour que la colonne puisse passer ».<br />

Le traitem<strong>en</strong>t infligé aux vestiges <strong>en</strong> fuite des forces<br />

allemandes était l’œuvre de l’aviation seule.<br />

Des colonnes étroitem<strong>en</strong>t serrées de camions, de<br />

voitures d’état-major, de chars, de canons et de<br />

fourgons s’étai<strong>en</strong>t fait surpr<strong>en</strong>dre par la pluie de<br />

mort et de destruction qui tombait du ciel... Des<br />

sapeurs, un chiffon autour du visage, s’efforçai<strong>en</strong>t<br />

de retirer du chemin <strong>les</strong> chevaux <strong>en</strong> putréfaction.<br />

Des bulldozers s’attaquai<strong>en</strong>t aux décombres<br />

torturés et calcinés qui avai<strong>en</strong>t été du matériel<br />

de guerre et ouvrai<strong>en</strong>t une piste étroite pour<br />

permettre le passage des blindés de la 4 e Division.<br />

À mesure que le soleil réchauffait l’atmosphère,<br />

16<br />

l’odeur des véhicu<strong>les</strong> <strong>en</strong> combustion et de la chair<br />

<strong>en</strong> décomposition, tant humaine que chevaline,<br />

dev<strong>en</strong>ait insupportable. 7<br />

Un autre facteur, plus agréable, qui ral<strong>en</strong>tit <strong>les</strong><br />

poursuivants est la gratitude débordante exprimée<br />

par <strong>les</strong> villageois <strong>en</strong>fin délivrés de l’occupation. C’est<br />

une émotion qui touche même <strong>les</strong> soldats <strong>les</strong> plus<br />

<strong>en</strong>durcis. Les réactions des citoy<strong>en</strong>s français, dont<br />

un grand nombre ont vu leur famille tuée et leur<br />

maison détruite par la puissance de feu terrifiante de<br />

leurs libérateurs, sont aussi complexes que le permet<br />

la gamme des émotions humaines. John Morgan Gray,<br />

un officier de r<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t canadi<strong>en</strong>, décrira dans<br />

ses mémoires comm<strong>en</strong>t il a lié conversation avec un<br />

couple p<strong>en</strong>dant qu’il att<strong>en</strong>dait, assis dans sa jeep,<br />

de traverser Rou<strong>en</strong>. Ses interlocuteurs lui montr<strong>en</strong>t<br />

« une vieille femme complètem<strong>en</strong>t seule qui se ti<strong>en</strong>t<br />

à l’écart ».<br />

Son visage ridé est lourd de chagrin; ils<br />

m’appr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t que toute sa famille a été tuée<br />

lorsque nos bombes ont détruit sa maison; elle<br />

est maint<strong>en</strong>ant seule au monde. Lorsqu’ils s’<strong>en</strong><br />

vont, la vieille femme me regarde et, faisant le<br />

seul geste possible, je la salue. Après une brève<br />

hésitation, elle s’approche. Elle reste <strong>en</strong>suite<br />

debout à côté de la jeep, me caressant le bras<br />

p<strong>en</strong>dant que je lui tapote la main. Avec son<br />

châle noir qui lui couvre la tête, elle est la<br />

personnification d’un monde affligé; et pourtant,<br />

sur <strong>les</strong> rides de son visage, on lit à la fois un<br />

courage indestructible et de la sérénité. Nous<br />

n’avons pas <strong>en</strong>core échangé un mot, qu’elle<br />

s’écrie soudain : « Cont<strong>en</strong>te, monsieur, je suis<br />

cont<strong>en</strong>te. » 8 Je ne sais que répondre; je ne peux<br />

que hocher la tête et continuer à tapoter la vieille<br />

main bistrée. Le convoi s’ébranle, et la vieille<br />

dame recule. Je lui <strong>en</strong>voie un baiser et, juste avant<br />

de disparaître, un geste d’adieu. Elle lève le bras.<br />

Durant un précieux mom<strong>en</strong>t, nous avons oublié<br />

la guerre. 9<br />

<strong>La</strong> défaite de Normandie a réduit à néant <strong>les</strong> plans<br />

de campagne des Allemands. À l’origine, ils avai<strong>en</strong>t<br />

été sûrs de faire rapidem<strong>en</strong>t échouer l’invasion de<br />

la Normandie, ce qui devait leur permettre <strong>en</strong>suite<br />

d’expédier des divisions de l’ouest vers le front ori<strong>en</strong>tal<br />

où leurs armées étai<strong>en</strong>t de plus <strong>en</strong> plus éprouvées.<br />

Au lieu de quoi, ils ont perdu près d’un demi-million<br />

d’hommes, et leurs 5 e et 7 e Armées de Panzer sont<br />

<strong>en</strong> train de se faire tailler <strong>en</strong> pièces. Il ne leur reste<br />

plus grand-chose pour affronter la ruée irrésistible<br />

de l’Armée rouge, et <strong>les</strong> divisions fraîches <strong>en</strong>voyées<br />

6 DSH, dossier biographique Warfield.<br />

7 DSH, rapport 183 du QGAC.<br />

8 En français dans le texte.<br />

9 Gray, J.M. Fun Tomorrow, Toronto, Macmillan, 1978,<br />

pp. 286-287.

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