La Libération : les Canadiens en Europe - Chef - Personnel militaire
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Sans <strong>en</strong>trer dans un débat stérile sur le nombre<br />
d’observations nécessaires pour constituer une<br />
théorie, on peut toutefois affirmer que le temps<br />
consacré à la formation n’est pas nécessairem<strong>en</strong>t<br />
une indication valable de la qualité et de l’efficacité<br />
de celle-ci. Un exemple illustrera comm<strong>en</strong>t un<br />
soldat peut passer à travers <strong>les</strong> mail<strong>les</strong> du système.<br />
Un simple soldat, à son arrivée <strong>en</strong> Angleterre,<br />
échoue aux épreuves élém<strong>en</strong>taires sur la mitrailleuse<br />
légère Br<strong>en</strong>, la mitraillette Thompson, <strong>les</strong> gr<strong>en</strong>ades<br />
et le PIAT. L’un de ses instructeurs l’interroge afin de<br />
déterminer pourquoi il n’a pas acquis des compét<strong>en</strong>ces<br />
aussi fondam<strong>en</strong>ta<strong>les</strong>, et le soldat lui raconte une<br />
longue histoire. S’étant <strong>en</strong>rôlé à Toronto le 7 mars<br />
1944, il s’est r<strong>en</strong>du à Brantford, <strong>en</strong> Ontario, pour<br />
suivre le cours élém<strong>en</strong>taire de huit semaines, qu’il a<br />
terminé le 26 mai. Le jeune soldat « déclare que,<br />
sur ces huit semaines, il <strong>en</strong> a passé quatre <strong>en</strong> service<br />
réduit et qu’il a été disp<strong>en</strong>sé de toutes <strong>les</strong> longues<br />
marches avec équipem<strong>en</strong>t, sauf deux ». Cela ne l’a<br />
pas empêché pour autant de passer <strong>en</strong>suite une<br />
semaine au C<strong>en</strong>tre de formation supérieure du camp<br />
Bord<strong>en</strong>, où il s’est retrouvé de nouveau <strong>en</strong> service<br />
réduit. Affecté à Calgary pour deux mois, il été<br />
exempté d’<strong>en</strong>traînem<strong>en</strong>t durant trois semaines à cause<br />
de b<strong>les</strong>sures subies à la suite de l’explosion d’un<br />
poêle à gaz. De son propre aveu, il connaît très peu<br />
le maniem<strong>en</strong>t d’armes et n’a jamais lancé de<br />
gr<strong>en</strong>ades. Il a tiré un obus fumigène et deux obus<br />
explosifs avec un mortier de deux pouces, mais il<br />
n’a pas atteint le niveau nécessaire <strong>en</strong> maniem<strong>en</strong>t<br />
du fusil ou de la mitrailleuse légère Br<strong>en</strong>. Le 5 août,<br />
ayant c<strong>en</strong>sém<strong>en</strong>t terminé sa formation supérieure<br />
d’infanterie conformém<strong>en</strong>t au programme normal,<br />
du moins sur le papier, cette recrue a eu droit à une<br />
permission de deux semaines avant de partir pour<br />
l’<strong>Europe</strong> le 1 er septembre. Durant <strong>les</strong> trois semaines<br />
passées dans la 2 e Unité de r<strong>en</strong>fort de l’infanterie<br />
canadi<strong>en</strong>ne, il a été employé comme planton, et, bi<strong>en</strong><br />
qu’il ait tiré au fusil et à la mitrailleuse légère Br<strong>en</strong>,<br />
il n’a pas lancé de gr<strong>en</strong>ades et n’a pas appris à utiliser<br />
le mortier de deux pouces. Il a vu pour la première<br />
fois une mitraillette Thompson et un PIAT, et lancé<br />
trois obus factices avec ce dernier. En somme, ce<br />
soldat ne semble pas avoir reçu plus de 12 semaines<br />
d’<strong>en</strong>traînem<strong>en</strong>t au Canada et <strong>en</strong> Angleterre. Selon<br />
l’officier qui l’a interrogé, « il s’agit peut-être bi<strong>en</strong> d’un<br />
cas exceptionnel, mais ce sont de tels cas qui t<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t<br />
à réduire l’efficacité générale d’un conting<strong>en</strong>t ». 79<br />
Un grand nombre de sapeurs, d’artilleurs et<br />
d’autres hommes de métier qu’on a rappelés comme<br />
fantassins possèd<strong>en</strong>t <strong>les</strong> qualités de base. Le<br />
lieut<strong>en</strong>ant-colonel V. Stott, du South Saskatchewan<br />
Regim<strong>en</strong>t, déclare avoir « interrogé plusieurs de ces<br />
hommes et, <strong>en</strong> leur parlant et <strong>en</strong> <strong>les</strong> évaluant, {avoir}<br />
fait <strong>les</strong> constatations suivantes : a) <strong>en</strong> règle générale,<br />
la norme physique et le type d’homme sont bons;<br />
62<br />
b) intellig<strong>en</strong>ce supérieure à la moy<strong>en</strong>ne ». L’<strong>en</strong>nui,<br />
c’est que <strong>les</strong> responsab<strong>les</strong> des c<strong>en</strong>tres de r<strong>en</strong>forts et<br />
d’instruction n’ont pas tiré parti de ces qualités pour<br />
préparer <strong>les</strong> recrues au combat. Leur programme d’un<br />
mois compr<strong>en</strong>d neuf jours de permission et à peine<br />
trois heures de familiarisation avec chacune de ces<br />
armes : le PIAT, la mitraillette St<strong>en</strong>, la mitrailleuse<br />
légère Br<strong>en</strong>, le fusil et <strong>les</strong> gr<strong>en</strong>ades. Les stagiaires ont<br />
tout juste le temps de lancer trois gr<strong>en</strong>ades, de tirer<br />
deux obus antichars réels [et 70 cartouches avec la<br />
Br<strong>en</strong>] et de vider deux chargeurs avec la St<strong>en</strong>. Il n’y<br />
a pas de pratique organisée sur le champ de tir, pas<br />
de temps consacré aux travaux de campagne, pas<br />
d’instruction sur <strong>les</strong> ordres de tir ou l’id<strong>en</strong>tification<br />
des objectifs, très peu de familiarisation avec l’armée<br />
de terre allemande, et à peine deux marches avec<br />
équipem<strong>en</strong>t. Voici la conclusion de Stott :<br />
En étudiant ces faits, on peut se faire une<br />
certaine idée des raisons pour <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> ces<br />
hommes, lorsqu’ils arriv<strong>en</strong>t dans une unité<br />
de campagne, ne sont pas préparés au métier<br />
de fantassin comme ils devrai<strong>en</strong>t l’être.<br />
Or, il est très important pour un bataillon<br />
d’infanterie que, quel que soit le type de<br />
r<strong>en</strong>forts reçus, ceux-ci s’y connaiss<strong>en</strong>t <strong>en</strong><br />
matière d’infanterie. En effet, ils doiv<strong>en</strong>t<br />
souv<strong>en</strong>t aller se battre au front dès le<br />
l<strong>en</strong>demain de leur arrivée dans l’unité<br />
de campagne. Selon moi, il faut plus d’un<br />
mois pour inculquer aux autres armes<br />
une notion de ce qu’est l’infanterie. C’est<br />
pourquoi, si l’on ne consacre qu’un mois<br />
à la formation de ces hommes, <strong>les</strong> 31 jours<br />
qui le compos<strong>en</strong>t doiv<strong>en</strong>t être exclusivem<strong>en</strong>t<br />
réservés à cette activité... Lorsque ces hommes<br />
arriv<strong>en</strong>t dans l’unité, celle-ci fait tout son<br />
possible pour <strong>les</strong> <strong>en</strong>traîner, mais, dans la<br />
majorité des cas, on ne peut y arriver, car<br />
on a besoin d’eux <strong>en</strong> r<strong>en</strong>fort sur le front<br />
et on ne peut pas <strong>les</strong> garder à l’échelon B<br />
pour leur donner de la formation. On le fait<br />
pourtant dans toute la mesure du possible.<br />
Lorsque l’un de ces hommes rejoint un bataillon<br />
du front, son sort dép<strong>en</strong>d <strong>en</strong> grande partie de la<br />
situation de l’unité à son arrivée. Si son peloton n’est<br />
pas <strong>en</strong> train de se battre, et s’il a la chance de<br />
faire la connaissance de ses nouveaux camarades<br />
et sous-officiers, ceux-ci peuv<strong>en</strong>t au moins le<br />
préparer <strong>en</strong> partie à l’affrontem<strong>en</strong>t où il ira risquer<br />
sa vie ou son intégrité physique. S’il va droit au<br />
combat dès son arrivée, ses chances de survie sont<br />
radicalem<strong>en</strong>t diminuées. En outre, la crise des<br />
79 Lorsqu’ils ne sont pas extraits des journaux de guerre des<br />
unités, <strong>les</strong> r<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>ts ci-dessus sur <strong>les</strong> r<strong>en</strong>forts, et<br />
ceux qui suiv<strong>en</strong>t, provi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t des volumes 9777, 9798 et<br />
9900 de la série RG24 des ANC.