50% - Vida Lusa
50% - Vida Lusa
50% - Vida Lusa
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
ART CULINAIRE<br />
“Petit Traité Savant de la Morue<br />
Ancienne professeur de droit dans les entreprises<br />
et à l’Université, Odile Godard,<br />
actuellement à la retraite, se consacre<br />
depuis deux décennies à l’une de ses passions : la<br />
cuisine gourmande. “La gourmandise est un acte<br />
de notre jugement par lequel nous accordons la<br />
préférence aux choses qui sont agréables au goût<br />
sur celles qui n’ont pas de qualité” lit-on dans la<br />
“Physiologie du goût” du magistrat, gastronome et<br />
écrivain français Anthelme Brillat-Savarin (1755-1826).<br />
Son domaine de prédilection étant la gastronomie<br />
du sud, elle vient de publier, sous le titre “Petit<br />
Traité Savant de la Morue” (1), un ouvrage de<br />
220 pages qui fera les délices de tout gourmet, en<br />
général, - parce qu’il vante les grands mérites de la<br />
cuisine traditionnelle dont la clé de voûte est la<br />
saveur - et de tout gastronome portugais, en particulier,<br />
puisqu’il fait une vibrante apologie de leur<br />
“Fiel amigo” (Fidèle ami) dont les diverses préparations<br />
succulentes ont une place de choix dans le<br />
scintillant collier de bijoux qu’est la cuisine lusitanienne.<br />
La présentation esthétique de ce livret est aussi<br />
remarquable que sa documentation. Il comporte de<br />
magnifiques illustrations et tout<br />
un éventail de citations d’intellectuels<br />
qui se sont intéressés à la<br />
morue au cours des siècles tels<br />
que Alphonse Allais, la marquise<br />
de Sévigné, Molière, Alexandre<br />
Dumas, Emile Zola, Jules Verne,<br />
Raymond Queneau, Luis de Camões,<br />
Brillat-Savarin, André Suarès, Pierre<br />
Loti, Georges Simenon, Henry Poujon<br />
de l’Académie française (qui<br />
a déclaré que “Le genre humain<br />
comprend deux catégories :<br />
ceux qui aiment la morue… et<br />
les autres”), Fernando Pessoa, Eça de Queiroz,<br />
Manuel Vazquez Montalban, le compositeur norvégien<br />
Edvard Grieg, Honoré de Balzac, Miguel de<br />
Cervantés, Alphone Daudet, Jorge Amado, George<br />
Sand et Montaigne, entre autres.<br />
Après avoir souligné, à juste titre, dans l’Avantpropos,<br />
que “manger d’abord avec son cerveau<br />
est l’un des péchés mignons des sociétés d’abondance”,<br />
Odile Godard fait remarquer que “en<br />
vraie schizophrène qu’elle est, la morue révèle<br />
deux visages et deux goûts totalement différents<br />
22 — <strong>Vida</strong> <strong>Lusa</strong> n° 73 — Novembre 2004<br />
par Odile Godard<br />
selon qu’elle est cuisinée en frais ou bien à partir<br />
du poisson conservé au sel”. Dans le même<br />
Avant-Propos, elle met l’accent sur le “savoir-faire<br />
multiséculaire des Portugais dans le salage et le<br />
séchage de la morue” notamment à Aveiro.<br />
Nous est dressée une véritable carte d’identité de ce<br />
poisson qui vit en bancs compacts dans les océans<br />
là où la température ne dépasse pas 5 à 8° degrés,<br />
fréquente de préférence les zones riches en plancton,<br />
peut aller jusqu’à 600 mètres de profondeur et dont<br />
la femelle pond 5 à 7 millions d’œufs.<br />
La valeur exceptionnelle traditionnelle, la saveur<br />
gastronomique et la facilité de conservation de<br />
cette nourriture riche en protéines - autrefois bon<br />
marché mais plus de nos jours - sont présentées<br />
comme autant de qualités qui lui ont assuré au<br />
cours des âges une place de choix dans l’alimentation<br />
des populations de l’Occident et de l’Europe<br />
en particulier.<br />
Odile Godard attire l’attention sur le fait que :<br />
“Cette passion pour leur morue salée, les Portugais<br />
l’emportent à la semelle de leurs chaussures<br />
lorsqu’ils s’en vont travailler à l’étranger”.<br />
L’épopée tout à fait hors du commun des morutiers<br />
au cours des siècles est célébrée<br />
de même que leurs très dures<br />
conditions de travail, les risques<br />
qu’ils encouraient, leur longue<br />
absence de plusieurs mois (de<br />
février à septembre) et “l’exception<br />
portugaise” due au fait que<br />
l’État Nouveau de António de<br />
Oliveira Salazar (1889-1970)<br />
avait fait de la pêche à la morue<br />
un véritable enjeu stratégique ce<br />
pourquoi il avait relancé les chantiers<br />
de constructions navale traditionnelle.<br />
Cela fit que les grands navires en bois - parfois<br />
même dépourvus de moteur auxiliaire - reprirent la<br />
mer même durant la Seconde Guerre mondiale en<br />
inscrivant sur leurs coques, en lettres énormes, le<br />
mot “PORTUGAL” pour avertir les bélligérants<br />
de leur neutralité.<br />
Ceci après s’être ancrés par dizaines dans l’estuaire<br />
du Tage, devant le monastère des Jerónimos où<br />
les marins assistaient à la messe, spectacle fabuleux<br />
que le septuagénaire soussigné n’oubliera jamais<br />
de sa vie.