Prime Magazine September 2023

travel /
Le paysage est époustouflant – je traverse des plaines
et des hauts plateaux. Je lève sans cesse les yeux vers
le dôme immense au-dessus de ma tête. Le ciel bleu
pâle vire petit au bleu foncé. Les montagnes à l’horizon
sont enveloppées de brume et j’ai une impression de
liberté totale sur la route qui me dirige vers elles. Enfin
libre! Partout, le vert pâle des rizières, sur les plaines,
dans les brèches des pentes et sur les terrasses qui
découpent les collines.
Le voyage comporte des dangers qui vous
amènent souvent à faire abstraction de toute cette
beauté. La route est truffée d’énormes nids de poule
at la chaussée autrefois goudronnée a pris des
formes étranges, grotesques, comme si de petits
volcans étaient actifs sous leur surface. Beaucoup
des ponts manquent d’éléments et je me trouve
face à des zébus nerveux et incontrôlables aux
énormes cornes pointues, et de temps en temps le
bruissement d’un camion sur une route étroite ou un
un serpent occasionnel.
Je m’arrête sur le haut plateau et j’éteins le moteur.
De temps en temps, le silence est rompu par une rafale
de vent. J’observe un faucon en vol stationnaire avant
qu’il plonge pour saisir sa proie. Je vois, au loin, le
sommet de la plus haute montagne de Madagascar.
Je traverse le cœur du royaume Sakalava au nordouest
de Madagascar - la tribu, autrefois indépendante,
n’a plus de rois ni de reines, mais ils ont gardé leur
fierté. La peau foncée et les cheveux bouclés, ils font
partie du grand nombre des groupes ethniques de l’île
ayant leur propre culture et leurs interdits. Les interdits
diffèrent énormément entre les groupes ethniques –
une femme enceinte Sakalave ne doit pas rester assise
sur un pas de porte et ne doit pas manger de poisson.
D’autres interdits touchent encore plus l’imagination.
Je fais une pause. Je m’arrête dans un marché et
je prends une boisson fraîche. Tranquillement assis
dans mon coin, je suis content d’observer les gens. Un
homme, à l’aide de ses zébus, livre du charbon de bois
à de petits étals où on sert à manger, une femme porte
du charbon pour allumer le feu chez sa voisine, un vieil
homme empile des bouteilles de miel. Une fillette de
six ou sept ans vient me voir, là où je suis assis, et me
dit «Vahaza (un mot amical pour désigner un étranger),
je vais danser. Regarde-moi.» Et elle le fait.
Ces gens ne se posent pas de questions
existentielles sur le sens de la vie. Il y a la lutte
quotidienne pour la survie, mais cette lutte comporte
de la grâce et de la dignité. Ajoutez beaucoup de
bonne humeur et de stoïcisme, des rires et des blagues
– un mélange à envier.
Quand j’arrive à la pointe de la Grande Île Rouge
(comme l’appellent ses habitants), j’ai la sensation
d’avoir réussi. Je reste en admiration devant les trois
pointes de la belle baie de Diego.
Au départ, j’étais anxieux: mon premier périple de
trois jours à moto. Je caresse affectueusement mon
véhicule. Ensuite, je sors ma carte de l’île et je repère
une autre ligne qui la traverse, une ligne peut-être
plus difficile.
Le voyage comporte des dangers qui vous amènent
souvent à faire abstraction de toute cette beauté
There are dangers on the trip that often force
you to ignore this beauty
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