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Marie, habitante du Bois<br />
de Maurepas (2) , raconte:<br />
«Nous sommes arrivés en région parisienne en<br />
1971, j’avais trouvé un emploi à Paris et mon<br />
mari à Versailles. En province, les enfants avaient<br />
pris l’habitude de jouer dehors et nous nous<br />
sommes mis à la recherche d’une maison.<br />
L’idée de s’installer entre Versailles et Paris a<br />
vite été abandonnée pour des raisons économiques,<br />
et un ami nous a conseillé de prospecter<br />
le long de la ligne de chemin de fer, au-delà<br />
de Versailles. C’est là que nous sommes tombés<br />
sur une publicité dans Le Monde pour une nouvelle<br />
opération: le «Bois de Maurepas», à 35 km<br />
de Paris. Nous avons rapidement été séduits par<br />
l’environnement et la proximité de la forêt ; pouvant<br />
bénéficier du crédit foncier, d’un prêt familial<br />
et d’un prêt fonctionnel, nous avons pris la<br />
décision d’acheter. En fait, on arrivait tous de<br />
nos provinces avec de jeunes enfants et un<br />
grand besoin de nous faire de nouvelles relations<br />
et de recréer des racines. Les enfants<br />
allaient et revenaient de l’école ensemble. Les<br />
parents échangeaient les outils, achetaient une<br />
tondeuse en commun, organisaient des piqueniques.<br />
Au départ, il fallait vraiment y tenir pour<br />
venir vivre ici. Pour arriver au bois, il fallait passer<br />
dans la boue, l’école n’était pas construite,<br />
le quartier était isolé. Le cadre était formidable<br />
mais loin de tout, on se sentait un peu comme<br />
des pionniers, avec un quartier à fabriquer, une<br />
vie sociale à inventer, et tout ça a participé à<br />
forger une conscience collective. Nous avions<br />
d’ailleurs un projet politique commun, on est<br />
rentré dans un mouvement qui s’appelait le<br />
GAM, Groupe d’action municipale. Le GAM<br />
avait un journal qu’on distribuait dans les<br />
boîtes et dont nous étions les principaux rédacteurs.<br />
Ce mouvement a eu une influence<br />
énorme sur la vie de Maurepas. Si la gauche est<br />
passée deux ans après, c’est en partie grâce au<br />
travail du GAM.<br />
L’homogénéité sociale a peut-être participé à<br />
cette cohésion, les gens qui sont arrivés ici<br />
avaient tous le même salaire. Le fait aussi que<br />
ce soit une copropriété, ce n’est pas neutre, il y<br />
a un lien institutionnel. Les décisions se prennent<br />
ensemble, lorsqu’il s’agit d’entretenir nos<br />
équipements communs comme la piscine ou<br />
les tennis, certains payent pour d’autres à certains<br />
moments et vice versa. Lorsqu’il a fallu<br />
remettre la voirie à la ville, tout le monde a été<br />
d’accord, mais on a tenu à conserver nos<br />
impasses : c’est un énorme atout quand on<br />
arrive avec des petits enfants, ils peuvent jouer<br />
dehors tous ensemble, la rue est calme et tranquille.<br />
Et on ne fait pas n’importe quoi, le règlement<br />
garantit une cohérence d’ensemble sur<br />
un plan esthétique, ça passe même par la couleur<br />
des volets. Tant pis pour l’originalité, qui<br />
est à l’intérieur des maisons. Même si ça peut<br />
être tentant de concevoir sa propre maison en<br />
fonction de ses goûts, c’est finalement anecdotique<br />
par rapport à cette harmonie d’ensemble.<br />
Si on laissait plus de liberté à l’évolution des<br />
maisons, ce serait dommage, il y a un lien entre<br />
le lieu et les gens qui y vivent. L’architecte était<br />
un artiste, même s’il a fait quelques erreurs du<br />
point de vue du réalisme, il avait le sens du<br />
beau. C’est vrai qu’au départ, on avait été tenté<br />
par une maison au village, en vieilles pierres,<br />
mais finalement on aime beaucoup cette maison,<br />
et c’est là qu’on a notre histoire. Nous<br />
sommes attachés au quartier et à la commune<br />
également. On mourra à Maurepas et on sera<br />
enterrés à Maurepas. La ville aura des racines<br />
quand les pionniers commenceront à pourrir<br />
au cimetière.<br />
De jeunes ménages sont aujourd’hui attirés par<br />
le quartier, parce qu’on vit dans la forêt, que<br />
l’environnement est exceptionnel, et l’absence<br />
de vis-à-vis permet des relations de voisinage<br />
pacifiques. Aujourd’hui, la population s’est<br />
renouvelée, de jeunes ménages se sont installés<br />
et semblent vouloir conserver l’esprit communautaire<br />
qui fait la particularité de la résidence.<br />
Le syndic est toujours bénévole, la relève a été<br />
prise. Même si on perçoit parfois un peu plus<br />
d’individualisme, j’ai le sentiment que le quartier<br />
reste imprégné d’une aventure commune :<br />
celle des années 1970. »<br />
(2) Maurepas est une commune des Yvelines, en limite sudouest<br />
de la zone agglomérée francilienne. Intégrée à la ville<br />
nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines jusqu’en 1984, la commune<br />
est assez représentative des zones pavillonnaires des<br />
franges de l’agglomération.<br />
Références bibliographiques:<br />
• BERGER Martine, « Les périurbains de<br />
Paris, de la ville dense à la métropole<br />
éclatée ?», CNRS Éditions, 2004, 317 p.<br />
• BERGER Martine, ROUGÉ Lionel, et alii,<br />
« Vieillir en pavillon : mobilités et<br />
immobilités des personnes âgées dans<br />
l’espace périurbain », rapport pour le<br />
Puca, 2008, 206 p.<br />
• BROCHET Annabelle, « Ville et campagne à<br />
l’épreuve des modes d’habiter. Approche<br />
biographique des logiques habitantes»,<br />
Thèse, université Paris I Panthéon-<br />
Sorbonne, 2006, tome I, 418 p.<br />
• Commissariat général au développement<br />
durable, « Type d’habitat et bien-être des<br />
ménages », Études et documents, n° 63,<br />
janvier 2012.<br />
• GOYON Marie et ORTAR Nathalie,<br />
« Désir de maison à l’aune du parcours<br />
résidentiel : Quelle promotion sociale<br />
dans le périurbain ? », Articulo, n°5,<br />
2009.<br />
• PERETTI-NDIAYE Marie et TREHIN-LALANNE<br />
Rémi, « Ville nouvelle, quarante ans<br />
après : les pionniers vieillissants de<br />
Maurepas », Articulo, n°5, 2009.<br />
• SENCÉBÉ Yannick, « Mobilités quotidiennes<br />
et ancrages périurbains : attrait pour la<br />
campagne ou retrait de la ville?» dans<br />
BONNET M. et OBERTEL P. (dir.), La ville<br />
aux limites de la mobilité, Paris, PUF,<br />
2006, pp.153-160.<br />
<strong>IAU</strong> île-de-France<br />
Les pionniers du Bois de Maurepas au début des années 1970.<br />
Bernard Estéva<br />
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