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Comprendre
Les Cahiers de l’IAU îdF
n° 161 - février 2012
Émilie Jarousseau
Philippe Montillet
Yann Watkin
IAU île-de-France
Le lotissement est, dès l’origine,
un phénomène urbain dont l’objet
est de continuer à faire de la ville,
voire d’en créer.
Habiter dans le périurbain
D’une procédure et d’un modèle
à une production de masse
Les villes ont historiquement connu un
mode de croissance relativement lent,
basé sur la densification du bâti et le prolongement
des axes routiers existants, notamment
depuis la capitale.
Au XIX e siècle, avec l’explosion démographique
et le développement du chemin de fer, la croissance
urbaine prend une tout autre dimension.
Les lotissements, la ville
et l’aménagement
Le lotissement, qui consiste à construire un
ensemble d’habitats ex nihilo, sur des terrains
considérés comme sans usage (anciennes
terres agricoles, domaines et parcs de châteaux),
est alors la procédure la plus adaptée
face à la croissance d’une banlieue qui se
constitue presque 100 fois plus vite que le Paris
intra-muros (1) . La croissance démographique,
liée à la migration des ruraux vers la capitale
pour les besoins de main-d’œuvre d’une industrie
naissante, nécessite la construction de nombreux
logements ouvriers. Le modèle du
pavillon avec son jardin répond à la recherche
d’un habitat spécifique pour une population
déracinée qui trouve dans une ville congestionnée
des logements généralement insalubres.
Parallèlement, les transports urbains (trains,
tramways), en changeant le rapport à l’espace
et au temps, accompagnent la séparation domicile/travail.
De nombreux quartiers se construisent
alors successivement et de manière multipolaire
autour des stations. Le lotissement est
un moyen de faire évoluer la ville, d’abord de
D. R.
L’histoire du lotissement commence
au XIX e siècle avec l’arrivée du chemin
de fer. Aux premières opérations
d’avant 1914 se substitue, avec
l’essor de l’industrie, une «marée
pavillonnaire» destinée aux plus
modestes. Il faudra attendre l’aprèsguerre
pour en corriger les nombreux
dysfonctionnements, et voir
aujourd’hui, une offre issue de quelques
grands opérateurs se diversifier
et s’adapter au gré des conjonctures,
des habitants comme des territoires.
façon pragmatique, puis de plus en plus encadrée.
Couramment qualifiée comme étant l’antinomie
de l’urbain, par sa consommation d’espace
et l’individualisme qu’il génère, cette
rupture n’est cependant pas perçue des premiers
lotisseurs qui opéraient déjà, depuis la
fin de l’Ancien Régime, autant sur les espaces
« libres » urbains qu’au-delà des enceintes de
la ville. Le lotissement est en fait, dès l’origine,
un phénomène urbain (2) dont l’objet est de
continuer à faire de la ville, voire d’en créer. La
terminologie de certaines opérations en
témoigne, comme le lotissement «Sablonville»,
première étape de la croissance du village de
Neuilly-sur-Seine. La taille de certaines opérations
est telle que les communes en prennent
le nom, comme Levallois-Perret, du nom de ses
lotisseurs, créée en 1866 ; Le Raincy, dont le lotissement
entraînera la création de la commune
en 1869 ; Le Vésinet, devenu une commune
autonome dès 1875, ou encore Le Perreux-sur-
Marne, détaché de Nogent-sur-Marne en 1887.
Paris passe, entre 1870 et 1910, de 2 à 3 millions
d’habitants. Cependant, en banlieue, contrairement
à ce qui se réalise dans la capitale avec
les réformes haussmanniennes (réflexions sur
IAU île-de-France
(1) Il a fallu plus de vingt siècles pour constituer le Paris
intra-muros et moins de deux pour une banlieue 10 fois supérieure
en surface. Voir Jean-Pierre Lecoin «L’habitat individuel
en région parisienne », in Urbanisme, n° 151, 1975.
(2) Parallélisme important entre les lois sur l’urbanisme
(en 1919, 1924, 1928, 1935) et celles sur les lotissements
(défectueux). Voir Jean-Pierre Demouveaux et Jean-Pierre
Lebreton, La naissance du droit de l’urbanisme, 1919-1935
« Gridauh», éditions du J.O. , Paris, 2007, p.10.