comptes-rendus des séances - Savoirs Textes Langage - Lille 3
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de facteurs premiers ; mais en même temps c’est ici le point où l’analogie, observée<br />
jusqu’ici, avec l’ancienne théorie menace de se rompre pour toujours. 41<br />
Pour retrouver l’unicité de cette décomposition, et par là prolonger l’analogie entre les<br />
nombres entiers rationnels et les entiers cyclotomiques, Kummer propose d’introduire <strong>des</strong><br />
facteurs idéaux. Ces facteurs idéaux sont en fait <strong>des</strong> nombres complexes qui n’appartiennent<br />
pas à l’ensemble <strong>des</strong> entiers cyclotomiques étudiés, mais dont l’utilisation permet de récupérer<br />
l’unicité de la décomposition en éléments irréductibles. Ainsi Kummer réussit à conserver<br />
l’analogie avec les entiers rationnels, mais au prix d’une sortie de l’ensemble de départ. Par<br />
ailleurs, Kummer ne donne pas de définition commune <strong>des</strong> facteurs idéaux.<br />
Dedekind va plus loin dans l’analyse du problème et règle la question de l’existence <strong>des</strong><br />
nombres idéaux. Dedekind considère à la place <strong>des</strong> facteurs idéaux premiers tous les éléments<br />
du domaine numérique de départ divisibles par ce facteur idéal. Sur le même principe,<br />
il "remplace" un élément du domaine numérique par l’ensemble de ces facteurs. Après avoir<br />
explicité le calcul sur ces nouveaux objets mathématiques, Dedekind développe une arithmétique<br />
sur ces systèmes de nombres semblable à celle de Z. En hommage aux facteurs idéaux<br />
de Kummer, Dedekind appelle ces systèmes <strong>des</strong> « idéaux ». Il montre en particulier que tout<br />
idéal premier se décompose de façon unique en produits d’idéaux premiers.<br />
L’élaboration de la notion d’idéal et d’une théorie générale <strong>des</strong> nombres algébrique a<br />
donc été guidée par l’analogie avec la théorie <strong>des</strong> nombres entiers rationnels, cette analogie<br />
étant pensée par Kummer, puis par Dedekind comme une unité <strong>des</strong> lois de divisibilité dans le<br />
domaine <strong>des</strong> nombres algébriques et celui <strong>des</strong> nombres rationnels. Dedekind parle également<br />
de correspondance, de conservation, de parfaite conformité <strong>des</strong> lois. Il s’agit donc d’une<br />
analogie qui met en correspondance la "structure" de la divisibilité <strong>des</strong> différents types de<br />
nombres lorsque cette correspondance existe (dans les anneaux factoriels) et qui, lorsque<br />
cette correspondance fait défaut, devient heuristique en donnant les jalons 42 d’une nouvelle<br />
théorie qui ferait apparaître une telle correspondance.<br />
Une analogie d’analogie Ainsi le rapport de l’analogie de proportion<br />
théorie <strong>des</strong> nombres algébriques théorie <strong>des</strong> fonctions algébriques<br />
=<br />
théorie <strong>des</strong> nombres rationnels théorie <strong>des</strong> fonctions rationnelles<br />
est certes une généralisation mais aussi une analogie. Et lorsque Dedekind et Weber se proposent<br />
de généraliser la théorie <strong>des</strong> fonctions rationnelles en une théorie <strong>des</strong> fonctions algébriques<br />
par analogie avec la théorie <strong>des</strong> nombres algébriques, ils font une analogie d’analogie.<br />
Cette analogie multiple se révèle particulièrement complète au sens où non seulement les<br />
définitions, les théorèmes ont leurs analogues mais pratiquement tous les résultats intermédiaires.<br />
C’est une analogie que l’on peut suivre pas à pas en changeant le mot nombre par<br />
celui de fonction !<br />
41 Dedekind R., "Sur la Théorie <strong>des</strong> Nombres entiers algébriques", Paris, Gauthier-Villars, 1877 in Über der<br />
Theorie der ganzen algebraischen Zahlen„ Braunschweig, Frier. Vieweg & Sohn, 1964, p. 263. (à repréciser<br />
cf. livre)<br />
42 L’analogie n’impose pas un chemin, elle est simplement un canevas. Kummer et Dedekind propose deux<br />
"tissage" différents pour répondre au défaut de factorialité de certains anneaux) et Kronecker en proposera un<br />
autre en 1882 dans ses Grundzüge.<br />
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