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SAVOIR Du coup, deux solutions : - si les biens doivent rester dans le domaine public, il faut les restituer à l’Etat. Dans ce cas, ADP deviendrait “un concessionnaire de droit privé bénéficiant d’une autorisation d’occupation temporaire (AOT) du domaine public”, (comme cela se fait déjà). - Mais ce régime pose visiblement problème et la solution retenue est de laisser les biens a ADP : dans ce cas, les biens devront être déclassés, autrement dit, ne plus appartenir au domaine public, c'est-à-dire à l’Etat, c'est-à-dire à nous, pauvres citoyens-propriétaires-contribuables… 5) une solution mixte L’Etat va en fait garder dans le domaine public (article 2 du projet) les biens qui lui sont nécessaires pour l’exercice des “missions de service public concourrant à l’activité aéroportuaire”. C'est-à-dire les tours de contrôle, certains bâtiments techniques, les radars, etc. La liste exacte devant être dressée par un décret en Conseil d’Etat. De plus, le rapporteur précise que l’Etat s’opposera (mais des dérogations seront possibles sous conditions) “à la cession, à l’apport ou à la création d’une sûreté sur tous les ouvrages et terrains nécessaires à la bonne exécution par ADP de ses missions de service public”. La liste de ces biens (pistes, aires de stationnement des avions, aérogares, installations de stockage de carburant, réseaux d’eau, de télécoms, de carburant…) sera inscrite dans le “cahier des charges” qui sera conclu entre l’Etat et ADP. 6) La loi prévoit que l’Etat sera majoritaire dans le capital Le rapporteur se réjouit du choix du gouvernement que la majorité du capital de la future SA soit entre les mains de l’Etat. Une privatisation totale selon lui, “se heurterait à des obstacles juridiques de nature constitutionnelle et européenne”. C’est bien là l’un des aspects les plus intéressants du débat. Essayons d’être clair. Le sénateur estime que le juge (le Conseil constitutionnel français) pourrait, dans le cas d’une détention majoritaire d’ADP par des capitaux privés, se prononcer sur la constitutionnalité d’une telle mesure, dans la mesure justement, où le neuvième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 (en vigueur) dispose que “tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir propriété de la collectivité”. Or, note le rapporteur, “le Conseil constitutionnel n’a pas établi, à ce jour, de jurisprudence probante en ce domaine, n’ayant jamais été saisi directement de la question de la privatisation par une loi d’une entreprise en situation de monopole”. Le sénateur Le Grand estime quant à lui, que “le caractère de service public national d’ADP n’est guère contestable”. “Guère”, si l’on suit bien le sénateur UMP, ça veut dire qu’il peut l’être au moins un peu… Cela pose la question à la fois de la définition d’un service public mais aussi la manière dont celuici peut être rendu (rappelons par exemple que, dans l’Europe 70 entière, les services de sécurité aériennes sont tous privés, sauf en France). Service public ou pas, rien n’implique la présence majoritaire de l’Etat. La production et la distribution d’eau, produit vital, beaucoup plus que le transport aérien, n’est-elle pas un service public ? Et ne fait-elle pas l’objet, dans notre pays qui en a fait un modèle admiré dans le monde entier, de “délégations de services publics”, le plus souvent à long terme, et assurées par des entreprises entièrement privées ? Ce qu’on fait pour l’eau ne serait donc pas valable pour faire atterrir des avions ? On regrettera ici l’absence de débat d’ampleur nationale sur ces sujets, qui ferait bien avancer les choses dans notre pays. Mais revenons au texte. Le sénateur fait état, en cas de privatisation complète d’ADP, d’éventuelles réactions de l’Union européenne (à juste titre). Il écrit : “sur le plan des exigences du droit communautaire, la détention d’ADP par des capitaux majoritairement privés pourrait être contestée sur le terrain des aides d’Etat et de la distorsion de concurrence, du fait même des conditions de la création de la société ADP par le présent projet de loi. La Commission européenne admet, en effet, que la puissance publique choisisse les modalités juridiques de son action, qui peuvent inclure la forme juridique de personne morale de droit privé. En revanche, si cette société devait devenir une entreprise à capitaux majoritairement privés, la Commission entreprendrait vraisemblablement de contrôler que les conditions dans lesquelles elle exploite les aérodromes franciliens respec- tent les règles de marché”. Voilà qui est clair ! Autrement dit, si ADP pouvait être majoritairement cédée à des capitaux privés, il faudrait certainement mettre en concurrence d’autres opérateurs aéroportuaires européens pour la propriété et l’exploitation de nos aéroports. Eh, eh… 7) ADP pourra vendre notamment des petits aéroports de la région parisienne L’article 3 du projet prévoit que si ADP vend tout ou partie d’un aérodrome fermé à la circulation aérienne, l’Etat recevra, aux termes d’une convention à venir, au moins 70 % des plus-values foncières réalisées. Le rapporteur note que cette disposition “pourrait concerner, éventuellement, à moyen terme, certains des petits aérodromes qu’exploite ADP”. Tiens, ça pourrait donner des idées au Conseil général du Val d’Oise pour racheter le petit aéroport de Pontoise, qui, si on s’en occupait bien, pourrait se développer, au plus grand bénéfice de l’ex Ville nouvelle… 8) La situation des personnels d’ADP Bien que le statut des personnels d’ADP relève du droit privé, celui-ci est actuellement défini par le conseil d’administration de l’établissement public, soumis au contrôle des ministres chargés de l’aviation civile. Ce qui en fait un statut à part (en vigueur depuis 1955) du droit commun, bien douillet, c’est bien connu. Le projet de loi est donc malin : d’un côté il conforte le statut actuel dans la mesure où le pro-
jet, dans son article 1 dit qu’il n’y a pas de création de nouvelle personne morale et donc pas de “conséquence sur le régime juridique auquel sont soumis les personnels”. Mais d’un autre côté, il n’a pas été donné suite à la demande de “certains syndicats représentant les personnels d’ADP” que “soient mentionnées dans le texte de la loi les normes d’application du statut du personnel”. Ce qui est rusé et ouvre la porte au recrutement “hors statut” de nouveaux personnels de la future SA ADP. Ca fera un peu comme pour France Télécom. Le gouvernement ne veut pas prendre le risque d’une remise en cause frontale du statut des personnels d’ADP. A partir du moment où ADP n’est plus, pour des raisons de fonds, visiblement, un établissement public, on peut se demander ce qui légitimerait un statut dérogatoire du droit commun et même pourquoi on conserverait un “statut”. Quelle différence il y a-t-il en effet entre un employé d’ADP, devenue entreprise “normale”, quel que soit le poste qu’il occupe (accueil, manutentionnaire, comptable, chauffeur de car, etc. et même encadrement et direction) et une autre entreprise privée “normale” (les deux se côtoyant d’ailleurs quotidiennement sur les plates formes) ? Au nom de quoi ? II- Les aéroports de province Il y a une bonne quinzaine d’aéroports situés en province, dont 11 dépassent le million de passagers par an (voir tableau). Parmi ceux-ci c’est Nice le plus grand avec 9.1 millions (contre plus de 50 millions pour CDG). Ces aéroports sont actuellement gérés par les Chambres de commerce, sous forme d’une délégation de service public. Les textes datent de 1933, en partie modifiés en 1997. Il se trouve que beaucoup de concessions arrivent à échéance. Le gouvernement veut en profiter pour réformer et moderniser ces gestions, sans qu’il ait à en garantir le passif, comme c’est le cas actuellement. En gros, vont être créées des sociétés de droit privé (les CCI y seront toutefois majoritaires) dans lesquelles les collectivités territoriales pourront être présentes ainsi que des partenaires privés. III - Un nouveau régime pour les redevances aéroportuaires Le gouvernement a souhaité redéfinir par cette loi, le mode de détermination des redevances versées par les exploitants aux autorités aéroportuaires. Une occasion pour faire ici le point sur ces fameuses “redevances” qui constituent la première source de revenu d’ADP (490 millions en 2003, soit 1/3 des recettes). Il existe deux types de redevances : 71 - les redevances “réglementées”, dont les tarifs sont soumis à l’Etat et qui rémunèrent des services aéroportuaires. Elles sont réparties en 5 types (voir tableau) - les redevances non réglementées (les redevances domaniales par exemple). Actuellement, pour les aéroports ayant un trafic supérieur à 200 000 passagers, les tarifs des redevances réglementées sont proposés aux ministres chargés de l’aviation civile et de l’économie, après avis de la Commission consultative économique (CCE), qui comprend outre ADP les compagnies aériennes et les organisations professionnelles du transport aérien. Les tarifs sont fixés pour chaque année, ce qui ne permet pas aux compagnies une visibilité suffisante dans le temps. Aussi le projet de loi a-t-il prévu d’ins- COMPRENDRE crire les évolutions des tarifs dans un cadre quinquennal, et de permettre de moduler le niveau des redevances. Autre innovation, le calcul du montant des redevances pourra désormais intégrer “la rémunération des capitaux investis ainsi que le provisionnement des sommes nécessaires aux investissements aéroportuaires à venir”. Les compagnies aériennes, groupées dans le Bar France (Board of Airline Representatives), nous ont confirmé leur intérêt pour cette formule, qui leur donne davantage de lisibilité. Les débats parlementaires : morceaux choisis Le projet de loi a fait l’objet de deux lectures : la première au Sénat, le 9 novembre dernier et à l’Assemblée les 9 et 10 mars 2005, la deuxième au Sénat, le 31 mars 2005, qui l’a adopté dans les mêmes termes que l’Assemblée. La loi a été promulguée le 20 avril. Un recours devant le Conseil constitutionnel a été déposé par le groupe socialiste de l’A.N. mais n’a pas abouti.
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