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ACTUELLES III. Chroniques algériennes, 1939-1958

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Albert Camus, <strong>ACTUELLES</strong> <strong>III</strong>. <strong>Chroniques</strong> <strong>algériennes</strong>, <strong>1939</strong>-<strong>1958</strong> (<strong>1958</strong>) 131<br />

tradition policière, a essayé de démontrer par intimidation que tout<br />

libéral était un traître, afin que la France ne s'avise pas de compter la<br />

justice généreuse au nombre de ses armes. Nos brillants conspirateurs<br />

ont seulement oublié qu'ils encourageaient en même temps les fellagha,<br />

en leur montrant que tant de Français, et parmi les plus honnêtes,<br />

étaient décidés à leur livrer de grand coeur l'Algérie. Mais je laisse à<br />

nos ministres le soin de tirer les conclusions nécessaires et de chercher<br />

les responsables. Je ne m'intéresse, quant à moi, qu'à la responsabilité<br />

du gouvernement lui-même.<br />

Je veux bien croire en effet que celui-ci n'a aucune part dans l'arrestation<br />

arbitraire de Jean de Maisonseul : mais dès l'instant où il la<br />

connaît et la déplore, il porte la responsabilité de la détention arbitraire<br />

où est encore [194] maintenu un innocent. À partir de là, rien<br />

n'excuse le gouvernement, et il faut porter à son compte chaque jour,<br />

chaque nuit et chaque heure de ce scandaleux emprisonnement. Ce<br />

n'est rien de regretter une injustice, il faut la réparer. Ce n'est pas<br />

tout que de frapper sur la table, il faut être obéi. Ou sinon on nous<br />

donnera une fois de plus le spectacle d'une autorité exténuée, traînée<br />

par les événements qu'elle prétend guider, privée de l'énergie de la<br />

paix comme de l'énergie de la guerre, et toujours violée au moment<br />

même où elle crie sa vertu.<br />

Les amis de Jean de Maisonseul, ni lui-même, ne peuvent se suffire<br />

de regrets exprimés à la cantonade. La réputation et la liberté d'un<br />

homme ne se payent pas en condoléances ni en nostalgies. Ce sont des<br />

réalités charnelles, au contraire, et qui font vivre ou mourir. Je dirai<br />

même qu'entre les assauts d'éloquence à la Chambre et l'honneur d'un<br />

homme l'urgence est à l'honneur, car l'intérêt du pays y est bien plus<br />

intéressé qu'au dialogue Dides-Cot. Il est temps en effet de le dire à<br />

des hommes qui parlent si souvent de restaurer l'esprit civique en<br />

France. Si rien n'est plus urgent sans doute, et si je ne suis pas le<br />

dernier à souffrir d'une certaine solitude française, il faut dire que<br />

cet esprit civique a disparu d'abord de nos milieux gouvernementaux,<br />

où le service publie est en [195] passe d'oublier sa dignité. L'entraînement,<br />

l'indifférence due à l'usure, la banalité des caractères, par-

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