ACTUELLES III. Chroniques algériennes, 1939-1958
ACTUELLES III. Chroniques algériennes, 1939-1958
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Albert Camus, <strong>ACTUELLES</strong> <strong>III</strong>. <strong>Chroniques</strong> <strong>algériennes</strong>, <strong>1939</strong>-<strong>1958</strong> (<strong>1958</strong>) 41<br />
projet avait été exécuté, les 900000 enfants indigènes qui se trouvent<br />
aujourd'hui sans école auraient été scolarisés.<br />
Pour des raisons que je n'ai pas à approfondir, il n'a pas été donné<br />
de suite à ce projet officiel. Le résultat, je le résumerai en un chiffre<br />
- aujourd'hui, un dixième seulement des enfants kabyles en âge de<br />
fréquenter l'école peuvent bénéficier de cet enseignement.<br />
Est-ce à dire que la colonie n'a rien fait à cet égard ? Le problème<br />
est complexe. Dans un récent discours, M. Le Beau a déclaré que plusieurs<br />
millions avaient été consacrés à [59] l'enseignement indigène.<br />
Or, les précisions que je vais maintenant donner prouvent sans contredit<br />
que la situation n'à pas été sensiblement améliorée. Il faut donc<br />
croire, pour parler net, que ces millions ont été mal dépensés et c'est<br />
ce que je me propose d'illustrer par des explications. Mais voyons<br />
d'abord la situation.<br />
Comme il est naturel, les centres économiques et touristiques sont<br />
bien desservis. Mais ce qui nous intéressé ici, c'est le sort des douars<br />
et de la population kabyle. Pourtant, on peut déjà noter que Tizi-<br />
Ouzou, qui possède une belle école indigène de 60D places, refuse 500<br />
écoliers par an.<br />
Dans une école des Oumalous que j'ai pu voir, les instituteurs devaient<br />
refuser en octobre une dizaine d'écoliers par classe. Et ces<br />
classes comptaient déjà des effectifs surchargés de 60 à 80 élèves.<br />
Aux Beni-Douala, on peut admirer une classe de 86 élèves où les<br />
enfants sont casés un peu partout, entre les bancs, sur l'estrade et<br />
quelques-uns debout. À Djemaâ-Saridj, une magnifique école de 250<br />
élèves en a refusé une cinquantaine en octobre. L'école d'Adni qui<br />
compte 106 élèves en a rejeté une dizaine, après avoir mis à la porte<br />
les enfants âgés de treize ans.<br />
[60] Autour de Michelet, la situation est, si j'ose dire, plus instructive.<br />
Le douar Aguedal, qui compte 11,000 habitants, a une seule