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ACTUELLES III. Chroniques algériennes, 1939-1958

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Albert Camus, <strong>ACTUELLES</strong> <strong>III</strong>. <strong>Chroniques</strong> <strong>algériennes</strong>, <strong>1939</strong>-<strong>1958</strong> (<strong>1958</strong>) 37<br />

Aux Ouadhias, le salaire agricole est de 6 à 8 francs. Les femmes<br />

touchent pour la cueillette d'olives de 3 à 5 francs, les ouvriers com-<br />

munaux de 10 à 11 francs, sur lesquels on retient aussi l'arriéré d'impôts.<br />

Dans la région de Maillot, pour une journée de travail illimitée, l'ouvrier<br />

touche de 9 à 10 francs. Pour la cueillette des olives, on a aussi<br />

institué un salaire familial de 8 francs au quintal d'olives récoltées.<br />

Une famille de 4 personnes récolte en moyenne deux quintaux dans une<br />

journée. Elle gagne donc 4 francs par personne.<br />

Dans la région de Sidi-Aïch, le salaire est de 6 francs, plus la galette<br />

et les figues. Une société agricole locale paye ses ouvriers 7 francs<br />

sans la nourriture. On pratique aussi le louage à 1 000 francs par an,<br />

plus la nourriture.<br />

Dans la plaine d'El-Kseur, région colonisée, l'homme touche 10<br />

francs, la femme 5 francs et l'enfant qu'on emploie à la taille de la<br />

vigne, 3 francs. Enfin, dans la région qui va de Dellys à Port-Gueydon,<br />

le salaire moyen est de 6 à 10 francs pour 12 heures de travail.<br />

J'arrêterai cette révoltante énumération sur [54] deux remarques.<br />

Tout d'abord, il n'y a jamais eu de réaction de la part des ouvriers. En<br />

1936 seulement, aux Beni-Yenni, des ouvriers occupés à construire une<br />

route, qui touchaient cinq francs par jour, ont fait grève et ont obtenu<br />

un cahier de charges qui fixait leur salaire à 10 francs. Ces ouvriers<br />

n'étaient pas syndiqués.<br />

Je noterai enfin que la durée injustifiable de la journée de travail<br />

se trouve aggravée du fait que l'ouvrier kabyle habite toujours loin du<br />

lieu de travail. Certains font ainsi plus de 10 kilomètres à l'aller et au<br />

retour. Et, rentrés à 10 heures du soir chez eux, ils en repartent à 3<br />

heures du matin, après quelques heures d'un sommeil écrasant. On me<br />

demandera ce qui les oblige à retourner chez eux. Et je dirai seulement<br />

qu'ils 'ont l'inconcevable prétention d'aspirer à quelques moments<br />

de détente au milieu d'un foyer qui demeure à la fois leur seule<br />

joie et le sujet de tous leurs soucis.

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