ACTUELLES III. Chroniques algériennes, 1939-1958
ACTUELLES III. Chroniques algériennes, 1939-1958
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Albert Camus, <strong>ACTUELLES</strong> <strong>III</strong>. <strong>Chroniques</strong> <strong>algériennes</strong>, <strong>1939</strong>-<strong>1958</strong> (<strong>1958</strong>) 76<br />
jet, relativement modeste, souleva un immense espoir parmi les popula-<br />
tions arabes. La quasi-totalité de ces masses, réunies dans le Congrès<br />
algérien, affirmait alors son accord. Les grands colons, groupés dans<br />
les Délégations financières et dans l'Association des maires d'Algérie,<br />
opérèrent une telle contre-offensive que le projet ne fut même pas<br />
présenté devant les Chambres.,<br />
Ce grand espoir déçu a naturellement entraîné une désaffection<br />
aussi radicale. Aujourd'hui, le gouvernement français propose à l'Algérie<br />
l'ordonnance du 7 mars 1944, qui reprend à peu près dans ses dispositions<br />
électorales le projet Blum-Viollette.<br />
Cette ordonnance, si elle était appliquée réellement, donnerait le<br />
droit de vote à près de 80,000 musulmans. Elle accorde aussi la suppression<br />
du statut juridique exceptionnel des Arabes, suppression<br />
pour laquelle les démocrates de l'Afrique du Nord ont lutté pendant<br />
des années. L'Arabe n'était en effet soumis ni au même code pénal que<br />
le Français, [112] ni aux mêmes tribunaux. Dm juridictions d'exception<br />
plus sévères et plus expéditives le maintenaient dans une sujétion<br />
constante. L'ordonnance a supprimé cet abus et cela est un grand bien.<br />
Mais l'opinion arabe, qui a été douchée, reste méfiante et réservée,<br />
malgré tout ce que ce projet comporte de bienfaisant. C'est que,<br />
l'histoire, justement, a marché. 'Il y a eu la défaite et la perte du<br />
prestige français. Il y a eu le débarquement de 1942 qui a mis les Arabes<br />
au contact d'autres nations et qui leur a donné le goût de la comparaison.<br />
Il y a enfin la Fédération panarabe, dont on ne petit ignorer<br />
qu'elle est une séduction perpétuelle pour les populations nordafricaines.<br />
Il y a enfin la misère qui accroît les rancoeurs. Tout cela<br />
fait qu'un projet qui aurait été accueilli avec enthousiasme en 1936, et<br />
qui aurait arrangé bien des choses, ne rencontre plus aujourd'hui que<br />
méfiance. Nous sommes encore en retard.<br />
Les peuples n'aspirent généralement au droit, politique que pour<br />
commencer et achever leurs conquêtes sociales. Si le peuple arabe