ACTUELLES III. Chroniques algériennes, 1939-1958
ACTUELLES III. Chroniques algériennes, 1939-1958
ACTUELLES III. Chroniques algériennes, 1939-1958
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
Albert Camus, <strong>ACTUELLES</strong> <strong>III</strong>. <strong>Chroniques</strong> <strong>algériennes</strong>, <strong>1939</strong>-<strong>1958</strong> (<strong>1958</strong>) 79<br />
Ce n'est pas un hasard. Cet esprit est en vérité pascalien par un<br />
mélange assez réussi de logique et de passion. Une formule comme cel-<br />
le-ci : « La France sera libre et forte de nos libertés et de notre for-<br />
ce » est dans le style français. C'est à notre culture que Ferhat Abbas<br />
la doit et il en est conscient.<br />
Il n'est pas jusqu'à son humour qui ne porte la même marque, quand<br />
il imprime en gros caractères, dans Égalité, cette petite annonce clas-<br />
sée : « Échangeons cent seigneurs féodaux de toutes races contre<br />
cent mille instituteurs et techniciens français. »<br />
Cet esprit cultivé et indépendant a suivi l'évolution qui a été celle<br />
de son peuple et il a traduit cet ensemble d'aspirations dans un manifeste<br />
publié le 10 février 1943 et qui fut [116] accepté par le général<br />
Catroux comme base de discussion.<br />
Que dit ce manifeste ? À la vérité, pris isolément, ce texte se borne<br />
à une critique précise de la politique française en Afrique du Nord<br />
et à l'affirmation d'un principe. Ce principe constate l'échec de la politique<br />
d'assimilation et la nécessité de reconnaître une nation algérienne,<br />
reliée à la France, mais munie de caractéristiques propres.<br />
« Cette politique d'assimilation, dit le manifeste, apparaît aujourd'hui<br />
aux yeux de tous comme une réalité inaccessible (c’est moi qui souligne)<br />
et une machine dangereuse mise au service de la colonisation. »<br />
Fort de ce principe, le manifeste demande pour l'Algérie une constitution<br />
propre, qui assurera aux Algériens tous les droits démocratiques<br />
et une représentation parlementaire personnelle. Un additif au manifeste,<br />
en date du 26 mai 1943, et deux textes plus récents d'avril et<br />
de mai 1945 ont précisé encore ce point de vue. Ils demandaient la<br />
reconnaissance, à la fin des hostilités, d'un État algérien, avec une<br />
constitution propre, élaborée par une assemblée constituante qui serait<br />
élue au suffrage universel par tous les habitants de l'Algérie.<br />
Le gouvernement général cesserait d'être alors une administration<br />
pour devenir un [117] véritable gouvernement où les postes seraient<br />
également répartis entre ministres français et ministres arabes.