Le docteur Dethève appelé en consultation par l'empereur ... - AFEC

Serge Franzini
Les documents ci-joints fourniront à Votre Excellence tous les renseignements
sur les conditions dans lesquelles cet événement a eu lieu.
Le 25 septembre, avait paru un décret signalant la maladie du souverain
et réclamant le concours de tous les médecins renommés de
l'Empire. Le jour même, j'écrivais officiellement au Zongli Yamen pour
mettre le docteur Dethève à la disposition du Gouvernement Chinois. Il
me fut répondu d'abord qu'un rapport serait fait au Trône, bien que,
jusqu'alors, la médecine européenne n'ait pas été employée dans des
cas de ce genre. Puis, par une seconde lettre, le Zongli Yamen m'informa
qu'à la suite du rapport qu'il avait reçu, l'Empereur avait décidé
d'accepter l'offre que j'avais faite. Rendez-vous était, en même temps,
fixé au médecin de la Légation, que des mandarins devaient venir
prendre pour le conduire au Palais. Les comptes rendus de cette visite,
faits par M. Vissière et M. Dethève, sont annexés à la présente dépêche.
Le résultat de la consultation est que le malade serait atteint d'une
néphrite chronique (mal de Bright), ainsi que je vous l'ai télégraphié le
21 courant. Il est difficile de se faire illusion sur la gravité de cette
constatation, qui laisserait peu de doute sur l'ouverture probablement
peu éloignée de la succession de Guangxu. L'Empereur, auquel il reste
assez d'intelligence et de lucidité d'esprit pour comprendre
l'insuffisance du traitement que les médecins chinois lui ont ordonné, a
pris soin d'énumérer, dans une note rédigée par lui-même, tous les
symptômes de sa maladie, tels qu'il les a observés. Je joins également
une traduction de cette pièce curieuse aux annexes de mon rapport, bien
qu'elle ait un caractère assez spécial. Elle serait particulièrement
intéressante pour qui voudrait comparer à la réserve habituelle des races
civilisées dans l'étude des manifestations intimes de l'organisme humain
l'absence complète de retenue de la race tartare.
L'appel d'un médecin français au palais a naturellement éveillé
beaucoup de curiosité dans les légations étrangères, dont plusieurs
n'auraient pas été fâchées sans doute d'avoir été l'objet de la préférence
qui nous a été accordée. Mais j'avais été le seul parmi mes collègues à
faire au Zongli Yamen la proposition qui a été acceptée, et nous avons
été par conséquent seuls à en bénéficier. Je n'ai fait connaître aux
membres du Corps Diplomatique le résultat de l'examen du docteur
Dethève que dans la limite où le permettait le secret professionnel.
Cependant, comme le Zongli Yamen s'est fait communiquer le
diagnostic et l'ordonnance rendus à la suite de la consultation, il est
probable que des indiscrétions auront révélé plus ou moins ce que je
n'avais cru pouvoir dire.
Veuillez agréer, Monsieur le Ministre (etc.).
S. Pichon.
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