Le docteur Dethève appelé en consultation par l'empereur ... - AFEC

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Serge Franzini Près d'un siècle plus tard, le 16 septembre 1793, Hugh Gillan, médecin de l'ambassade anglaise de Macartney, fut sollicité par Heshen, grand secrétaire ou « premier ministre » de l'empereur Qianlong. Heshen se plaignait depuis plusieurs années de douleurs articulaires d'allure inflammatoire et d'une hernie inguinale. Gillan précise dans ses notes annexées au journal de Macartney qu'il a lui-même examiné le ministre et a bien constaté la hernie. Il y a donc eu en cette occasion un examen physique du plus important des dignitaires du palais, proche de l'empereur Qianlong, et à sa propre demande. Dans ses notes, Gillan ne précise pas s'il y a eu traitement effectif pour cette hernie 29 . Revenant à Dethève, on voit que s'il n'est pas le premier médecin étranger convié à approcher un empereur de Chine, il paraît bien le premier à l'avoir été non pour un talent personnel particulier, mais pour sa formation et sa position de médecin. Dans les circonstances qui nous occupent il n'a été que le représentant de la médecine européenne, intervenant après les médecins impériaux et en concurrence avec les médecins chinois extérieurs au palais. L'empereur Guangxu est connu pour avoir été particulièrement maladif et féru de littérature médicale. Très préoccupé de sa santé, il a copié ou rédigé lui-même un certain nombre d'observations et d'ordonnances, qui font maintenant partie des documents curieux de la littérature médicale chinoise. Plusieurs des prescriptions de ses médecins attitrés, pour la même plainte de pertes séminales, ont été récemment publiées 30 . Elles sont données aujourd'hui sans date précise, mais d'après l'observation autographe déjà évoquée, qui peut être datée de 1907 31 , on sait que l'empereur a présenté cette plainte depuis l'âge de 14 ou 15 ans. 29 An Embassy to China — Being the Journal Kept by Lord Macartney During his Embassy to the Emperor Ch'ien-lung 1793-1794, Londres, Longmans, 1962, p. 283 (p. 279-303 : « Dr. Gillan's Observations on the State of Medicine, Surgery, and Chemistry in China »). 30 Cf. Chen Keji (éd.), Qingdai gongting yihua, p. 125-130, et Cixi Guangxu yifang xuanyi, p. 271-277. 31 Cf. Chen Keji (éd.), Qingdai gongting yihua, p. 125. 116
Le docteur Dethève et l'empereur Guangxu Rappelons que Guangxu est mort en novembre 1908, à l'âge de 36 ans, dans des circonstances soudaines mal élucidées, en même temps ou presque que mourait l'impératrice Cixi, et sans que l'on ait pu déterminer si l'une a eu un rôle dans la fin de l'autre. Dans la littérature médicale chinoise d'inspiration ancienne, les pertes séminales constituent un chapitre à part entière et sont régulièrement imputées à une défaillance de la fonction de rétention, de préservation, attribuée au rein. Dans le cadre des relations analogiques de l'ancienne médecine, une correspondance majeure entre le rein et les os conduit à envisager l'ensemble du squelette comme contenant et protégeant les moelles essentielles, au premier chef desquelles la moelle épinière et le cerveau. Toutes ces moelles résultent de l'activité du rein et sont en continuité avec la semence génitale. Dans cette perspective, l'émission séminale excessive conduit à un déficit essentiel, à un évidement de l'ossature, et l'on conçoit sans peine qu'affectant la personne de l'empereur ce trouble équivaut à une déliquescence de l'empire. Accepter l'intervention d'un médecin étranger dans ces circonstances difficiles témoigne d'un grand désarroi. Que cette intervention reste sans effet est finalement un moindre mal et peut-être même, pour certains, la marque d'une supériorité dans la faiblesse. On peut regretter que l'observation autographe détaillée, directement remise par l'empereur à Vissière lors de l'audience, soit aujourd'hui perdue. Cependant, on verra plus loin que des traductions ou transpositions partielles en ont été publiées en France quelque temps après, d'abord par Jean Hess en 1900, puis par George Soulié de Morant en 1911. Il ne faudrait pas ignorer qu'en Occident les pertes séminales ont fait pleinement et pareillement partie des questions médicales jusqu'au début du xx e siècle, voire jusque dans les années 1920-1930, sous diverses appellations telles que profluvium seminis, « phtisie dorsale » ou encore « consomption dorsale » (ce qui impliquait aussi une déperdition des moelles), enfin celle de « spermatorrhée ». Cette question des causes et du traitement des pertes séminales était donc encore débattue en 1898, mais par des auteurs secondaires ou déjà dépassés, car la séparation entre les fonctions urinaire et génitale était 117
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