Le docteur Dethève appelé en consultation par l'empereur ... - AFEC

Le docteur Dethève et l'empereur Guangxu
Pièce 9 : Récit d'Arnold Vissière deux ans plus tard
En 1900, après avoir obtenu une chaire à l'École des Langues Orientales
de Paris, donc ayant quitté ses fonctions consulaires à Pékin, Vissière
est venu rappeler cette consultation, son caractère exceptionnel et les
éléments qu'il estimait pouvoir en livrer lors d'une conférence, puis
dans une publication relativement discrète 22 .
[...] En dehors des réceptions officielles dont je viens de parler, je ne
connais qu'un seul cas d'audience privée accordée par l'empereur à
des étrangers. Ce fut lorsque le médecin de la légation de France, M. le
docteur Dethève, que j'accompagnais, fut appelé au palais pour y examiner
l'état de santé du jeune souverain. Les services de notre compatriote
avaient été offerts par le ministre de France et agréés. Une telle
visite était, cependant, contraire aux traditions les mieux enracinées de
la cour de Chine, où les soins à donner aux empereurs incombent aux
membres nombreux d'un collège impérial de médecine, qui doivent être
fort jaloux de leurs prérogatives et dont les principes touchant l'art de
guérir s'écartent fort assurément des méthodes suivies par nos praticiens.
L'audience eut lieu, cette fois, dans une chambre latérale à une
salle du trône située dans les Jardins de l'ouest. L'empereur Guangxu,
assis à l'une des extrémités de la chambre, avait devant lui une petite
table ; l'impératrice douairière Cixi lui faisait vis-à-vis, derrière une
table plus grande et couverte d'un riche tapis de soie jaune. La consultation
dura plus d'une heure et les deux étrangers n'eurent aussi qu'à se
louer des procédés courtois dont il ne cessèrent d'être l'objet tant de la
part du malade que de sa tante. Des princes, des eunuques, des serviteurs
assistaient seuls à l'audience et ne manquaient pas de s'agenouiller
auprès de leur auguste interlocuteur, dès que l'un des souverains leur
adressait la parole ou qu'ils avaient à lui parler. Ce fut, sans doute, la
seule occasion qu'ait eue jusqu'ici l'empereur actuel de converser directement
avec des Européens. Il passe, cependant, pour avoir eu la curiosité
d'apprendre un peu de français et d'anglais.
Atteint d'un mal peut-être incurable, l'empereur, dont le trentième
anniversaire doit être célébré avec une solennité particulière le 22 juillet
prochain 23 , — si le programme édicté peut être suivi, — a désigné derniè-
22 Arnold Vissière, Pékin, le palais et la cour, Caen, [s.éd.], 1900, p. 21-22.
23 L'empereur entrait dans sa trentième année aux derniers jours du sixième
113