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Cuisine et Politique: le plat national existe-t-il? - Revue des sciences ...

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Lu à lire<br />

172<br />

veaux rites, dans la vie paroissia<strong>le</strong>,<br />

certes, mais aussi à l’hôpital, dans la<br />

communauté gay, sur <strong>le</strong>s différents lieux<br />

où l’on est confronté à la mort, au plan<br />

<strong>national</strong> (cf. <strong>le</strong> rite de réconc<strong>il</strong>iation en<br />

Afrique du Sud), <strong>et</strong>c. Le devenir <strong>des</strong><br />

rites d’initiation est abordé à plusieurs<br />

reprises. Sur <strong>le</strong>s marges de la ritualité<br />

chrétienne <strong>il</strong> est question aussi de la corrida,<br />

<strong>des</strong> rites maçonniques ou du « baptême<br />

» républicain. Une réf<strong>le</strong>xion de<br />

fond est menée sur « l’enfant, obj<strong>et</strong> ou<br />

suj<strong>et</strong> du rite ? », sur <strong>le</strong>s phobies antiritualistes<br />

en m<strong>il</strong>ieu protestant, sur la<br />

dia<strong>le</strong>ctique entre rite <strong>et</strong> récit (G<strong>il</strong>bert<br />

Vincent), sur <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> <strong>des</strong> rites dans la<br />

construction de l’identité socia<strong>le</strong>, sur <strong>le</strong>s<br />

différences dans l’expression selon <strong>le</strong><br />

sexe (excusez : <strong>le</strong> genre !), surtout sur la<br />

sécularisation du rite <strong>et</strong> la tendance à<br />

donner la priorité à l’affirmation de<br />

l’identité personnel<strong>le</strong> au détriment de<br />

l’identité communautaire, sur <strong>le</strong> fait<br />

enfin que l’Église est de plus en plus<br />

perçue comme simp<strong>le</strong> pourvoyeuse de<br />

rites <strong>et</strong> non plus comme communauté<br />

d’appartenance. Des pistes sont bien<br />

entendu lancées en vue d’une me<strong>il</strong><strong>le</strong>ure<br />

adaptation de la ritualité aux divers<br />

contextes ecclésiaux. L’ensemb<strong>le</strong> est<br />

d’une grande richesse; <strong>il</strong> rend bien<br />

compte <strong>des</strong> problèmes que connaissent<br />

toutes <strong>le</strong>s communautés chrétiennes <strong>et</strong><br />

<strong>des</strong> tâtonnements par <strong>le</strong>squels el<strong>le</strong>s<br />

cherchent à y répondre.<br />

Pierre Erny<br />

David LE BRETON<br />

Éloge de la marche<br />

Paris, Méta<strong>il</strong>ié, 2000, 178 p.<br />

Une fois rentrés chez eux, <strong>le</strong>s marcheurs<br />

pourront désormais se dé<strong>le</strong>cter<br />

dans une analyse minutieuse de <strong>le</strong>ur<br />

expérience. Il y a certes toutes sortes de<br />

marcheurs, voire de simp<strong>le</strong>s promeneurs,<br />

car ce n’est pas la même chose de<br />

flâner dans <strong>le</strong>s rues de son quartier <strong>et</strong><br />

de faire à pied <strong>le</strong> traj<strong>et</strong> de Vézelay à<br />

Compostel<strong>le</strong> : mais chacun pourra se<br />

reconnaître, <strong>et</strong> se sentir visé au cœur, au<br />

détour de tel<strong>le</strong> ou tel<strong>le</strong> page. Dans ses<br />

nombreux ouvrages, l’auteur traite toujours<br />

d’une manière ou d’une autre du<br />

corps, mais ici <strong>il</strong> <strong>le</strong> fait hors de toute préoccupation<br />

scientifique. Il n’en reste<br />

pas moins un phénoménologue attentif<br />

<strong>et</strong> perspicace, ayant l’art de la formu<strong>le</strong>.<br />

La marche est ceci <strong>et</strong> el<strong>le</strong> est cela :<br />

« ouverture au monde », « dérobade »,<br />

« jouissance du temps <strong>et</strong> <strong>des</strong> lieux »,<br />

« pied de nez à la modernité »,<br />

« confrontation à l’élémentaire »,<br />

« forme de nostalgie <strong>et</strong> de résistance »,<br />

« expérience p<strong>le</strong>ine laissant à l’homme<br />

l’initiative », « méthode tranqu<strong>il</strong><strong>le</strong> de<br />

réenchantement de la durée <strong>et</strong> de l’espace<br />

», « expérience de liberté, réduisant<br />

l’immensité du monde, aux proportions<br />

du corps », « remède contre<br />

l’anxiété ou <strong>le</strong> mal de vivre », « activité<br />

anthropologique par excel<strong>le</strong>nce qui<br />

mob<strong>il</strong>ise en permanence <strong>le</strong> souci pour<br />

l’homme de comprendre, de saisir sa<br />

place dans <strong>le</strong> tissu du monde, de s’interroger<br />

sur ce qui fonde <strong>le</strong> lien aux<br />

autres ». Et pour <strong>le</strong> pè<strong>le</strong>rin el<strong>le</strong> est<br />

« longue prière effectuée par <strong>le</strong> corps ».<br />

Le mot qui revient partout <strong>et</strong> toujours<br />

sous la plume de D. L. B., <strong>et</strong> qui sans<br />

doute définit quelque part à ses propres<br />

yeux son parcours à lui, c’est : « chemins<br />

de traverse ». De René Ca<strong>il</strong>lié en route<br />

vers Tombouctou à Burton <strong>et</strong> Speke à la<br />

recherche <strong>des</strong> sources du N<strong>il</strong>, <strong>des</strong> compagnons<br />

du Tour de France aux ph<strong>il</strong>osophes<br />

péripatéticiens, <strong>des</strong> grands pè<strong>le</strong>rins<br />

d’autrefois <strong>et</strong> d’aujourd’hui aux<br />

gyrovagues athonites <strong>et</strong> aux légers lunggom-pa<br />

tibétains, l’expérience de l’homo<br />

viator est analysée en ses multip<strong>le</strong>s<br />

fac<strong>et</strong>tes avec érudition <strong>et</strong> empathie. Ce<br />

p<strong>et</strong>it livre enchantera tous ceux qui<br />

savent ce que marcher veut dire. Puiss<strong>et</strong>-<strong>il</strong><br />

nous « faire marcher » un peu plus,<br />

mais au bon sens du mot !<br />

Pierre Emy<br />

Ph<strong>il</strong>ippe Br<strong>et</strong>on<br />

Le culte de l’Intern<strong>et</strong>.<br />

Une menace pour <strong>le</strong> lien<br />

social ?<br />

Paris, La Découverte, 2000,<br />

127 p.<br />

Dans ce p<strong>et</strong>it livre, Ph<strong>il</strong>ippe Br<strong>et</strong>on,<br />

qui est l’un <strong>des</strong> chercheurs français <strong>le</strong>s<br />

plus représentatifs dans <strong>le</strong> domaine de<br />

la communication, nous invite au débat.<br />

Intern<strong>et</strong> est un dispositif technique qui,<br />

pour la première fois dans l’histoire de<br />

l’humanité, perm<strong>et</strong> aux hommes de communiquer<br />

entre eux presque à volonté,<br />

simultanément <strong>et</strong> en temps réel, tout en<br />

<strong>le</strong>s dispensant de tout contact direct.<br />

C<strong>et</strong> out<strong>il</strong> sans précédent, qui étend <strong>le</strong>s<br />

possib<strong>il</strong>ités de communication tout en<br />

accroissant paradoxa<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s risques<br />

d’iso<strong>le</strong>ment individuel, est aujourd’hui<br />

l’enjeu d’un discours inquiétant, qui<br />

prône une « société mondia<strong>le</strong> de l’information<br />

» dans laquel<strong>le</strong> <strong>le</strong> lien social<br />

serait fondé sur la séparation <strong>des</strong> corps<br />

<strong>et</strong> la col<strong>le</strong>ctivisation <strong>des</strong> con<strong>sciences</strong><br />

dans <strong>le</strong> « cyberespace ». Ce discours, qui<br />

s’adosse sur un paradigme scientifique,<br />

celui de la théorie de l’information,<br />

prend dans certains écrits <strong>des</strong> accents<br />

visionnaires qui font de l’Intern<strong>et</strong> la<br />

cathédra<strong>le</strong> virtuel<strong>le</strong> d’une nouvel<strong>le</strong> religion.<br />

Mais une religion sans Dieu <strong>et</strong> sans<br />

humanité.<br />

L’ouvrage se présente comme une<br />

analyse de ce discours, que Br<strong>et</strong>on repère<br />

chez <strong>des</strong> essayistes <strong>et</strong> ph<strong>il</strong>osophes<br />

comme Ph<strong>il</strong>ippe Quéau ou Pierre Lévy,<br />

chez <strong>des</strong> informaticiens ou dirigeants<br />

d’entreprises comme <strong>le</strong> très médiatisé<br />

B<strong>il</strong>l Gates. Pour ces auteurs <strong>et</strong> d’autres,<br />

que l’on r<strong>et</strong>rouve au chev<strong>et</strong> <strong>des</strong> dirigeants<br />

politiques <strong>le</strong>s plus importants,<br />

comme l’ex-vice-président <strong>des</strong> États-<br />

Unis Al Gore, <strong>le</strong>s nouvel<strong>le</strong>s technologies<br />

de l’information <strong>et</strong> de la communication<br />

préparent un monde me<strong>il</strong><strong>le</strong>ur, enfin pacifié,<br />

harmonieux, transparent. Pour perm<strong>et</strong>tre<br />

d’instaurer ce monde idéal, la<br />

communication doit être libre, <strong>et</strong> porter<br />

sur tout : toute information est bonne,<br />

quel<strong>le</strong> que soit son contenu, car sa va<strong>le</strong>ur<br />

se mesure à sa capacité à se déployer.<br />

Inversement, toute rétention d’information,<br />

tout secr<strong>et</strong>, <strong>et</strong> même toute intimité,<br />

sont suspects d’une volonté archaïque de<br />

se distinguer <strong>et</strong> de conserver un pouvoir.<br />

À la limite, <strong>le</strong> seul fait que <strong>des</strong> actes<br />

soient visib<strong>le</strong>s, ou comme dans <strong>le</strong> piratage<br />

informatique, <strong>le</strong> fait qu’<strong>il</strong>s m<strong>et</strong>tent<br />

au jour <strong>des</strong> informations cachées, suffit<br />

à <strong>le</strong>s justifier mora<strong>le</strong>ment.<br />

Le déplacement de va<strong>le</strong>urs qu’opère<br />

ce discours éclaire <strong>le</strong>s débats actuels<br />

dans <strong>le</strong> domaine du droit : comme <strong>le</strong><br />

montrent <strong>le</strong>s réactions à la récente<br />

condamnation de Yahoo! par un tribunal<br />

français, une grande partie <strong>des</strong> internautes<br />

sont persuadés qu’Intern<strong>et</strong> est un<br />

univers qui doit échapper à la Loi, même<br />

s’<strong>il</strong> s’agit, en l’occurrence, de la circulation<br />

d’obj<strong>et</strong>s de propagande nazie. Le<br />

culte de l’Intern<strong>et</strong> doit évidemment une<br />

partie de son succès à sa connivence avec<br />

<strong>le</strong>s positions ultralibéra<strong>le</strong>s d’un certain<br />

nombre de gran<strong>des</strong> entreprises<br />

confiantes dans <strong>le</strong>s seu<strong>le</strong>s règ<strong>le</strong>s du mar-<br />

ché <strong>et</strong> hosti<strong>le</strong>s aux interventions <strong>des</strong><br />

États. Mais <strong>il</strong> est plus gravement une<br />

atteinte à une certaine conception de la<br />

société <strong>et</strong> de l’homme lui-même. L’être<br />

humain y est conçu comme un<br />

« ensemb<strong>le</strong> d’informations », ce qui ne <strong>le</strong><br />

distingue donc pas essentiel<strong>le</strong>ment<br />

d’autres ensemb<strong>le</strong>s de comp<strong>le</strong>xité comparab<strong>le</strong><br />

que sont <strong>le</strong>s animaux <strong>et</strong> <strong>le</strong>s<br />

machines. Si la pensée est un programme,<br />

<strong>et</strong> la paro<strong>le</strong> une instruction, l’homme<br />

est une entité sans intérieur, <strong>et</strong> <strong>le</strong> col<strong>le</strong>ctif<br />

ne laisse pas d’interstice pour l’individuel.<br />

La métaphore d’un espace intérieur<br />

en partie caché à l’individu qui <strong>le</strong><br />

porte <strong>et</strong> qui, de Saint Augustin à Freud,<br />

traverse toute la pensée occidenta<strong>le</strong>, est<br />

ici balayée par un culte de la transparence<br />

qui puise dans l’héritage de Te<strong>il</strong>hard<br />

de Chardin, dans <strong>le</strong>s courants New<br />

Age inspirés de la contre-culture <strong>des</strong><br />

années soixante, <strong>et</strong> dans <strong>des</strong> récupérations<br />

hasardeuses du bouddhisme zen.<br />

Ce discours rem<strong>et</strong> en question trois<br />

p<strong>il</strong>iers de notre civ<strong>il</strong>isation : l’héritage<br />

monothéiste juif de la Loi, l’importance<br />

conférée depuis la naissance de la démocratie<br />

en Grèce à la paro<strong>le</strong>, <strong>et</strong> enfin la<br />

représentation chrétienne de l’homme<br />

comme individu doté d’une intériorité.<br />

Ces trois thèmes se sont détachés de <strong>le</strong>ur<br />

contextes historique <strong>et</strong> géographique<br />

d’origine pour acquérir va<strong>le</strong>ur d’universaux,<br />

au moins dans <strong>le</strong>s sociétés occidenta<strong>le</strong>s.<br />

Le débat auquel invite Ph<strong>il</strong>ipe<br />

Br<strong>et</strong>on est donc bien un débat sur <strong>le</strong><br />

devenir de l’humanisme dans la postmodernité.<br />

Certes, parce qu’<strong>il</strong> a d’abord pour<br />

enjeu de dénoncer un discours, l’ouvrage<br />

ne fait pas dans la nuance. Pour commencer,<br />

traitant essentiel<strong>le</strong>ment d’un<br />

discours, <strong>et</strong> même si celui-ci est diffusé<br />

largement dans <strong>le</strong>s m<strong>il</strong>ieux dirigeants<br />

économiques <strong>et</strong> politiques, <strong>il</strong> laisse<br />

ouverte la question <strong>des</strong> pratiques réel<strong>le</strong>s,<br />

individuel<strong>le</strong>s <strong>et</strong> col<strong>le</strong>ctives. La majorité<br />

<strong>des</strong> internautes considèrent-<strong>il</strong>s vraiment<br />

que l’essentiel de <strong>le</strong>ur vie se passe sur<br />

<strong>le</strong> Réseau ? Ont-<strong>il</strong>s vraiment envie de se<br />

fondre dans une vaste conscience universel<strong>le</strong><br />

? Les êtres humains ne sont-<strong>il</strong>s<br />

pas capab<strong>le</strong>s de réceptionner ce discours<br />

en <strong>le</strong> discutant <strong>et</strong> (même s’<strong>il</strong>s n’en<br />

discutent pas) en l’interprétant, puisque<br />

précisément <strong>il</strong>s ont une capacité<br />

argumentative <strong>et</strong> une intériorité ?<br />

Ensuite, dans l’analyse même du discours,<br />

Ph<strong>il</strong>ippe Br<strong>et</strong>on montre comment<br />

une pensée qui quitte son registre scientifique<br />

d’origine peut bascu<strong>le</strong>r dans<br />

l’idéologie quand el<strong>le</strong> est transposée sans<br />

contrô<strong>le</strong> dans un autre registre. Des précédents<br />

de tel<strong>le</strong>s récupérations<br />

idéologiques <strong>existe</strong>nt : <strong>le</strong> marxisme en<br />

sait quelque chose. Faut-<strong>il</strong> pour autant<br />

j<strong>et</strong>er <strong>le</strong> bébé avec l’eau du bain ? La<br />

« théorie de l’information » garde une<br />

pertinence en tant qu’hypothèse scientifique,<br />

y compris dans <strong>le</strong>s <strong>sciences</strong><br />

humaines, <strong>et</strong> <strong>il</strong> me semb<strong>le</strong> nécessaire de<br />

ne pas la confondre avec l’idéologisation<br />

à laquel<strong>le</strong> el<strong>le</strong> prête. De même, <strong>le</strong> processus<br />

de production de c<strong>et</strong>te idéologie<br />

s’adosse sur une référence à certains courants<br />

religieux, qui cependant ne peuvent<br />

être confondus avec el<strong>le</strong>, <strong>et</strong> d’a<strong>il</strong><strong>le</strong>urs ne<br />

s’y reconnaîtraient peut-être pas. Je<br />

pense en particulier au bouddhisme zen,<br />

cité fréquemment par Ph<strong>il</strong>ippe Br<strong>et</strong>on<br />

mais qui, à la différence d’autres doctrines<br />

auxquel<strong>le</strong>s <strong>il</strong> consacre un chapitre,<br />

ne fait l’obj<strong>et</strong> d’aucun développement.<br />

Il me paraît important de distinguer<br />

entre l’évaluation scientifique d’une<br />

théorie, d’une part, une réf<strong>le</strong>xion ph<strong>il</strong>osophique<br />

ou religieuse sur la question<br />

du sacré, de l’autre, <strong>et</strong> enfin l’approche<br />

anthropologique <strong>et</strong> sociologique d’un<br />

processus par <strong>le</strong>quel, une pensée, qu’el<strong>le</strong><br />

soit scientifique ou métaphysique,<br />

peut glisser dans l’idéologique. Car, c’est<br />

en définitive <strong>le</strong> risque principal auquel<br />

l’auteur s’expose lui-même : <strong>le</strong> débat initié<br />

serait condamné à n’être qu’un<br />

affrontement si on se contente d’opposer<br />

au « culte de l’Intern<strong>et</strong> » une position<br />

« humaniste » ne fonctionnant el<strong>le</strong><br />

aussi que comme un credo.<br />

Ces réserves faites, l’ouvrage de Ph<strong>il</strong>ippe<br />

Br<strong>et</strong>on est bienvenu, <strong>et</strong> même<br />

indispensab<strong>le</strong>, en l’état actuel du débat<br />

de société sur Intern<strong>et</strong> : <strong>le</strong>s réactions<br />

offusquées d’une grande partie <strong>des</strong><br />

internautes à la condamnation de<br />

Yahoo! montrent qu’on ne peut plus<br />

laisser, sans réagir, courir l’idée qu’Intern<strong>et</strong><br />

serait un monde au <strong>des</strong>sus <strong>des</strong><br />

lois. Le signal d’alarme était donc nécessaire.<br />

Certes, la réf<strong>le</strong>xion doit pour ma<br />

part être poursuivie, mais n’était-ce pas<br />

l’enjeu principal de c<strong>et</strong> ouvrage que de<br />

nous y engager ?<br />

Patrick Schmoll<br />

Dominique WOLTON<br />

Intern<strong>et</strong>, <strong>et</strong> après ? Une<br />

théorie critique <strong>des</strong> nouveaux<br />

médias<br />

Paris, Flammarion (Champs),<br />

2000, 240 p.<br />

Le <strong>le</strong>cteur est un peu surpris, voire<br />

déçu, de ne pas r<strong>et</strong>rouver dans <strong>le</strong> contenu<br />

de ce livre une réf<strong>le</strong>xion spécifique<br />

sur Intern<strong>et</strong> que <strong>le</strong> titre semblait pourtant<br />

annoncer. Pour penser <strong>le</strong>s nouveaux<br />

médias, Dominique Wolton nous invite<br />

en eff<strong>et</strong> à <strong>le</strong>s replacer dans une théorie<br />

généra<strong>le</strong> de la communication, <strong>et</strong> c’est<br />

donc essentiel<strong>le</strong>ment <strong>des</strong> médias en<br />

général qu’<strong>il</strong> traite, avec en fait <strong>des</strong><br />

développements plus importants sur la<br />

télévision <strong>et</strong> la construction <strong>des</strong> identités<br />

en Europe que sur <strong>le</strong>s questions que<br />

suscite Intern<strong>et</strong>.<br />

C<strong>et</strong>te réserve faite, <strong>et</strong> bien que c<strong>et</strong><br />

écart ait pour résultat d’affaiblir la portée<br />

de l’ouvrage sur <strong>le</strong> thème spécifique<br />

<strong>des</strong> nouvel<strong>le</strong>s technologies de communication,<br />

sa <strong>le</strong>cture est stimulante <strong>et</strong><br />

invite à la réf<strong>le</strong>xion <strong>et</strong> au débat. Dominique<br />

Wolton, qui trava<strong>il</strong><strong>le</strong> depuis vingt<br />

ans sur <strong>le</strong> statut de la communication<br />

dans nos sociétés, expose ici <strong>le</strong>s linéaments<br />

d’une théorie claire <strong>et</strong> articulée.<br />

Comprendre la place <strong>et</strong> <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> de la<br />

communication dans une société signifie<br />

analyser <strong>le</strong>s relations existant entre <strong>le</strong>s<br />

techniques de communication <strong>et</strong> <strong>le</strong>s<br />

dimensions culturel<strong>le</strong>s <strong>et</strong> socia<strong>le</strong>s de la<br />

communication. Lorsqu’une innovation<br />

technique en matière de communication<br />

se présente comme une «révolution»,<br />

c’est qu’en fait el<strong>le</strong> rencontre <strong>et</strong> sert de<br />

véhicu<strong>le</strong> à une mutation culturel<strong>le</strong> <strong>et</strong><br />

socia<strong>le</strong> dans <strong>le</strong>s modè<strong>le</strong>s de communication.<br />

Ce n’est pas l’imprimerie, par<br />

exemp<strong>le</strong>, qui a en soi a bou<strong>le</strong>versé l’Europe,<br />

c’est <strong>le</strong> fait que <strong>le</strong> livre imprimé ait<br />

permis un profond mouvement de remise<br />

en cause de l’Église : c’est la Réforme<br />

qui a donné son sens à la révolution<br />

de l’imprimerie.<br />

La radio dans <strong>le</strong>s années 20 <strong>et</strong> la télévision<br />

dans <strong>le</strong>s années 60 ont pare<strong>il</strong><strong>le</strong>ment<br />

été <strong>des</strong> révolutions parce qu’el<strong>le</strong>s<br />

ont exprimé <strong>le</strong> triomphe de l’individualisme<br />

<strong>et</strong> de la démocratie de masse,<br />

dont el<strong>le</strong>s ont été en même temps <strong>le</strong>s<br />

173<br />

<strong>Revue</strong> <strong>des</strong> Sciences Socia<strong>le</strong>s, 2001, n° 28, nouve@ux mon<strong>des</strong> ?

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