Document PDF - ECA - Enseignement catholique actualites

Actus/ éducation
Primaire : des recommandations pour changer
La Cour des comptes souhaite en finir
avec l’égalitarisme, facteur d’inégalité
Quatre élèves sur 10 qui quittent l’école primaire avec
de sérieuses lacunes dans les compétences de base ;
une école qui ne parvient pas à corriger l’inégalité
des chances entre élèves issus de milieux sociaux différents
mais qui les creuse ; des enquêtes internationales qui révèlent
que la France recule par rapport aux pays voisins…
: le constat établi par l’Institut Montaigne
dans un rapport rendu public le 5 mai dernier 1
n’est pas nouveau.
Pour remédier à ces dysfonctionnements mis en
évidence en 2007 par le Haut Conseil de l’Éducation,
le club de réflexion avance une série de propositions
qui doivent mettre l’intérêt des élèves au
cœur du dispositif. Elles visent ainsi à « réorganiser
l’école sur la base des cycles et non plus des
classes ». Cela permettrait de réduire les redoublements
coûteux, inutiles et dangereux et de mettre l’accent
sur la prise en charge des élèves en difficulté. D’autres
recommandations invitent à repenser le temps scolaire :
abandon de la semaine de quatre jours, allongement de l’année
scolaire. Côté enseignants, le rapport plaide, entre
autres, pour un renforcement de la formation
continue des professeurs des écoles qui ne
devrait plus être suivie sur le temps de classe. Il
invite aussi à mettre en place un véritable statut
des directeurs d’école et à doter ceux-ci d’un réel
pouvoir de pilotage de leur établissement. Ils
pourraient ainsi, suggère l’Institut Montaigne,
constituer eux-mêmes leurs équipes, et en assurer
l’animation. Marie Oury
1. Disponible au format PDF à l’adresse : www.institutmontaigne.org
Rien ne justifie que les Polonais ou les Allemands aient
rattrapé, puis dépassé les Français, rien sauf leur gestion
différente du système éducatif. Il n’y a pas de fatalité
française, il y a en revanche une mauvaise organisation
de l’école », a lancé le 12 mai dernier Didier Migaud. En
s’attaquant, à l’occasion de la publication d’un rapport intitulé
L’éducation nationale face à l’objectif
de la réussite de tous les élèves 1 , à la sacrosainte
égalité républicaine, le Premier président
de la Cour des comptes a lancé un beau
pavé dans la mare. Ce rapport est le résultat
de plus de deux ans de travail, incluant une
enquête menée dans les établissements scolaires
de six académies ainsi que dans trois
pays étrangers (Royaume-Uni, Suisse,
Espagne). « La France est le pays […] où
l’impact de l’origine sociale sur les résultats
des élèves est le plus élevé, […] de l’ordre
du double de celui du Japon ou du
Canada. »En cause, selon les conseillers de
la 3 e chambre 2 : la rareté et l’imprécision de
ses indicateurs, mais plus encore, l’organisation
du système scolaire. Parce qu’il empile directives et
réformes sans tenir compte des besoins de l’élève ni vérifier
sur le terrain l’efficacité d’une réforme, le système scolaire
français produit de l’échec et creuse les inégalités, estime la
Cour des comptes.
« Nos difficultés ne viennent pas des moyens financiers disponibles,
mais bien de l’inadaptation du système éducatif
qui n’est pas suffisamment orienté vers les besoins des
élèves, estime Didier Migaud. Le ministère privilégie une
gestion uniforme des établissements et de ses personnels
plutôt que d’adapter les missions des enseignants et l’organisation
administrative aux publics dont il a la charge. […]
Ces choix d’organisation ne permettent pas à notre système
éducatif de réduire suffisamment les inégalités. » Un changement
dans la gestion du système s’impose, selon la Cour. Il
s’agit « de passer d’une logique de gestion par une offre
scolaire uniforme et inefficace… à une logique de gestion
par la demande scolaire, c’est-à-dire fondée sur la prise
en compte des besoins très différents des élèves », via
« une allocation fortement différenciée des moyens d’enseignement
» et « une augmentation de la
responsabilité des établissements », car
aujourd’hui, « l’égalitarisme de notre système
maintient l’inégalité ». Plus particulièrement,
le rapport propose d’« [a]ccroître la
part des financements allouée à l’école primaire,
en privilégiant le traitement de la difficulté
scolaire », où l’échec est déjà en germe.
Il invite à partir « des besoins des élèves »,
alors qu’ils devraient être au centre du système,
en commençant par une révision du
temps et des rythmes scolaires, et par la mise
en place pour les enseignants du second degré
d’« un cadre réglementaire conforme à la
diversité de leurs missions […] qui comprennent
l’enseignement disciplinaire, la coordination
des équipes pédagogiques et l’accompagnement
personnalisé […] ».
Reste, après ce rapport, à passer des critiques à un véritable
projet pour l’école. Jugé par certaines organisations syndicales,
trop souvent négatif et parfois excessif ou contestable,
il contient pourtant d’utiles rappels, en particulier sur
une démocratisation qui reste inachevée, sur l’orientation
trop disparate entre académies, sur les rythmes scolaires ou
sur l’accompagnement des élèves qui doit être généralisé ou
intégré au temps scolaire. AS
D. R.
1. Disponible au format PDF à l’adresse : www.ccomptes.fr/fr/CC/Theme-205.html
2. La 3 e chambre de la Cour des comptes exerce le contrôle des comptes et de la gestion des
ministères chargés de l’éducation, de la culture et de la recherche, de la jeunesse et des sports
et du secteur public de l’audiovisuel.
18 Enseignement catholique actualités N° 337, juiN-juillet 2010