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syntaxe et le niveau de langue, même
s’il est pauvre. Autre nouveauté : pour la
traduction des Fioretti, le recueil le plus
connu sur François, nous sommes partis
du texte latin qui n’avait jamais été traduit
en français. On ne connaissait que
la traduction d’une version abrégée,
fixée en toscan. La traduction littérale
restitue aujourd’hui la beauté du texte.
Un appareil critique est aussi là pour
guider le lecteur…
J. D. : Nous avons confié les introductions
aux meilleurs spécialistes
français et étrangers qui offrent de
manière simple des clefs de lecture
nouvelles. C’est d’ailleurs la première
fois qu’une entreprise de ce genre a une
dimension internationale affirmée. Les
lieux, personnages et faits historiques
sont identifiés en notes. Sans compter
les annexes qui rassemblent quelques
trésors. C’est le cas des tables de
concordance entre les légendes franciscaines
qui figuraient déjà dans le « petit
livre bleu ». Les voici complétées et
enrichies. Elles permettent de comparer
les diverses versions d’un même
épisode pour se faire une idée sur l’origine
de l’information et la stratégie des
rédactions successives. Autre exemple,
le schéma qui présente la généalogie
simplifiée des principales légendes
franciscaines. il m’aura fallu vingtquatre
ans de travail pour être capable
de le mettre au point !
Cet ouvrage d’une grande qualité
scientifique n’est-il pas réservé
à des spécialistes ?
J. D. : Pas d’avantage que la Bible de
Jérusalem ou la TOB me semble-t-il.
Le Totum va réjouir, bien sûr, toute la
communauté franciscaine francophone.
Mais celui qui s’est approché
au plus près du Christ, jusqu’à recevoir
ses stigmates, touche tous les chrétiens.
Quant aux historiens, ils trouveront
là un recueil de sources incroyable
qui traite de tous les aspects de la vie au
xiii e siècle.
Au-delà de ces publics ciblés, le questionnement
de François intéresse tout
homme selon vous…
J.D. : Oui, celui qui a tenté de
repenser les rapports sociaux sur
la base d’une économie de l’usage
« François s’interroge
sur les questions essentielles :
les rapports de domination,
le travail, la justice.
Autant de thèmes remis
au goût du jour par la crise. »
pauvre, d’un gouvernement de service,
de la paix, d’une harmonie de la
création intéresse tous les hommes de
bonne volonté. François s’interroge
sur les questions essentielles : les rapports
de domination, le travail, la justice.
Autant de thèmes remis au goût
du jour par la crise. Contrairement
aux idées reçues, François n’était pas
un naïf. Jusqu’à 25 ans, il fut un habile
marchand. il sortirait aujourd’hui
d’HEC. Et voilà qu’un beau jour de
1206, cet homme se met nu devant
l’évêque d’Assise pour signifier sa
conversion. Quelle stupéfaction pour
ses proches ! Je vous invite à lire la
meilleure biographie publiée sur lui à
ce jour, celle d’André Vauchez 3 .
Vous cheminez depuis de longues
années avec le Poverello. Qu’est-ce
qui vous touche le plus en lui ?
J. D. : Sa quête de Dieu. Son désir
de suivre le Christ au plus près. Sa
folie pour le Christ. Cela, c’est évident.
Mais aussi le sentiment de responsabilité
qu’il ressent à l’égard de
ceux qui l’ont suivi et qui, d’une certaine
manière, le gênent. Si François
éprouve la nostalgie des origines, il ne
peut se résoudre à les abandonner.
C’est ce qui le déchire. D’autant que
passer de 12 à 3 000 frères nécessite de
faire bien des compromis. Si Florence
pouvait nourrir 12 va-nu-pieds, aucune
ville ne pouvait subvenir aux besoins
d’un chapitre qui réunit 3 000 frères !
Très vite, il a fallu se doter d’une règle,
instruire les frères pour qu’ils soient
capables de défendre les dogmes
contre les hérésies... Autant de décisions
qui éloignent la communauté de
son idéal. Et en même temps, François
est un conquérant : ce succès, il l’a
voulu. La question franciscaine naît de
cette tension entre utopie et réalité de
l’Ordre et de l’Église.
Comment aborder François d’Assise
avec les élèves ?
J. D. : Rien de plus facile. il faut, par
exemple, lire aux écoliers le Cantique
de frère Soleil et les inviter à l’illustrer
avec des dessins. « Loué sois-tu, mon
Seigneur, par notre sœur mère Terre,
laquelle nous sustente et gouverne »…
N’est-ce pas magnifique ? Avec les
collégiens, j’étudierais l’histoire du
loup de Gubbio qui traite du problème
de la délinquance. Elle figure dans les
Actes du bienheureux François et de
ses compagnons (les fameux Fioretti).
Un loup terrorise toute une cité. Que
faire ? François opte pour la fermeté
sans humilier le fauve, qu’il reconnaît
comme son frère, et il rétablit la paix.
Tout ministre de l’intérieur devrait
s’en inspirer. C’est du grand saint
François. Enfin, les lycéens pourraient
méditer sur sa lettre à frère Léon que
j’aime énormément. Elle ne comporte
que trois phrases dont le sens n’apparaît
que petit à petit. il écrit : « […] de
quelque manière qu’il te semble meilleur
de plaire au Seigneur Dieu et de
suivre ses traces et sa pauvreté, faitesle
4 avec la bénédiction du Seigneur
Dieu et mon obéissance. » C’est un
appel formidable à la liberté et l’initiative
de chacun.
1. Jacques Dalarun (dir.), François d’Assise – Écrits, Vies,
témoignages, Cerf/Éd. franciscaines, 2010. Tome 1 : 1 876 p.,
50 € ; tome 2 : 3 418 p., 40 €.
2. Directeur de recherche au CNRS. A publié, entre autres
ouvrages : François d’Assise vu par les compagnons. Éditions
franciscaines/Éditions du Cerf, coll. « Sources franciscaines »,
2009, 230 p., 24 €.
3. André Vauchez, François d’Assise - entre histoire et
mémoire, Fayard, 2009, 548 p., 28 €.
4. Le passage du singulier au pluriel signifie que le discours
adressé à un frère les concerne tous.
N° 337, juiN-juillet 2010 Enseignement catholique actualités 55