Document PDF - ECA - Enseignement catholique actualites

sert à rien de foncer la tête la première,
je peux m’en sortir comme l’eau », réalise
timidement Amir. « Pour moi, c’est
surtout utile pour les disputes verbales,
je peux décider de ne pas répondre à la
provocation et de l’ignorer », déclare à
son tour sa camarade Loes.
« Le but, in fine, est de doter les
jeunes d’une sorte de boussole intérieure,
résume Arjen Sanderse, un système
simple et pragmatique qui leur
permet de mieux gérer les situations
qu’ils rencontrent, de détecter les
symptômes physiques de la colère ou de
l’angoisse chez eux, chez les autres, et
de trouver les ressources intérieures
pour se positionner – self-control,
capacité d’analyse et assurance, y
compris un réel sens des responsabilités
pour intervenir quand l’un de leurs
camarades est menacé. »
Sur le climat de la classe, et au-delà,
de l’établissement, l’impact est évident,
même si difficilement quantifiable.
« Pour tous, il y a un avant et un
après Rock and Water, même s’ils viennent
un peu en traînant les pieds au
départ, adolescence et hormones obligent,
car le programme demande beaucoup
d’engagement personnel, note
Teunella Wolters. Mais peu à peu, ils
apprennent à se connaître, à s’exprimer
et à s’écouter, un esprit de groupe
se crée. Et les bénéfices se prolongent
au-delà de l’école : ils s’en souviennent
des années après dans leur vie sociale
et professionnelle ! »
Petite révolution
Des gestes pour agir sans se laisser influencer.
D’autres gestes pour s’adapter et coopérer.
çons de certains parents qui craignaient
une emprise spirituelle sur leur progéniture,
le programme, « vierge de toute
spiritualité », est aujourd’hui pour
beaucoup dans le succès de l’établissement,
répondant à la demande des
Photos : A. Sobocinski
En salle des professeurs, le mouvement
fait doucement tache d’huile : si
cinq professeurs (de sport, de théâtre,
d’arts plastiques, de maths, de physique)
sur 125 enseignent Rock and
Water aujourd’hui, dix autres, y voyant
un moyen de« saisir les changements de
l’adolescence », ont demandé à suivre la
formation de trois jours. Le contact avec
le programme n’en est pas moins permanent
grâce au système de tutorat mis
en place : « Tous les professeurs Rock
and Water sont aussi référents d’une
classe, ce qui permet d’échanger avec
nos collègues, d’utiliser le même langage
vis-à-vis des élèves et de retravailler,
si besoin, des difficultés
survenues en classe », précise Arjen
Sanders.
Du côté des familles, le plébiscite est
manifeste. Une fois écartés les soupfamilles,
« avides de voir le lycée développer
autant de possibilités pour valoriser
l’épanouissement, l’expression et
l’autonomie de leurs jeunes ».
En ces temps de grands débats sur la
violence à l’école, l’idée pourrait trouver
un écho dans l’Hexagone. Pour
Louis-Marie Piron, dont l’institution
Saint-Pierre à Bourg-en-Bresse (Ain)
vit une coopération de plus de quinze
ans avec ce lycée néerlandais dans le
cadre du programme Comenius, l’introduction
de Rock and Water représenterait
« une petite révolution pour
notre école, où le corps reste trop souvent
un impensé ». L’intérêt tient
essentiellement, selon lui, dans la
motivation que peut déclencher le programme
: « Aujourd’hui, on part du
principe que le seul facteur de motivation
pour les élèves, c’est d’avoir un
projet, et on se livre du coup à une
sorte de harcèlement au projet professionnel.
Pas un élève n’est formé à la
prise de parole en public, au positionnement
dans un groupe, aux façons de
faire, de s’imposer, alors que c’est
d’abord en trouvant sa place dans la
classe et dans l’établissement que le
déclic peut avoir lieu pour un jeune et
qu’il pourra prendre les clefs du
monde. » Quant au coût – 640 euros
pour la formation d’un professeur – et
au cadre – sa concrétisation dans l’emploi
du temps –, des solutions, assure le
chef d’établissement, doivent pouvoir
s’imaginer. Il suffit que les équipes
pédagogiques françaises se lancent à
leur tour, avec la force du roc et l’adaptabilité
de l’eau.
L’EFFET COMENIUS Quelle efficacité pour Comenius ? Selon une étude
menée auprès de 8 000 responsables, le dispositif d’échanges entre établissements
mis en place par l’Union européenne améliore bien sûr l’interculturalité par
la promotion de projets scolaires et linguistiques. Mais en offrant la possibilité aux
directeurs d’établissement et personnels enseignants d’échanger des expériences et
des informations, et d’élaborer en commun des méthodes et approches nouvelles,
Comenius a aussi un impact sur la vie des établissements et le climat scolaire.
« Une forte majorité des responsables de projets Comenius considèrent
que le principal gain acquis par les enseignants réside dans l’accroissement
des connaissances et dans une meilleure compréhension du système éducatif
des pays partenaires…, indique le rapport. La fréquente collaboration avec
des enseignants du même établissement ou des écoles partenaires a entraîné
une nette amélioration de la capacité à travailler en équipe. »
Effets annexes positifs, « la progression de la motivation pour le métier
d’enseignant, ainsi qu’une identification plus forte avec l’établissement d’origine »
sont mises en avant par les auteurs de l’étude. Mais concernant les innovations
intervenues dans la pratique pédagogique des équipes et l’organisation
de l’établissement, ainsi que la promotion de la formation continue pour
le personnel enseignant, Comenius dans les chemins d’exploration qu’il pourrait
permettre d’ouvrir, apparaît encore trop peu reconnu et exploité. AS
N° 337, juiN-juillet 2010 Enseignement catholique actualités 47