Document PDF - ECA - Enseignement catholique actualites

DossIer
D o s s I e r
Maurice Bellet :
« Il faut laisser le possible ouvert »
Le devenir individuel et collectif des
êtres humains est imprévisible, constate
le psychanalyste Maurice Bellet. Et
pourtant, nous passons notre temps
à coller des pancartes sur les personnes
pour satisfaire notre volonté de domination
et de mépris. Voilà qui nous invite,
ont souligné Fernand Girard et
Claude Berruer, à chercher le trésor
de la personne, caché sous le personnage.
Ce dernier, en effet, est l’interface
entre le « je » profond et le monde
extérieur. La vraie personne, elle, est
secrète. Le travail de l’éducateur
consiste à la faire émerger. Pour Maurice
Bellet, les enseignants doivent de fait
aider les élèves à assumer leur condition
humaine. C'est-à-dire leur apprendre
à conjuguer une souplesse qui est une
fragilité, avec une solidité qui leur permettra
de ne pas sombrer dans le chaos.
Jean-Marie Petitclerc :
« … comme le Christ. »
« Vivre l’acte éducatif, c’est dire :
“Je crois en toi, j’espère en toi, je
t’aime comme le Christ” », pour
le salésien Jean-Marie Petitclerc.
C’est dans ce « comme » que
tient, selon lui, le caractère propre
de l’enseignement catholique.
Une école catholique, ce
n’est pas une école de catholiques
pour catholiques, a-t-il rappelé.
L’école catholique est celle
qui sait accueillir tout enfant et
qui le considère comme une
chance. Tout enfant est un don mais pas
forcément un cadeau, a conclu malicieusement
Claude Berruer. Mais il reste un
visage de Dieu.
Jean-Baptiste de Foucauld :
« La souffrance vient de l’écart
entre les désirs et les moyens »
Pour le haut fonctionnaire Jean-Baptiste
de Foucauld, il est difficile, dans notre
société individualiste, de se concentrer sur
les enjeux essentiels comme la question
sociale, la question écologique ou l’exclusion.
Comment faire ? Selon lui, il nous
faut éduquer à la sobriété, à la justice, et à
la créativité qui donne du sens. Car la
souffrance vient de l’écart entre les désirs
et les moyens. Pour transmettre ces
Des points
d’ancrage
C’est à de grands témoins, tels
le théologien Maurice Bellet ou
l’éducateur Jean-Marie Petitclerc,
qu’il revenait de nommer les
points d’ancrage qui permettront
aux équipages de garder le cap.
Via la vidéo, ils se sont exprimés
à Rungis. Claude Berruer,
adjoint au secrétaire général, et
Fernand Girard, délégué général
de l’enseignement catholique,
étaient sur le plateau pour
commenter leurs propos.
SYLVIE HORGUELIN
valeurs, l’école se heurte à un fait : ce que
je vis n’est pas semblable à ce qui fut,
a souligné Fernand Girard. Relier passé et
présent est un vrai enjeu, a enchaîné
Claude Berruer. Il faut partir du présent
qui est le règne de l’immédiateté. C’est là
qu’il faut rejoindre les jeunes en leur permettant
de formuler leurs questions et en
leur démontrant qu’elles font écho à des
préoccupations passées.
Jean Vanier :
« La première chose, c’est d’écouter »
La liberté consiste à ne pas être conduit
par la peur, affirme Jean Vanier, fondateur
de l’Arche. Peur de décevoir ses
parents, peur de l’échec, de la sanction,
de la mort… La première tâche d’un édu-
cateur sera donc d’écouter. Non pas de
dire aux jeunes ce qu’ils doivent faire mais
de les amener à voir où ils en sont avec
leurs souffrances. Pour Claude Berruer,
l’idée de ne pas enfermer dans la fragilité
rouvre le champ des possibles. Il ne faut
jamais désespérer du jeune confié,
quelles que soient ses difficultés. À juste
titre, Jean Vanier nous rappelle qu’il n’y a
pas de parole crédible si elle n’est pas
précédée par une écoute. Il n’y a pas de
transmission possible sans temps
d’écoute. Voilà qui implique une refonte
du temps scolaire. Il y a le programme
mais il y a aussi le moyen de s’en accommoder…
M gr Gérard Defois :
« Éduquer à la liberté, c’est éduquer
à la responsabilité »
Le chef d’établissement doit aider son personnel
à entretenir des relations fraternelles,
de coresponsabilité, a exposé
l’archevêque émérite de Lille. Car éduquer
à la liberté, c’est éduquer à la responsabilité.
En effet, a commenté Claude
Berruer, il ne faut pas confondre
autorité et pouvoir. Le Christ ne prêchait-il
pas avec autorité ? Cela l’a
conduit à donner du pouvoir à ses
disciples. Le chef d’établissement, le
directeur diocésain sont là pour
autoriser non pour contraindre. La
relation doit être vécue comme une
alliance féconde non comme une
aliénation. Il en va de même dans la
classe entre enseignant et élèves.
©Photos Mathieu
M gr Claude Dagens :
« Il faut que les jeunes découvrent
pour quoi vivre. »
Pour l’évêque d’Angoulême, les questions
d’humanité touchent à la grammaire élémentaire
de l’existence. Pour quoi vivre ?
Où trouver des références pour avancer ?
Nous sommes sur le terrain de l’éducation
qui n’est pas à séparer de l’enseignement.
C’est un ministère de confiance risqué
pour les enseignants. Nous devons passer
d’une école des savoirs à une école de
l’intelligence, a rebondi Claude Berruer :
« Éduquer, ce n’est pas remplir un vase
mais allumer une lampe ! » Le but est bien
de se connaître, de s’estimer, de connaître
le monde et de s’y repérer, en vivant dans
la confiance avec des adultes, a souligné
Fernand Girard.
34 Enseignement catholique actualités N° 337, juiN-juillet 2010