Document PDF - ECA - Enseignement catholique actualites

RécIts éducatIfs d’aIlleurs
Des lycéens de roc et d’eau
Pour trouver sa place dans
la classe et au-delà, il faut
apprendre à maîtriser son corps
et son langage. Telle est la base
de Rock and Water, un
programme initié aux Pays-Bas.
À raison de deux heures par
semaine sur un semestre,
le cours, encadré par
deux professeurs, a pour base
des techniques d’arts martiaux
et de self-defense.
Instantané vidéo
AURÉLIE SOBOCINSKI
La salle de classe sans tables ni
chaises, couverte d’épais tapis de
sol, ressemble à un dojo. Pieds
nus, en tenue de sport, des adolescents
âgés de 13 à 14 ans, élèves en
deuxième année (l’équivalent de notre
troisième) sont prêts pour une séquence
de cours peu commune. Ici, à Zwolle,
une ville située au nord-est d’Amsterdam,
au lycée public général et scientifique
Van der Capellen on enseigne
Rock and Water, un programme d’apprentissage
des habiletés sociales.
« L’objectif de cet enseignement est
d’aider les jeunes à se positionner au
sein du groupe-classe en leur montrant
que dans chaque situation, ils ont toujours
le choix entre deux attitudes,
introduit Arjen Sanderse, professeur
d’éducation physique et sportive, l’un
des enseignants du lycée engagés dans
le programme. Celle du roc – la force,
l’assurance et la détermination –, pour
agir sans se laisser influencer par ses
camarades et réussir à défendre ses
idées au sein du collectif, malgré les
tensions et pressions. Celle de l’eau –
la souplesse, l’adaptation – pour vivre
ses relations dans la communication et
la coopération. »
Rock and Water a été conçu au milieu
des années 1990 par un enseignant spécialisé
néerlandais. S’adressant à l’origine
à des élèves violents ou manifestant
des problèmes de comportement,
le dispositif a été généralisé en
2003 à l’ensemble des classes de
deuxième année du lycée Van der
Capellen. Entre ses murs vivants, lumineux
et colorés, il n’y avait pas de problèmes
de discipline particuliers,
seulement un accroissement des effectifs
à réguler (le nombre d’élèves est
passé de 750 à 1 300) et surtout la
volonté d’affirmer un choix pédagogique
original.
« Pour nous, l’école a non seulement
le devoir de porter les élèves à un meilleur
niveau scolaire mais aussi de les aider
à s’épanouir dans leurs talents et à devenir
des adultes bien dans leur peau, équilibrés
et responsables, explique René Leber,
le chef d’établissement. Nous cherchions
à l’époque des outils d’aide à la réflexion
afin d’appréhender l’élève autrement
qu’à travers le seul prisme de ses résultats,
dans sa globalité. » Rock and Water,
avec sa stratégie éducative, est apparu
comme une réponse convaincante.
« En ces temps de grands
débats sur la violence à
l’école, l’idée pourrait trouver
un écho dans l’Hexagone. »
Grâce à la liberté d’organisation dont
dispose l’ensemble des établissements
néerlandais – publics comme privés –,
le lycée de Zwolle a pu intégrer rapidement
le programme dans l’emploi du
temps des élèves comme l’un des éléments
phares du projet d’établissement
avec les sections bilingues et artistiques.
À raison de deux heures par semaine sur
un semestre, le cours, encadré par deux
professeurs, a pour base des techniques
d’arts martiaux et de self-defense.
De sacs à frappe en exercices d’équilibre,
de séquences d’expression corporelle
en jeux de rôle et joutes verbales,
les séances aux techniques variées, rythmées,
dynamiques sont construites autour
d’un thème et visent progressivement à
apprivoiser son corps, à découvrir sa
force, son langage, l’autodiscipline, à
comprendre et respecter les limites et
frontières (notamment celles avec les
filles), à gérer la situation en cas de pression
ou de conflit, à écouter son intuition
à se situer face aux tensions et dynamiques
au sein d’un groupe…
« Dans cette pédagogie, tout commence
par le corps », souligne Teunella
Wolters, enseignante au sein du programme.
Ou l’expérience sensible
comme préalable à tout apprentissage
cognitif. C’est seulement une fois
l’exercice achevé que des mots sont
posés sur ce qui a été vécu, ressenti,
et qu’un langage commun peut se
construire entre enseignants et élèves.
« Comment avez-vous réagi dans
cette situation, plutôt comme le roc ou
comme l’eau ? Quelles en ont été les
conséquences ? Était-il possible de réagir
autrement ? » Autour du tatami, où
les élèves sont assis avec leurs professeurs,
la parole comme les peurs se libèrent.
« Quand je deviens agressif, je sais
maintenant que si la personne en face
de moi est beaucoup plus forte, ça ne
46 Enseignement catholique actualités N° 337, juiN-juillet 2010