Document PDF - ECA - Enseignement catholique actualites

DossIer
D o s s I e r
Cap sur l’exploration éducative
Le « 1 er rendez-vous de la liberté
éducative » s’est tenu devant
1 500 représentants de
l’enseignement catholique. Cette
journée fut l’occasion de prendre
acte des défis sociétaux et des
enjeux éducatifs qui en découlent.
Puis de préciser les fondamentaux
du projet de l’enseignement
catholique, d’accueillir des
innovations, signes de sa volonté
d’habiter ses espaces de liberté et
d’identifier des lieux d’exploration.
Il s’agissait enfin d’appeler à une
créativité renouvelée et partagée.
GILLES DU RETAIL
Les mutations et les tensions de la société
sont nombreuses et profondes. L’individualisme,
l’instantanéité et la médiatisation
des relations et des savoirs en
sont des symptômes particulièrement vifs et
entraînent des pertes de repères, une crise
du sens, une crise de la place de l’éducateur,
une crise des savoirs et de la transmission…
Ils suscitent des tensions et des perplexités
dans la vie en société et accélèrent un état
de fatigue individuel et collectif singulièrement
présent. L’intervention de Jean-Paul Delevoye,
médiateur de la République, en a porté témoignage.
Au regard de ces bouleversements
qui marquent inévitablement un changement
d’ère éducative, quels sont les points d’ancrage
de l’enseignement catholique ?
Pour Fernand Girard, délégué général de l’enseignement
catholique, les constats opérés
demandent à « l’école d’être avant tout un
chemin d’humanité, c’est-à-dire d’être un
chemin permettant à un personnage marqué
d’étiquettes de devenir une personne ».
« Chaque personne est une incarnation d’humanité
», a-t-il précisé en soulignant que l’école
a trois fonctions : celle de la transmission, mais
celle-ci se heurte au fait que ce que nous vivons
maintenant n’est pas le produit de ce qui s’est
passé ; celle du repérage qui permet de se repérer
soi-même et de passer du présent au
passé et non l’inverse ; celle de la prospective
qui ouvre les jeunes sur une vision d’euxmêmes
et de leur avenir. Autrement dit, il
convient de « faire de l’école un espace de
vocation ». Un mot repris par M gr Éric Aumonier,
évêque référent pour l’enseignement catholique
en France, pour qui l’éducation vécue à l’école
« doit être un temps de travail non seulement
sur les racines mais aussi la vocation de chaque
jeune pour qu’il la découvre et y acquiesce ».
Dès lors, au moment où il est devenu inévitable
pour l’école d’appareiller pour une
nouvelle navigation afin de faire grandir chaque
jeune comme une personne responsable, engagée
et riche de talents, un véritable mouvement
de liaison et d’exploration est devenu
nécessaire dans chaque établissement et en
réseau d’établissements.
Archipels
Plus que jamais l’expression des projets
éducatifs et la relecture des pratiques constituent
un enjeu pour réduire l’écart entre le
dire et le faire. Il est temps de réinvestir le
pouvoir d’initiative et d’exploration. Non pas
d’une façon descendante, en partant des autorités
de tutelle administratives ou ecclésiales,
mais au plus près des réalités vécues au quotidien
par les communautés éducatives.
L’exploration suppose une attitude, celle
de refuser non seulement le renoncement et
le repli mais aussi l’innovation opportuniste
et trop ambitieuse. L’exploration consiste à
oser, oser faire des petits pas au quotidien
dans l’établissement, dans la classe en se sentant
autorisé à les faire. C’est ainsi que de
très nombreuses initiatives sont déjà réalisées,
mais elles mériteraient aujourd’hui d’être
connues et reconnues. Elles demanderaient
à être mutualisées pour se conforter et s’élargir.
C’est tout le sens de l’appel à l’exploration
éducative, formulé le 21 mai et décliné sous
la forme d’une carte marine dont les nombreux
archipels regroupent d’ores et déjà les préoccupations
des éducateurs. Archipel du temps
scolaire qui réclame d’être mieux « relié »;
archipel de la justice et de l’équité scolaire,
qui pose des questions profondes en termes
d’accueil des différences et de capacité à apprendre
à vivre ensemble ; archipel de la réflexion
sur la signification des savoirs, qui
dépasse le souci d’une intelligence des programmes
même s’il le contient ; archipel du
questionnement sur le sens de la vie et sur
l’éducation à la vie intérieure, que l’on ne
peut contourner car il est au cœur du projet
de l’enseignement catholique. « Chaque jeune
est visage de Dieu », a rappelé Claude Berruer,
adjoint au secrétaire général de l’enseignement
catholique. Le Christ aux mille visages, présenté
durant cette manifestation nationale et constitué
à partir des photos des participants prises
lors de leur arrivée, illustrait cette incarnation
de Dieu qui nous associe à sa démarche
d’amour.
Pour le secrétaire général de l’enseignement
catholique, Éric de Labarre, ce « 1 er rendez-vous
de la liberté éducative », marqué
par la nécessité d’explorer et de prendre partout
où cela est possible le risque de la liberté
en tenant compte des caps, des ancrages,
des écueils, est une exigence, voire la seule
route pour l’enseignement catholique. D’où
son adresse aux membres des communautés
éducatives : « N’ayons pas peur ! Naviguons
au large ! Avançons dans les eaux profondes
de l’humanité et de la liberté ! »
De gauche à droite : une délégation auvergnate très remarquée ; une scène dressée face à 1 500 personnes ; un écran-témoin ; la table ronde du matin avec
30 Enseignement catholique actualités N° 337, juiN-juillet 2010