Document PDF - ECA - Enseignement catholique actualites

Culture
Histoire
Balade en pays clunisien
Cette année, la fameuse abbaye de Bourgogne qui régna sur
tout l’Occident médiéval fête sa fondation, il y a onze siècles.
L’occasion de redécouvrir les origines jurassiennes de Cluny.
© C. G. Jura
© C. G. Jura
VIRGINIE LERAY
L’abbaye de Cluny souffle ses 1 100 bougies cette année !
Un anniversaire 1 à l’envergure du rayonnement spirituel,
culturel et économique de ce centre religieux
médiéval. À son apogée entre le x e et le xII e siècle, l’ordre
clunisien fédère alors un millier de
monastères dans toute l’Europe. Puissance
politique autonome, puisque affranchie
de l’autorité royale, seigneuriale et
épiscopale, Cluny a contribué à modeler la
société féodale. Au plan religieux, l’abbaye
a diffusé la règle bénédictine, accordant
une place prépondérante à la prière
dans la vie des moines et décloisonnant
l’architecture carolingienne pour ouvrir les
espaces liturgiques et élever les voûtes des
églises romanes. Après trois constructions
successives, puis les outrages des guerres de
Cent ans et de la Révolution pendant
laquelle le site fut transformé en carrière, il
ne subsiste aujourd’hui qu’une partie du transept
gothique du xIII e …, à peine 10 % de ce qui fut le plus
grand édifice religieux d’Occident (187 mètres de long),
jusqu’à la reconstruction de la basilique Saint-Pierre de
Rome en 1506. Qu’à cela ne tienne, pour l’anniversaire, des
simulations vidéo, conférences, performances théâtrales,
sons et lumières équestres, mais aussi une série de célébrations,
font revivre l’histoire clunisienne. Mieux encore, cette
multitude de festivités se décline sur les 150 sites membres de
la Fédération des sites clunisiens 2 , depuis l’Écosse jusqu’à
l’Espagne, en passant par la Suisse, l’Allemagne et l’Italie.
En septembre, quatre journées européennes attireront même
des milliers de visiteurs à Cluny, « preuve que, loin d’un rassemblement
de vieilles pierres, Cluny réunit des citoyens partageant
un patrimoine exceptionnel, à travers des dialogues
interreligieux, transfrontaliers, des partenariats éducatifs et
des échanges d’expertises », s’enthousiasme Christophe
voros, directeur du réseau.
L’anniversaire de Cluny offre aussi l’occasion de découvrir
les origines jurassiennes 3 méconnues
de la célèbre abbaye. En
910, son fondateur, l’abbé Bernon,
partit en effet de son monastère de
Gigny avec six de ses moines et six
autres du monastère de Baume-les-
Messieurs, qu’il gérait également.
Ces deux sites pittoresques qui se
sont longtemps disputé la paternité
Sur la route de Poligny à Baume, villages et vignes
s’accrochent à flanc de coteau.
de Cluny pour des raisons politiques,
l’un dépendant du diocèse
de Besançon, l’autre de celui de
Lyon, ont donc servi de laboratoire
à la réforme clunisienne. À
Baume-les-Messieurs, on découvre
le monastère au fond d’une majestueuse reculée qui
lui sert d’écrin. Ses bâtiments, préservés des destructions
car « vendus à la découpe » à la Révolution – et
d’ailleurs toujours occupés par des particuliers –,
offrent une image vivante de ce que fut l’aventure clunisienne.
De son pieux recueillement des débuts, censé
susciter des vocations chez les laïcs, aux fastes démesurés
qui amenèrent son déclin, accéléré par l’essor
des ordres cisterciens ou mendiants. Avec la sécularisation,
les moines deviennent chanoines d’une abbaye
déchue en prieuré soumis à Cluny et quittent
les quartiers conventuels pour des logements individuels où ils
vivent en seigneurs, bien loin des principes édictés par saint
Benoît ! Le charme du lieu, entre falaises, forêts et vignobles
à flanc de coteau, inspire aujourd’hui des artistes qui contribuent
à animer une vie touristique encore balbutiante.
Manuscrits et incunables
De haut en bas : retable flamand de l’abbaye
de Baume-les-Messieurs ; Baume-les-Messieurs ;
transept restauré de l’abbaye de Cluny.
Il convient enfin d’achever cette boucle jurassienne à Dole,
ville labellisée « art et histoire » qui vit naître Pasteur, abrita
pas moins de quatorze congrégations religieuses et qui compte
bien sûr un site clunisien : le collège Saint-Jérôme, fondé au
xIv e siècle par l’adjoint au prieur de Cluny, Antoine de Roche.
La bibliothèque de ce haut lieu de formation en droit pontifical
n’avait rien à envier à celle imaginée par Umberto Eco dans
Le nom de la rose. De Sénèque à saint Augustin, cette année,
la médiathèque de Dole expose une partie de ces manuscrits
et incunables richement enluminés qui témoignent de l’effervescence
intellectuelle impulsée par Cluny. Ils
livrent une part de l’histoire comtoise, entre résistance
et conviction. Des valeurs qui, sans
doute, amenèrent les moines de Gigny et de
Baume à quitter leur solitude des contreforts du
Jura pour aller fonder Cluny, voilà onze siècles.
1. Programme : www.cluny2010.eu
2. Réseau reconnu itinéraire culturel par le Conseil de l’Europe :
www.sitesclunisiens.org
3. Voir le site : www.juramusees.fr
Le centre de documentation pédagogique du Jura a réalisé un PowerPoint, un diaporama et des questionnaires autour du site de Baume-les-Messieurs.
zIls permettent de préparer une visite de classe ou d’illustrer un cours d’histoire médiévale. Éléments d’architecture religieuse, organisation sociale et
impôts perçus par les moines-seigneurs, travaux d’enluminure au scriptorium, règle monastique : éclectiques, ces documents proposent de découvrir de
nombreux aspects de l’ordre clunisien. Sur internet : http://crdp.ac-besancon.fr/index.php?id=1483
© R. Wolff
© V. Leray
60 Enseignement catholique actualités N° 337, juiN-juillet 2010