No. 62<strong>La</strong> Morale, une Affaire IndividuelleJérémie Rostan« Un homme ne peut pas être légitimement contraint d’agir ou des’abstenir sous prétexte que ce serait meilleur pour lui, que cela lerendrait plus heureux ou que, dans l’opinion des autres, agir ainsiserait sage ou même juste. » – John Stuart Mill, 1859Aucune liberté n’est possible en société à moins que certains comportements nesoient obligatoires, tels que le respect des contrats, et d’autres interdits, tels quela fraude, le vol, ou toute forme de violence.Mais aucune liberté n’est possible non plus si l’État intervient en tout, de telle sorte queles individus n’aient aucune latitude de décider par eux-mêmes ce qu’il est bien, ou mal,de faire. Comment résoudre ce dilemme ? Comment déterminer ce qu’il est du ressort del’État d’interdire et d’obliger, et quels choix doivent relever du jugement privé ?Sur cette question si essentielle, Gauche et Droite apportent des réponses opposées, maisaussi arbitraires et incohérentes l’une que l’autre. Pour la première, l’État se doit d’êtrelibéral en matière de morale, et laisser le libre choix aux individus pour ce qui concerneleur mode de vie. Pourtant, les progressistes seront aussi les premiers à exiger lefinancement obligatoire d’innombrables interventions censées viser le bien commun. Ondéfendra la dépénalisation du cannabis, mais on substituera une guerre contre la« malbouffe » à la responsabilité individuelle en matière alimentaire. Mais la Droite n’estguère plus cohérente : prônant le libéralisme sur le plan économique et social, lesconservateurs jugeront tout aussi bien que l’État se doit de protéger les valeurstraditionnelles, et donc d’intervenir sur des questions éthiques.Si Gauche et Droite sont contradictoires avec elles-mêmes, c’est parce qu’elles reposentsur deux principes inconciliables à la fois. D’un côté, l’État devrait défendre la libertéindividuelle ; mais, d’un autre côté, il devrait également promouvoir le bien public.L’approche libérale, elle, est seule logique : comme les progressistes, les libéraux considèrentque chacun devrait être libre de vivre sa propre vie comme il l’entend. Mais,contrairement à eux, ils ne pensent pas que ce droit doive passer au second plan dès lorsqu’un prétendu « bien commun » entrerait en jeu. Cela ne signifie pas pour autant qu’il soitsans bornes. De fait, pour que chacun puisse être libre de vivre sa propre vie, il faut quesoient interdits tous les comportements empêchant précisément cela, c’est-à-dire ceuxpar lesquels un individu, ou bien un groupe d’individus, s’arroge un choix qui devraitappartenir à un autre.Tel est le cas du vol, par lequel une personne se voit privée de sa propriété sans sonconsentement. Mais tel est aussi le cas lorsque l’État prétend réglementer pour notre bien— c’est-à-dire décider à notre place. Certes, il est mauvais de fumer. Mais cela n’impliquepas que l’État agisse bien en intervenant dans les vies individuelles au nom de la santé- 149 -
Ma Vie, Ma Décision – <strong>La</strong> Morale, une Affaire Individuelle No.62publique. C’est que le choix n’est pas simplement de fumer, ou non, mais de fumer plusou moins, en ayant par ailleurs une vie plus ou moins saine, et en accordant plus oumoins d’importance à sa santé, et même à sa longévité, vis-à-vis d’autres valeurs tellesque le plaisir, par exemple.Comme l’écrivait Kant, « personne ne peut me contraindre à être heureux d’une certainemanière (celle dont il conçoit le bien-être des autres hommes), mais il est permis àchacun de chercher le bonheur dans la voie qui lui semble, à lui, être la bonne, pourvuqu’il ne nuise pas à… ce même droit d’autrui. Un gouvernement qui serait fondé sur leprincipe de la bienveillance envers le peuple, tel celui du père envers ses enfants, c’est-àdireun gouvernement paternel, où par conséquent les sujets sont tels des enfantsmineurs incapables de décider de ce qui leur est vraiment utile ou nuisible… un telgouvernement, dis-je, est le plus grand despotisme qui se puisse concevoir. »<strong>La</strong> question du bonheur est en effet si complexe, remarquait le philosophe des Lumières,que chacun d’entre nous est déjà incapable de planifier sa recherche, c’est-à-dire desavoir a priori et de résumer en une règle simple, comment l’atteindre. Mais il ne peutêtre que moins possible encore de légiférer pour le bien-être d’un peuple entier !L’État s’arroge encore un choix qui m’appartient lorsqu’il m’oblige à contribuer à ce qu’iljuge être le bien. Certes, il est bon d’être solidaire, c’est-à-dire de prendre sur soi lesdifficultés d’autres que soi, et de partager avec eux les richesses qui leur seront plus utilesqu’à nous. Mais c’est un jugement moral qui devrait revenir à chacun que de décider quimérite plus que moi ce qui m’appartient, combien, sous quelles formes et à quellesconditions. Je peux ainsi juger qu’il est désirable de financer l’éducation des adolescentsaux familles sans moyens, mais pas n’importe quel type d’éducation, ni d’étudiant.On rétorque généralement qu’une telle vue est idéaliste, car « les gens ne sont pasgénéreux ». Mais il n’y a générosité que lorsqu’on donne librement à autrui. En ce sens, lasolidarité obligatoire empêche le développement et la mise en pratique de la générositétout autant que la responsabilité chez ceux qui en bénéficient.Le libéralisme est cohérent parce qu’il se fonde sur un principe moral bien établi, qu’il suitde plus en toute cohérence. « C’est ma vie ! » nous écrions-nous dès lors qu’on prétendintervenir dans nos décisions. Et cette vérité nous semble naturelle dans tous les sens duterme : logique, car il n’est rien qui soit plus clair à notre esprit, ou dont nous ayons plusintimement conscience ; mais sensible, également, car cette affirmation est aussi bien uncri du cœur et une révolte de tout notre être.Malheureusement, les conséquences en sont souvent moins évidentes. Si « c’est ma vie »,alors je suis propriétaire de moi-même, de mon corps et de ses facultés, ainsi que durésultat de leur exercice, et il est donc immoral d’intervenir dans mes choix, que ce soit« pour mon bien », ou pour me forcer à « bien agir » à moins, comme le notait Kant, quemes actes ne violent eux-mêmes la propriété de soi d’autrui.<strong>La</strong> France est très attachée à sa séparation de l’Église et de l’État. D’un côté, ce dernier sedoit de garantir la liberté de culte ; d’un autre côté, il doit s’interdire d’intervenir lui-mêmeen matière de religion. Mais, pour les mêmes raisons, il devrait y avoir, sous la mêmeforme, séparation de la morale et de l’État, celui-ci se contentant d’assurer que chacunsoit libre de pratiquer celle en laquelle il croit.- 150 -
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