<strong>Ma</strong> <strong>plus</strong> <strong>belle</strong> <strong>histoire</strong>petits trous un peu partout au début. <strong>Ma</strong>is tu te manifestais <strong>de</strong> <strong>plus</strong> <strong>en</strong> <strong>plus</strong>souv<strong>en</strong>t. On se mit à redouter quelque chose.Dieu seul sait que jamais je n’aurais pu te trouver seule, malgré les ravagesque tu étais <strong>en</strong> train <strong>de</strong> faire. Elle-même n’avait pas réalisé que tu étais là. Àforce <strong>de</strong> douter, je me suis décidée à aller chercher <strong>de</strong> l’ai<strong>de</strong> extérieure, pourvoir si quelqu’un d’autre s’était r<strong>en</strong>du compte <strong>de</strong> quelque chose. C’est sûrque la famille et les proches voyai<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> que, <strong>de</strong>puis un bout <strong>de</strong> temps,elle n’était <strong>plus</strong> du tout la même femme. <strong>Ma</strong>is personne <strong>en</strong>core ne savait quetu étais responsable. Je finis par l’am<strong>en</strong>er voir mon mé<strong>de</strong>cin, Dr Jean-<strong>Ma</strong>rcDesaul. Lui se r<strong>en</strong>dit tout <strong>de</strong> suite compte que c’était toi la cause <strong>de</strong> tous ceschangem<strong>en</strong>ts. Alors, il me regarda et me dit d’un ton sûr <strong>de</strong> lui : « elle estatteinte <strong>de</strong> la maladie d’Alzheimer, et ce, <strong>de</strong>puis quelques années déjà. Il n’ya <strong>plus</strong> grand-chose à faire, elle va oublier <strong>de</strong> <strong>plus</strong> <strong>en</strong> <strong>plus</strong> vite. »C’est ce qui arriva. En seulem<strong>en</strong>t cinq ans, tu es parv<strong>en</strong>ue à tes fins. <strong>Ma</strong>uditAlzheimer ! Par le temps que j’accepte que tu étais là, elle ne me reconnaissait<strong>plus</strong>, elle ne parlait <strong>plus</strong>. J’aurais eu <strong>en</strong>core tant <strong>de</strong> choses à lui dire,mais il est trop tard, car tu es partie avec son âme, ne laissant que ce corps.Je la regardais, elle était assise là, le néant au fond <strong>de</strong>s yeux. Comme j’auraisaimé savoir au début que tu étais <strong>en</strong> train <strong>de</strong> t’emparer d’elle, j’aurais <strong>en</strong>registrésa voix pour ne pas l’oublier, son sourire pour me le rappeler, mais tuas vidé sa tête, nous laissant impuissants.La seule chose que je puisse dire aujourd’hui, c’est que malgré tout… jet’aime et tu resteras toujours ma petite maman.Josée H<strong>en</strong>ri, 1 er cycleC<strong>en</strong>tre St-Joseph (Gracefield), CS <strong>de</strong>s Hauts-Bois-<strong>de</strong>-l’OutaouaisEnseignant : Jean-François Chabot, Syndicat du personnel<strong>de</strong> l’<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s Hautes-Rivières111
<strong>Ma</strong> <strong>plus</strong> <strong>belle</strong> <strong>histoire</strong>35. Souv<strong>en</strong>irsLe crépuscule était magnifique. De <strong>plus</strong> <strong>en</strong> <strong>plus</strong> bas, atteignant l’horizon, lesoleil r<strong>en</strong>voyait sur l’eau ses <strong>de</strong>rniers rayons <strong>de</strong> douceur, telle une caresseemportée par le v<strong>en</strong>t. Dans le ciel, les nombreuses couleurs éclatantes dusoleil couchant se reflétai<strong>en</strong>t sur les vagues miroitantes <strong>de</strong> la mer. Tout étaitcalme : la plage déserte, les vagues <strong>de</strong> l’océan, même le souffle du v<strong>en</strong>t. Cesrivages paisibles, qui s’ét<strong>en</strong>dai<strong>en</strong>t à perte <strong>de</strong> vue, étai<strong>en</strong>t très rarem<strong>en</strong>t fréqu<strong>en</strong>tés,cet <strong>en</strong>droit étant trop loin <strong>de</strong> la civilisation. Nul ne dérangeait laquiétu<strong>de</strong>, la paix <strong>de</strong> cet <strong>en</strong>droit unique. Nul ne v<strong>en</strong>ait ici. Nul, sauf moi.Seule, assise sur les rives <strong>de</strong> la mer, je p<strong>en</strong>se. Aux nombreux printemps quisont nés, aux étés qui ont fleuri, à ces automnes qui ont fané et aux maintshivers qui ont trépassé. Ces souv<strong>en</strong>irs, ces instants <strong>de</strong> joie, <strong>de</strong> bonheur, maisaussi ces instants <strong>de</strong> tristesse, <strong>de</strong> solitu<strong>de</strong>. Tant <strong>de</strong> choses sont <strong>en</strong>core <strong>en</strong> moi,<strong>de</strong>s souv<strong>en</strong>irs si profondém<strong>en</strong>t <strong>en</strong>fouis, qui tourn<strong>en</strong>t toujours et <strong>en</strong>core dansma tête. Si souv<strong>en</strong>t, je les ai chassés pour essayer <strong>de</strong> les oublier. <strong>Ma</strong>is celaétait <strong>en</strong> vain. Au fond <strong>de</strong> moi, je savais que jamais je ne réussirais à les fairedisparaître. Du <strong>plus</strong> heureux au <strong>plus</strong> douloureux souv<strong>en</strong>ir, ils font tous partie<strong>de</strong> moi.Il y a si longtemps que j’ai mis ces souv<strong>en</strong>irs <strong>de</strong> côté, pour essayer <strong>de</strong> ne <strong>plus</strong>y rev<strong>en</strong>ir. Voyant ce paysage si familier, je vois ressurgir <strong>de</strong> nombreusesimages que je croyais disparues. Ces nombreuses fêtes que l’on v<strong>en</strong>ait célébrerici, et principalem<strong>en</strong>t l’une d’elles dont je me rappelle, qui a emportémon meilleur ami. Personne n’avait pu le sauver <strong>de</strong> ces vagues qui sedéchaînai<strong>en</strong>t sur lui. Personne, y compris moi. P<strong>en</strong>dant d’innombrablesannées, je m’<strong>en</strong> suis voulu <strong>de</strong> n’avoir pu veiller sur lui. Je m’<strong>en</strong> suis voulu<strong>de</strong> l’avoir abandonné. Et je suis rev<strong>en</strong>ue ici tant <strong>de</strong> fois, pour essayer <strong>de</strong>compr<strong>en</strong>dre, pour essayer <strong>de</strong> me pardonner. Et maint<strong>en</strong>ant <strong>en</strong>fin, jecompr<strong>en</strong>ds. Nul ne peut aller contre le <strong>de</strong>stin. Et nul ne peut prévoir ce quela vie réserve à chaque être. Nul, y compris moi.Je dois cep<strong>en</strong>dant avouer que maintes fois, j’y ai eu <strong>de</strong>s mom<strong>en</strong>ts heureux.Je me vois <strong>en</strong>core là, sur cette plage, à courir et à rire avec ceux que j’aime.J’étais là, les <strong>de</strong>ux pieds dans l’eau, avec maman à mes côtés me t<strong>en</strong>ant parla main, me disant <strong>de</strong> ne pas aller trop loin dans la mer. Sachant que celal’inquiétait <strong>de</strong> me voir seule dans l’eau, je retournais vers elle et me couchaisdans le sable doux à ses côtés. Alors je voyais son visage s’emplir <strong>de</strong> joie et<strong>de</strong> lumière. Je lui souriais, elle me caressait les cheveux, et à chaque fois,112