<strong>Ma</strong> <strong>plus</strong> <strong>belle</strong> <strong>histoire</strong>– Si petite soit-elle, <strong>plus</strong> gran<strong>de</strong> sera-t-elle à mes côtés !– Vive la future reine ! criai<strong>en</strong>t-ils à nouveau.– De toute ma vie, je n’ai point connu une femme aussi merveilleuse quema douce et t<strong>en</strong>dre fiancée ! Enfilez vos <strong>plus</strong> beaux habits et vos <strong>plus</strong> <strong>belle</strong>srobes, la fête sera grandiose, dit le seigneur.Il prit Lucille dans ses bras et la déposa sur sa selle. Derrière elle, telle uneétreinte, il repartit à toute allure. Son cheval battant la poussière, un tambourinà la place du cœur, le valeureux Frédérique emporta avec lui celle quifrappait sur son petit tambour.<strong>Ma</strong>rlène Bourdages, 1 er cycleC<strong>en</strong>tre Saint-François, CS <strong>de</strong> la RiveraineEnseignant : Sylvain Jutras, Syndicat <strong>de</strong>s <strong>en</strong>seignantes et <strong>en</strong>seignants <strong>de</strong> la Riveraine57. Alyssa, une fille au passépas comme les autresJ’adorais ma vie, elle était tout simplem<strong>en</strong>t parfaite. À l’époque, je n’avaisque six ans. Six ans, l’âge où nos petits yeux d’<strong>en</strong>fant n’arriv<strong>en</strong>t pas à compr<strong>en</strong>drece qui se passe dans le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s grands. On est dans la pério<strong>de</strong><strong>de</strong> notre vie où le noir fait <strong>en</strong>core peur. L’âge où l’on <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>en</strong>core à nospar<strong>en</strong>ts, nos sauveurs, <strong>de</strong> regar<strong>de</strong>r sous le lit si le monstre est réellem<strong>en</strong>tparti et que nos cauchemars, qui sembl<strong>en</strong>t si concrets, hant<strong>en</strong>t notre vie <strong>de</strong>gamin. Dans mon cas, c’était différ<strong>en</strong>t, mon mon<strong>de</strong> était sur le point <strong>de</strong>basculer, mais j’étais <strong>en</strong>core trop jeune pour le savoir.Mes par<strong>en</strong>ts me t<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t toujours à l’écart, situation normale pour <strong>de</strong>spar<strong>en</strong>ts qui veul<strong>en</strong>t protéger ceux qu’ils aim<strong>en</strong>t. <strong>Ma</strong>is je n’étais pas dupe. Lesoir, je les <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dais parler. Je savais que quelque chose n’allait pas, dumoins, pas comme il se <strong>de</strong>vait d’aller. Le 2 octobre 2001, mon petit mon<strong>de</strong>rempli <strong>de</strong> fantastique s’écroulait tout autour <strong>de</strong> moi. Mes par<strong>en</strong>ts, inquiets<strong>de</strong> notre sort, ne savai<strong>en</strong>t que faire. Mon frère, <strong>Ma</strong>rtin, qui avait neuf ans,était au sta<strong>de</strong> où tout lui paraissait simple, où ses amis pr<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t beaucoup<strong>de</strong> place. Il ne cherchait pas à compr<strong>en</strong>dre ce qui nous arrivait. Je voyaisnotre petite famille se distancer. Mon père se tuait au travail afin <strong>de</strong> ne pas161
<strong>Ma</strong> <strong>plus</strong> <strong>belle</strong> <strong>histoire</strong>perdre le fruit <strong>de</strong> son labeur ; son garage. <strong>Ma</strong> mère passait beaucoup <strong>de</strong>temps à faire <strong>de</strong> la comptabilité afin <strong>de</strong> trouver le problème. Voyant mesidoles se dém<strong>en</strong>er pour nous gar<strong>de</strong>r un toit sur la tête, j’étais tout simplem<strong>en</strong>teffrayée. Pour un <strong>en</strong>fant, le mon<strong>de</strong> semble tellem<strong>en</strong>t grand, rempli <strong>de</strong>péripéties, les g<strong>en</strong>s nous ti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t à l’écart pour nous protéger, ils dis<strong>en</strong>tque nous sommes trop jeunes pour compr<strong>en</strong>dre, mais c’est eux qui necompr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t pas. Sous l’<strong>en</strong>veloppe charnelle du petit être que nous sommesse cache une consci<strong>en</strong>ce qui compr<strong>en</strong>d tout.Je me souvi<strong>en</strong>s. C’était le premier novembre 1999, le temps <strong>de</strong> l’année oùla neige ne tar<strong>de</strong> pas à tomber, la fumée dans les cheminées se faisait déjàs<strong>en</strong>tir. Un mom<strong>en</strong>t que j’adorais, Noël arrivait bi<strong>en</strong>tôt. Mes par<strong>en</strong>ts étai<strong>en</strong>theureux, ils avai<strong>en</strong>t hâte <strong>de</strong> nous montrer quelque chose. Je ne savais pas ceque c’était, mais j’étais aussi heureuse qu’eux. Ils nous ont emm<strong>en</strong>é <strong>de</strong>vantcette imm<strong>en</strong>se bâtisse, la pluie tombait à petites gouttes sur mon visage,j’adorais cette s<strong>en</strong>sation. Un v<strong>en</strong>t <strong>de</strong> r<strong>en</strong>ouveau soufflait. C’était grand,l’o<strong>de</strong>ur d’huile et d’ess<strong>en</strong>ce emplissait mon nez, cette o<strong>de</strong>ur que je s<strong>en</strong>taissouv<strong>en</strong>t sur les chemises <strong>de</strong> mon père à son retour le soir. J’avais toutcompris ! Il s’agissait d’un garage. Mon père v<strong>en</strong>ait <strong>de</strong> réaliser un <strong>de</strong> sesrêves, le mi<strong>en</strong> <strong>en</strong> même temps, car tous les rêves <strong>de</strong> mes par<strong>en</strong>ts étai<strong>en</strong>t<strong>de</strong>v<strong>en</strong>us les mi<strong>en</strong>s. Ce garage était celui <strong>de</strong> la municipalité <strong>de</strong> mon petitvillage natal. Tout allait pour le mieux, nous étions heureux ! <strong>Ma</strong>is il sembleque la vie n’est pas un conte <strong>de</strong> fées…Au fil <strong>de</strong>s ans, mes yeux d’<strong>en</strong>fant grandissai<strong>en</strong>t, mes par<strong>en</strong>ts adorés travaillai<strong>en</strong>tavec ar<strong>de</strong>ur, je me s<strong>en</strong>tais seule, très seule. Il m’arrivait souv<strong>en</strong>t <strong>de</strong>surpr<strong>en</strong>dre leurs conversations, qui malheureusem<strong>en</strong>t, n’étai<strong>en</strong>t <strong>plus</strong> aussimagiques qu’elles l’étai<strong>en</strong>t auparavant. Ils parlai<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t qu’ils p<strong>en</strong>sai<strong>en</strong>tse faire flouer, un employé du garage les volait. Je ne compr<strong>en</strong>ais pas, c’étaittrop compliqué pour moi… Il m’était alors impossible d’<strong>en</strong>visager ce quiallait se produire, la peur <strong>en</strong>vahissait ma tête et les larmes remplissai<strong>en</strong>t mesyeux. Mes par<strong>en</strong>ts ne perdai<strong>en</strong>t pas espoir, mais je pouvais tout <strong>de</strong> mêmepercevoir la douleur dans les yeux <strong>de</strong> ma douce maman.Le 2 octobre 2001, la vie <strong>de</strong> rêve tirait à sa fin. Nous étions <strong>en</strong> train <strong>de</strong> toutperdre, nos voitures, notre maison, notre fierté. J’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dais les autres <strong>en</strong>fantsrire <strong>de</strong> moi, ils ne pouvai<strong>en</strong>t pas compr<strong>en</strong>dre, eux. J’avais le désir <strong>de</strong>m’<strong>en</strong>fuir, fuir cette petite vie <strong>de</strong> misère que <strong>de</strong>s g<strong>en</strong>s sans cœur et jalouxnous avai<strong>en</strong>t donnée. Nous avons finalem<strong>en</strong>t déménagé. J’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dais mespar<strong>en</strong>ts pleurer, ils ne pleurai<strong>en</strong>t pas pour la perte matérielle, mais plutôtpour le mal que cette faillite avait fait à notre petite famille. À partir <strong>de</strong> ce162