<strong>Ma</strong> <strong>plus</strong> <strong>belle</strong> <strong>histoire</strong><strong>de</strong>ux autres <strong>en</strong>fants. Mes contractions sont <strong>de</strong> <strong>plus</strong> <strong>en</strong> <strong>plus</strong> fortes. Mon Dieu,faites que je n’accouche pas aujourd’hui.À mon arrivée à l’hôpital, il est <strong>en</strong>viron 21 h 15. Je me dirige droit vers lecinquième étage, aux salles d’accouchem<strong>en</strong>t. Le gynécologue arrive, il mefait une échographie et regar<strong>de</strong> la dilatation <strong>de</strong> mon col. <strong>Ma</strong>uvaise nouvelle,je suis dilatée à trois. Il appelle Sainte-Justine et <strong>de</strong>man<strong>de</strong> mon transfert.Durant l’att<strong>en</strong>te, les infirmières me donn<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s injections afin <strong>de</strong> ral<strong>en</strong>tir letravail. Ri<strong>en</strong> ne fonctionne. On confirme mon transfert, mais il est trop tard,les médicam<strong>en</strong>ts ne font pas effet et il faut m’accoucher. J’ai tellem<strong>en</strong>t peurpour mon bébé que j’éclate <strong>en</strong> sanglots. Je suis inconsolable. Le personnelinfirmier essaie <strong>de</strong> retar<strong>de</strong>r l’accouchem<strong>en</strong>t jusqu’à ce que les spécialistes<strong>de</strong> Sainte-Justine arriv<strong>en</strong>t. Dans ma chambre, il y a le gynécologue, les <strong>de</strong>uxinfirmières, un pédiatre et un cardiologue. Mon conjoint est à mes côtés,aussi effrayé que moi. Le gynécologue déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> crever mes eaux. Non, j<strong>en</strong>e veux pas, mais voilà, c’est fait… Je ne peux <strong>plus</strong> reculer. Je dois pousserune fois, <strong>de</strong>ux fois et voilà mon petit homme sort <strong>de</strong> moi, si petit, si fragile ;une livre et <strong>de</strong>mie. On me le pr<strong>en</strong>d, le dépose sur une table chauffante afin<strong>de</strong> l’intuber et qu’on puisse oxygéner ses petits poumons. Peine perdue, letube ne convi<strong>en</strong>t pas et est mal placé. Son petit coeur cesse <strong>de</strong> battre. Seule,allongée sur le lit, je suis désemparée. Mon conjoint a quitté la chambre etje vois le personnel effectuer <strong>de</strong>s manœuvres cardiaques. Au même instantoù mon conjoint revi<strong>en</strong>t, les technici<strong>en</strong>s <strong>de</strong> Sainte-Justine arriv<strong>en</strong>t, cela merassure. Les manoeuvres effectuées fonctionn<strong>en</strong>t, mon bébé repr<strong>en</strong>d vie etmoi, je repr<strong>en</strong>ds espoir. Toutefois, les technici<strong>en</strong>s m’expliqu<strong>en</strong>t qu’il peut<strong>en</strong>core exister certains risques durant le transport d’un bébé prématuré.J’appr<strong>en</strong>ds alors que mon bébé sera séparé <strong>de</strong> moi. Il doit partir pour Sainte-Justine et moi, rester ici, à Valleyfield.12 février 2012Je n’ai pas dormi <strong>de</strong> la nuit. Comm<strong>en</strong>t peut-on dormir loin <strong>de</strong> son bébé <strong>en</strong>sachant que tout peut arriver à tout instant ? J’obti<strong>en</strong>s mon congé <strong>de</strong> l’hôpitalet vivem<strong>en</strong>t, <strong>en</strong> compagnie <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong> la famille <strong>de</strong> mon conjoint, jepars pour Sainte-Justine. À mon arrivée, j’appr<strong>en</strong>ds que mon petit garçonsouffre d’hémorragie cérébrale sta<strong>de</strong> 2. Je peux <strong>en</strong>fin aller le toucher et jeress<strong>en</strong>s toute la fébrilité qui se dégage <strong>de</strong> son petit corps. Il bouge les jambeset les bras. Il a l’air plein <strong>de</strong> santé. <strong>Ma</strong>lheureusem<strong>en</strong>t, Noa, tu es passé dusta<strong>de</strong> 2 au sta<strong>de</strong> 4 et là où nous avions le <strong>plus</strong> d’espoir, tout s’est évanoui,car on a compris ce que cela signifiait, que bi<strong>en</strong>tôt tu partirais loin <strong>de</strong> nouset c’est ainsi que, tous réunis à tes côtés, <strong>en</strong> ce 14 février 2012, nous t’avons143
<strong>Ma</strong> <strong>plus</strong> <strong>belle</strong> <strong>histoire</strong>fait baptiser <strong>en</strong> ce jour <strong>de</strong> Saint-Val<strong>en</strong>tin. Ton papa et moi avons pu te serrerdans nos bras, te donner <strong>de</strong>s milliers <strong>de</strong> petits baisers, le <strong>plus</strong> d’amour possibleet ton premier et <strong>de</strong>rnier bain, avant ton repos éternel.Noa, je t’aime et t’aimerai à jamais.<strong>Ma</strong>man XXXN.B. Noa Carrier Haineault est décédé le 15 février 2012 à 2 h 5 du matin.Claudine Carrier, 1 er cycleC<strong>en</strong>tre Jean-XXIII (Ormstown), CS <strong>de</strong> la Vallée-<strong>de</strong>s-TisserandsEnseignante : <strong>Ma</strong>rie Leduc, Syndicat <strong>de</strong> Champlain49. Retour à la réalitéAu cœur <strong>de</strong>s ténèbres, à la tombée <strong>de</strong> la nuit alors que tous sont profondém<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dormis, un petit garçon au beau milieu <strong>de</strong> la cuisine se ti<strong>en</strong>t droitcomme un « I ». Il fixe int<strong>en</strong>sém<strong>en</strong>t l’extrémité d’un bocal au-<strong>de</strong>ssus du frigo.C’est Toya, tout juste âgé <strong>de</strong> huit ans. Il câline son ours <strong>en</strong> peluche au point<strong>de</strong> l’étrangler et il mâchouille le coin <strong>de</strong> son doudou qui traîne par terre<strong>de</strong>rrière lui. Évi<strong>de</strong>mm<strong>en</strong>t, il désire <strong>plus</strong> que tout s’approprier les biscuits auchocolat que conti<strong>en</strong>t le bocal. <strong>Ma</strong>is le frigo, gigantesque, démesuré commeun Goliath, touchant presque les nuages telle la tige d’un haricot magique,r<strong>en</strong>d la tâche impossible. Toya ne perd pas espoir, il est déterminé. Il s’élanceet bondit. Il s’agrippe, il glisse et recomm<strong>en</strong>ce. Ri<strong>en</strong> à faire. Il déci<strong>de</strong> donc<strong>de</strong> concevoir un plan et il accourt pour empiler toutes sortes d’objets luipassant par la main. Son échelle improvisée chambranle <strong>de</strong> gauche à droite,mais Toya est satisfait. Il grimpe au sommet, sa construction ti<strong>en</strong>t le coup. Ils’étire et jette un œil <strong>en</strong>vieux au bocal.<strong>Ma</strong>lheur, il est vi<strong>de</strong> !Notre pauvre petit est indigné, il doit regagner le lit bredouille. Il re<strong>de</strong>sc<strong>en</strong>davec mauvaise humeur, maudissant l’infâme Gobelin glouton. Il s’empressed’effacer les traces, tout ranger, tout replacer. C’est une scène <strong>de</strong> crimemême si le petit voleur n’a pas eu <strong>de</strong> butin et finalem<strong>en</strong>t, il rebroussechemin vers sa chambre. Soudain, <strong>en</strong> passant <strong>de</strong>vant la chambre <strong>de</strong>s144