Ma plus belle histoire - Base de données en alphabétisation des ...
Ma plus belle histoire - Base de données en alphabétisation des ...
Ma plus belle histoire - Base de données en alphabétisation des ...
- No tags were found...
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
M<strong>en</strong>tion spéciale14. Le vieillardIl marchait difficilem<strong>en</strong>t dans la chaleur oppressante du soleil, sa marchetteraclait le trottoir brûlant dans un crissem<strong>en</strong>t sans fin. Déjà, il regrettait lafraîcheur du supermarché. Le soleil dardait ses rayons mortels sur chaqueparcelle <strong>de</strong> son corps ch<strong>en</strong>u et la sueur perlait sur son visage ridé. Ses yeuxétai<strong>en</strong>t bleus, vieux et portai<strong>en</strong>t les vestiges d’un passé difficile. Ses lèvrespincées <strong>en</strong> une mince ligne laissai<strong>en</strong>t transparaître un profond s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>td’amertume. Il était vieux et tout son corps le lui rappelait lorsqu’il marchait.Sa fausse hanche grinçait à chacun <strong>de</strong>s pas qu’il faisait, ses g<strong>en</strong>oux pleinsd’arthrose le faisai<strong>en</strong>t horriblem<strong>en</strong>t souffrir et son dos scoliotique le torturait.Son cœur palpitait et ses mains étai<strong>en</strong>t parcourues <strong>de</strong> fourmillem<strong>en</strong>t ; sonhypert<strong>en</strong>sion ne le laisserait jamais tranquille.La canicule cuisante asséchait toute l’eau que son corps pouvait cont<strong>en</strong>ir. Ilavait soif, si soif. Sa gorge était <strong>en</strong> feu, sa langue était <strong>de</strong>v<strong>en</strong>ue rêche et sèchetel un grand morceau <strong>de</strong> papier <strong>de</strong> verre. Il se mit à rêver à son litre <strong>de</strong> jus<strong>de</strong> canneberges non sucré qui était tout au fond <strong>de</strong> sa besace, <strong>en</strong> <strong>de</strong>ssous <strong>de</strong>la margarine non hydrogénée et <strong>de</strong>s clém<strong>en</strong>tines biologiques.Il s’arrêta au milieu du trottoir et se rangea pour laisser passer un jeunecouple pressé qui soupirait <strong>de</strong>vant sa l<strong>en</strong>teur exaspérante. Le vieillardcompre nait. Précautionneusem<strong>en</strong>t, il délia les attaches du sac qui était fixéà sa marchette, mais le sac, affaibli par les lour<strong>de</strong>s provisions, se f<strong>en</strong>dit <strong>en</strong>son c<strong>en</strong>tre et une pluie <strong>de</strong> clém<strong>en</strong>tines se déversa sur le trottoir. Elles roulèr<strong>en</strong>tdans la rue et éclatèr<strong>en</strong>t <strong>en</strong> <strong>de</strong>ssous <strong>de</strong>s pneus <strong>de</strong>s voitures. Sous lechoc, la margarine <strong>en</strong> perdit son couvercle et le précieux litre <strong>de</strong> cannebergesse fracassa sur l’asphalte, répandant son élixir cramoisi aux pieds <strong>de</strong> l’ancêtre.<strong>Ma</strong>is le vieillard était fort et il décida <strong>de</strong> ne pas se laisser abattre par sesmalchances.Il agrippa son pantalon au niveau <strong>de</strong>s g<strong>en</strong>oux pour le remonter et l<strong>en</strong>tem<strong>en</strong>t,alors que ses articulations lui criai<strong>en</strong>t d’arrêter, il se p<strong>en</strong>cha pour ramasserles clém<strong>en</strong>tines intactes qu’il fourra dans sa poche. Il prit dans ses mains lamargarine et <strong>en</strong>treprit d’<strong>en</strong>lever les roches et les brindilles qui s’y étai<strong>en</strong>tcollées. Il regarda piteusem<strong>en</strong>t les débris <strong>de</strong> sa bouteille <strong>de</strong> jus. Les effluves<strong>de</strong> canneberge lui emplissai<strong>en</strong>t les narines, il <strong>en</strong> frémissait d’<strong>en</strong>vie. Les <strong>de</strong>uxpieds dans la mare couleur sang, il regardait <strong>de</strong> haut son reflet fatigué, sonregard était usé et triste. Le liqui<strong>de</strong> imbibait l<strong>en</strong>tem<strong>en</strong>t ses souliers <strong>de</strong> tissubon marché et pénétrait ses chaussettes. Le bruyant soupir qu’il poussa parla suite était celui d’un homme épuisé et éreinté par la vie.63