<strong>Ma</strong> <strong>plus</strong> <strong>belle</strong> <strong>histoire</strong>3. Vol par schizoïdieCoup <strong>de</strong> cœur2006« Certains humains sont nés pour un petit pain, parmi eux,quelques-uns <strong>en</strong> sont <strong>de</strong>v<strong>en</strong>us à ce point malsain par leur avidité et laconvoitise <strong>de</strong> la situation d’autrui, qu’ils <strong>en</strong> sont v<strong>en</strong>us à <strong>en</strong> concocter<strong>de</strong>s plans qui, croyez-moi, sont tout ce qu’il y a <strong>de</strong> <strong>plus</strong> déviant. »À tous les incapables…Un ivrogne <strong>en</strong> réflexion, lors d’une crise exist<strong>en</strong>tielleSalut, mon nom est John, et je profite d’un <strong>de</strong> ces rares mom<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> luciditépour vous saluer, vous tous, êtres humains. Je crois qu’il serait préférable quemon ami Éric vous raconte ma petite av<strong>en</strong>ture…Tout va bi<strong>en</strong> pour John. Au bureau, les secrétaires souri<strong>en</strong>t, les collèguessont g<strong>en</strong>tils et les succès se multipli<strong>en</strong>t. <strong>Ma</strong>lgré le fait que John vit <strong>en</strong>corechez sa mère à 23 ans, ri<strong>en</strong> ne l’empêche d’avancer et <strong>de</strong> vivre ses rêves àfond ! Comme il le répète si souv<strong>en</strong>t à ses collègues : « <strong>Ma</strong> situation est temporaire,à chacun sa galère mon frère. » John a été promu assistant-chefestimateur <strong>de</strong> l’est du Canada, il n’y a que <strong>de</strong>ux semaines, juste <strong>de</strong>vant legros Roger et Lu<strong>de</strong>vic, le <strong>plus</strong> anci<strong>en</strong> du bureau, à la suite <strong>de</strong> <strong>plus</strong>ieursexploits remarquables dont le <strong>de</strong>rnier est d’avoir estimé une foule <strong>de</strong>20 326 personnes à 32 personnes près, lors <strong>de</strong> la manifestation <strong>de</strong>s hommesdivorcés pour l’allaitem<strong>en</strong>t. Du jamais vu dans les huit <strong>de</strong>rnières années !Ça plane pour Johny ! Parfaitem<strong>en</strong>t heureux comme dans le cliché : « Y’a uneo<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> bonheur, vi<strong>en</strong>s pas gerber dans mes fleurs. » Nous sommes samedile 3 juillet, à vous <strong>de</strong> vérifier sur vos vieux cal<strong>en</strong>driers quelle année c’était…Soirée d’été idéale pour une fiesta, probablem<strong>en</strong>t la 2000 e cette année ; lesg<strong>en</strong>s du bureau aim<strong>en</strong>t la fête ! Tout le mon<strong>de</strong> y est, à comm<strong>en</strong>cer par notrehôte, <strong>Ma</strong>rc-Antoine, ami d’<strong>en</strong>fance <strong>de</strong> John, fidèle serviteur <strong>de</strong>s forcesarmées canay<strong>en</strong>nes, 5 e meilleur <strong>de</strong> son cours <strong>de</strong> tir <strong>en</strong> <strong>de</strong> <strong>plus</strong> <strong>belle</strong>s années,jusqu’au mom<strong>en</strong>t où une balle perdue n’atteigne la partie inférieure droite<strong>de</strong> sa boîte crâni<strong>en</strong>ne… Ce jour-là, il est <strong>de</strong>v<strong>en</strong>u mi-humain, et mi-atteint dusyndrome Gilles <strong>de</strong> la Tourette, qui consiste à insulter les autres à répétition,23
<strong>Ma</strong> <strong>plus</strong> <strong>belle</strong> <strong>histoire</strong>et ce, sans raison… Une bénédiction dans certaines soirées arrosées ! Parmile mon<strong>de</strong> que je connais, il y a Lucie, l’allumeuse du bureau qui se tape11 mots aux 10 minutes, secrétaire choisie par le patron sans même avoirpassé d’<strong>en</strong>trevue, excepté celle à stores fermés, <strong>en</strong>trevue que le patron acurieusem<strong>en</strong>t oublié d’inscrire dans les archives… Il y a aussi Roger, vieuxcochon avec ses farces <strong>de</strong> caleçons, mamelons et suçons. Il ne faut pasoublier Eugène, Jean-Yves, Karina, Josée, Bernard, Lu<strong>de</strong>vic, et j’<strong>en</strong> passe…J’estime que nous étions <strong>en</strong>viron 27 à cette soirée, y compris moi-même.Je suis à la cuisine avec John, Roger, <strong>Ma</strong>rc-Antoine et Lu<strong>de</strong>vic.Voulez-vous une bière les boys ? nous <strong>de</strong>man<strong>de</strong> Lu<strong>de</strong>vic. Certainem<strong>en</strong>t mongars, une pour moi et une pour notre nouvelle ve<strong>de</strong>tte John, « assistant-chefestimateur <strong>de</strong> l’est du Canada ». Bravo mec, lance Lu<strong>de</strong>vic d’un ton <strong>plus</strong> quesincère. Tu nous as dépassés <strong>de</strong> peu pour ce poste, moi et Roger, mais tu lemérites certainem<strong>en</strong>t jeune prodige. À la ti<strong>en</strong>ne ! À ce mom<strong>en</strong>t précis, <strong>Ma</strong>rc-Antoine y va d’une séance <strong>de</strong> tourette : « mangeur <strong>de</strong> peanut, mangeur <strong>de</strong>peanut, mangeur <strong>de</strong> peanut… ». Stop ! dit John d’un ton poli, mais concis…<strong>Ma</strong>is <strong>Ma</strong>rc-Antoine continue <strong>de</strong> <strong>plus</strong> <strong>belle</strong> : « avaleur <strong>de</strong> balle, avaleur <strong>de</strong>balle, avaleur <strong>de</strong> b… ». Peux-tu nous lâcher un peu <strong>Ma</strong>rc-Antoine, ajouteRoger. Il rétorque : « y avait une balle <strong>de</strong> fusil dans ta bière mon frère ! » <strong>en</strong>regardant John. Qu’est-ce que tu dis là ? Non, ri<strong>en</strong>, excusez-moi les gars,vous savez que j’ai pas beaucoup <strong>de</strong> contrôle sur mes p<strong>en</strong>sées et paroles,surtout quand j’bois, ça m’pr<strong>en</strong>d <strong>en</strong>core <strong>plus</strong> souv<strong>en</strong>t !La soirée avance et les cerveaux recul<strong>en</strong>t. <strong>Ma</strong>is, <strong>de</strong>puis une <strong>de</strong>mi-heure<strong>en</strong>viron, quelque chose <strong>de</strong> vraim<strong>en</strong>t bizarroï<strong>de</strong> semble s’être mystérieusem<strong>en</strong>tproduit chez mon ami John, et il n’arrête pas <strong>de</strong> se ronger les s<strong>en</strong>s… Ilinterprète tout <strong>de</strong> façon difforme. Il s’assied dans le corridor qui mène à lachambre <strong>de</strong>s maîtres, la tête <strong>en</strong>tre les g<strong>en</strong>oux. Non, ça ne tourne pas, non,il n’a pas trop bu le conard. En fait, il ne s’est jamais s<strong>en</strong>ti comme ça, mêmedans le pire <strong>de</strong>s débauches. Les conversations ricoch<strong>en</strong>t <strong>de</strong> partout etsembl<strong>en</strong>t toutes finir dans ce foutu couloir, exactem<strong>en</strong>t comme si chaqueparole était une boule <strong>de</strong> billard jouée <strong>en</strong> angle parfait par un pro <strong>de</strong> labaguette, et qu’elle finisse inévitablem<strong>en</strong>t par aboutir dans ce tunnel ultimed’où il se s<strong>en</strong>t prisonnier ; un vortex <strong>de</strong> paroles transformées <strong>en</strong> poignardsvolants. Le problème est que John se met à focuser sur <strong>de</strong>s bouts <strong>de</strong> phrase…« John #%= mort @Z& moins <strong>de</strong> un zzz ! » ou « %@foÜ?u ! ? estim@teur *+&$ <strong>de</strong> mes femmes @#* » ou <strong>en</strong>core « ?%$ lèche $Q%@ du p@tron *#$ »Pauvre John ! ! ! Paranoïa et interprétations parallèles schizo-paranormales ;voilà ce qui est fâcheux. John a probablem<strong>en</strong>t ingéré quelque chose <strong>de</strong>24