LA BRETAGNE FRANÇAISE. 35de la vague qui va mourir au fond des anses solitaires en traçant sur lagrève son ourl<strong>et</strong> d'écume. La vague berceuse n'est-el<strong>le</strong> pas l'image de lapensée humaine, toujours inquiète, toujours frémissante <strong>et</strong> agitée ?Je revois la forêt profonde toute p<strong>le</strong>ine des murmures d'une vieinvisib<strong>le</strong>, la forêt hantée par <strong>le</strong>s Esprits des Ancêtres qu'attirent <strong>le</strong>ssanctuaires où s'accomplissent <strong>le</strong>s sacrifices <strong>et</strong> <strong>le</strong>s rites sacrés. El<strong>le</strong> étaitsi vaste, la forêt celtique, qu'il fallait des mois entiers pour la traverser ;el<strong>le</strong> était si épaisse, si touffue, que l'été il faisait sombre en p<strong>le</strong>in midisous ses voûtes de verdure, imposantes comme des nefs de cathédra<strong>le</strong>.Tout Celte garde au coeur l'amour ardent, impérissab<strong>le</strong>, de la forêt.El<strong>le</strong> est pour lui un symbo<strong>le</strong> de force <strong>et</strong> de vie immortel<strong>le</strong>. Après la mortde l'hiver, ne renaît-el<strong>le</strong> pas au printemps, de même que l'âme, après untemps de repos, revient sur terre manifester <strong>le</strong>s puissances de vie quisont en el<strong>le</strong> ? Sur ce point, comme sur tant d'autres, l'enseignement desdruides s'inspirait des spectac<strong>le</strong>s de la nature. Dans l'étude de ses lois, ilstrouvaient une source abondante de <strong>le</strong>çons toujours vivantes <strong>et</strong> parlantes,toujours à la portée des hommes <strong>et</strong> qui offraient une base solide, uneforce incomparab<strong>le</strong> à <strong>le</strong>urs convictions, De là aucun doute, nul<strong>le</strong>hésitation puisque, pensaient-ils, la nature n'est qu'une émanation de lavolonté divine. C'est pour s'être éloigné d'el<strong>le</strong> <strong>et</strong> avoir méconnu ses loisque, depuis, l'homme a glissé dans <strong>le</strong> scepticisme <strong>et</strong> la négation. Maisalors une foi fraîche <strong>et</strong> pure montait des âmes comme la source limpidejaillit du sol sous la ramure des grands bois. Esprit fougueux <strong>et</strong> ardent, jem'en imprégnais à tel point que, malgré <strong>le</strong>s vicissitudes de nombreusesexistences, j'en garde encore l'empreinte profonde.J'aimais à pénétrer dans <strong>le</strong>s cerc<strong>le</strong>s de pierre (crom<strong>le</strong>chs) où l'onévoquait <strong>le</strong>s esprits des défunts. J'écoutais avec avidité <strong>le</strong>s <strong>le</strong>çons dudruide nous entr<strong>et</strong>enant des luttes de l'âme dans Abred pour conquérir lascience <strong>et</strong> la sagesse <strong>et</strong> sa plénitude de vie dans gwynfyd, en possessionde la vertu, du génie <strong>et</strong> de l'amour. Sur l'indication du maître jem'appliquais à apprendre <strong>et</strong> à réciter <strong>le</strong>s innombrab<strong>le</strong>s vers quiconstituaient l'enseignement sacré.Par ces exercices répétés, j'arrivais à donner à ma mémoire lasoup<strong>le</strong>sse <strong>et</strong> l'étendue qui en firent <strong>le</strong> précieux instrument d'étude <strong>et</strong> d<strong>et</strong>ravail qui m'a suivi dans toutes mes existences ultérieures.Au cours de ma vie actuel<strong>le</strong> j'ai voulu revoir <strong>le</strong>s sites grandioses qui,dans ces temps lointains, à l'aide de mes premières existences terrestresm'avaient si fortement impressionné. J'ai suivi en détail <strong>le</strong>s découpuresLE CENTRE SPIRITE LYONNAIShttp://spirite.free.fr
LA BRETAGNE FRANÇAISE. 36de la côte br<strong>et</strong>onne, j'ai vu <strong>le</strong>s débris des grands promontoires que <strong>le</strong>sassauts de la tempête réduisent de sièc<strong>le</strong> en sièc<strong>le</strong>. Dans c<strong>et</strong>te luttegigantesque l'Océan a <strong>le</strong> dessus <strong>et</strong> <strong>le</strong> continent recu<strong>le</strong>. L'hommeimpuissant se résigne, mais comme il se venge sur la forêt !A la place des sanctuaires druidiques, lieux augustes <strong>et</strong> sacrés, on nevoit plus que des broussail<strong>le</strong>s informes sans charme <strong>et</strong> sans beauté. J'aivoulu parcourir Brocéliande, la forêt enchantée où Merlin <strong>et</strong> Vivianeabritaient <strong>le</strong>ur passion <strong>et</strong> <strong>le</strong>urs rêves. Je n'ai trouvé qu'une forêt dévastéepar la hache, avec de grandes surfaces dénudées semblab<strong>le</strong>s à des tacheslépreuses sur un sol appauvri. La fontaine de Baranton aux eauxmagiques n'est plus qu'un cloaque où s'agitent de vagues batraciens.<strong>Le</strong>s noms mêmes ont changé, Brocéliande est devenue la forêt dePainpont, propriété de l'évêque de Nantes qui fait procéder à desabattages fréquents. Et il en est de même partout où s'étendait la forêtceltique. Où sont ces voûtes de verdure que <strong>le</strong>s rayons du so<strong>le</strong>ilperçaient à grand-peine pour al<strong>le</strong>r se jouer sur <strong>le</strong>s mousses <strong>et</strong> <strong>le</strong>sfougères ?Mais lorsque la terre aura perdu sa parure, sera devenue chauve <strong>et</strong> nue,lorsque <strong>le</strong>s eaux pluvia<strong>le</strong>s rou<strong>le</strong>ront en torrents dévastateurs où doncl'homme tournera-t-il ses regards pour jouir du spectac<strong>le</strong> de l'univers ?Un de nos politiciens éminents n'a-t-il pas déclaré avoir éteint <strong>le</strong>slumières du ciel ? Mais non, Viviani est mort <strong>et</strong> <strong>le</strong>s étoi<strong>le</strong>s bril<strong>le</strong>ntencore au sein des nuits profondes. El<strong>le</strong>s nous par<strong>le</strong>nt de la puissance, dela sagesse, de la bonté du Créateur ! El<strong>le</strong>s seront toujours un symbo<strong>le</strong>d'éternel<strong>le</strong> espérance pour l'humanité !LE CENTRE SPIRITE LYONNAIShttp://spirite.free.fr