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CONTRIBUTION<br />

Par Yves Bonnet,<br />

directeur du Centre de recherche<br />

international du terrorisme<br />

Les nouvelles grandes<br />

invasions<br />

Les migrations sont l’une<br />

des caractéristiques<br />

fondamentales de<br />

l’histoire de l’humanité.<br />

Le peuplement de<br />

la planète à partir<br />

de l’Afrique en est la première<br />

manifestation reconnue, les homininés<br />

étant vraisemblablement partis de<br />

l’actuelle Ethiopie pour peupler le<br />

continent eurasien et se disséminer<br />

lentement dans les contrées les<br />

plus accueillantes. Ces errances<br />

d’homosapiens ne nous sont connues<br />

qu’à partir des vestiges du passage ou<br />

de l’établissement de « Cro Magnon<br />

» et de « Néanderthal », mais elles<br />

établissent indiscutablement la<br />

vocation humaine au déplacement,<br />

du moins jusqu’à l’apparition de<br />

l’agriculture et la formation d’entités<br />

collectives de plus en plus policées et<br />

organisées.<br />

Le commerce et la conquête motivent<br />

et justifient ces migrations qui<br />

peuvent se traduire par l’installation<br />

de « comptoirs » comme le font les<br />

Phéniciens, ou par l’invasion de<br />

territoires entiers à la manière des<br />

Perses, des Romains, des Germains,<br />

des Huns et plus tard, des Arabes,<br />

des Normands (ou Vikings) et des<br />

Ottomans. Dans la plupart des<br />

situations, ces invasions, que l’on dira<br />

bientôt « grandes », ne s’opèrent pas<br />

à la pointe du glaive ou de la lance,<br />

mais par l’arrivée de groupes entiers,<br />

des tribus, dans des chariots, à la<br />

vitesse des bœufs qui les traînent. Les<br />

nouveaux arrivants s’installent sur<br />

des terres vacantes, cultivent le sol,<br />

élèvent des troupeaux, se regroupent<br />

en « villes ». Certains, leurs enfants<br />

ou petits-enfants, reprennent la route,<br />

des années plus tard. Cette incoercible<br />

poussée agit par capillarité et livre des<br />

territoires entiers à des populations<br />

nouvelles qui, le plus souvent,<br />

s’intègrent aux « indigènes », les<br />

premiers occupants.<br />

Il faut plusieurs siècles aux Germains,<br />

Wisigoths, Ostrogoths, Vandales et<br />

Francs, pour pénétrer l’Europe et se<br />

sédentariser, sur les territoires de<br />

l’actuelle Allemagne, qui y gagne<br />

son nom de « Germanie », la Gaule<br />

qui devient la France, l’Hispanie,<br />

dont une notable partie devient<br />

l’Andalousie, mot dérivé de celui de<br />

« Vandale », jusqu’à la Numidie. C’est<br />

au long de deux siècles que s’opère<br />

ce transfert massif de populations<br />

à partir de modèles différents, de<br />

la poussée pacifique à l’intrusion<br />

violente et guerrière. L’empire romain<br />

qui doit gérer ce lourd problème s’en<br />

accommode de diverses manières : soit<br />

il dresse des murailles aux limites (ou<br />

limes) de son territoire, soit il pactise<br />

avec telle tribu ou peuplade et va<br />

jusqu’à lui confier le soin de veiller<br />

à sa sécurité propre, lui donnant en<br />

quelque sorte les clés de la maison. Les<br />

« Barbares », puisque c’est ainsi qu’on<br />

les appelle, acceptent le plus souvent<br />

et s’assimilent peu à peu, apprenant<br />

le latin ou truffant leurs langues<br />

vernaculaires de mots et d’expressions<br />

latines. La formidable capacité<br />

d’absorption du système romain<br />

donne toute sa mesure et il se constitue<br />

ainsi un ensemble de populations<br />

romanisées, que la reconnaissance<br />

du christianisme comme religion de<br />

l’empire va puissamment unifier. Il<br />

en sera de même avec l’expansion de<br />

l’islam dans l’espace méditerranéen.<br />

Ainsi se crée la démarche en deux<br />

temps, invasion-assimilation, qui<br />

va régir la plupart des mouvements<br />

migratoires et façonner des sociétés<br />

nouvelles, pluriculturelles et<br />

réciproquement pénétrables. Il n’est<br />

pas possible de comprendre ce<br />

qui se passe actuellement entre le<br />

continent africain et l’Europe, si on<br />

ne se pénètre pas de la permanence et<br />

de l’ancienneté du phénomène ainsi<br />

que des conséquences inéluctables et<br />

irréversibles qu’il comporte.<br />

Les mouvements migratoires, en<br />

quelque époque qu’ils se produisent<br />

et en quelque lieu, n’échappent pas<br />

à leur logique. Celle-ci s’inscrit dans<br />

l’obligation première de la nécessité:<br />

c’est la quête de l’espace vital, chaque<br />

peuple, comme chaque individu<br />

ressentant la nécessité de « coloniser<br />

» son propre domaine, pour vivre,<br />

par exemple en cultivant la terre ou<br />

en faisant paître son troupeau. Ces<br />

errances sont facilitées par la faible<br />

implantation humaine et la limitation<br />

de l’outillage aux objets les plus<br />

170 El-Djazaïr.com N° 96 Avril 2016

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