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CONTRIBUTION<br />

sur lequel la colonisation française a<br />

réussi, c’est à travers eux qu’on peut<br />

l’affirmer.<br />

Si l’Afrique va ainsi prendre racine au<br />

Nouveau Monde à travers ces « Afroaméricains<br />

» qui sont inégalement<br />

acceptés et constituent une « sous-classe<br />

», il est une autre vague migratoire<br />

puissante qui traverse la « mare aux<br />

harengs », ce sont les Européens<br />

tenaillés par la misère et au sort<br />

desquels nul ne s’intéresse alors. Ces «<br />

petits blancs » entrent en concurrence<br />

avec les Noirs et des tensions raciales<br />

naissent dont il est difficile de<br />

prétendre qu’elles se sont dissipées,<br />

même après Martin Luther King. Plus<br />

de cinquante millions d’Irlandais,<br />

de Polonais, d’Allemands, d’Italiens<br />

se répandent sur des terres peu ou<br />

pas mises en valeur et dans les villes<br />

industrialisées qui leur deviennent un<br />

formidable exutoire. Ce mouvement<br />

n’a rien à voir avec l’entreprise<br />

coloniale qui affecte d’autres espaces<br />

accaparés par la force et la spoliation,<br />

comme l’Algérie, l’Afrique du Sud<br />

ou, beaucoup plus loin, l’Australie et<br />

la Nouvelle-Zélande. On les désigne<br />

pudiquement sous le nom de « colonies<br />

de peuplement » mais leur installation<br />

forcée porte en elle-même le germe de<br />

graves difficultés ultérieures.<br />

Au rythme de 500 000 expatriés annuels<br />

pendant le demi-siècle qui se situe<br />

à cheval sur les XIXe et XXe siècles,<br />

trente millions d’Européens ont quitté<br />

leur continent d’origine pour peupler<br />

l’Amérique du Nord, l’Amérique<br />

latine, l’Océanie, le Maghreb et<br />

l’Afrique du Sud ainsi que les confins<br />

de l’Asie, sous la forme de « comptoirs<br />

esclaves » en Inde (Pondichéry,<br />

Yanaon, Karikal, Chandernagor et<br />

Mahé pour la France ), en Chine (<br />

Hong Kong et Macao ) et en Indonésie.<br />

Ce sont autant de points d’appui<br />

d’un colonialisme intelligent qui pille<br />

sans s’impliquer politiquement et<br />

installe durablement l’Europe comme<br />

le leader naturel du monde. Celleci<br />

peut imprimer durablement sa<br />

marque, son « way of life », vendre<br />

ses produits manufacturés, acheter à<br />

bas prix les matières premières qui lui<br />

font défaut, bref façonner à son image<br />

deux autres continents, l’Amérique,<br />

qui la supplantera bientôt dans ce rôle<br />

de « maître du monde », et l’Océanie,<br />

tout en gardant la main sur l’Afrique<br />

et l’Asie.<br />

René Naba considère qu’en cinq<br />

siècles, « 40% du monde habité aura<br />

peu ou prou ployé sous le joug colonial<br />

européen ». Effectivement, après<br />

l’épisode fugitif de la domination<br />

ibérique à la faveur des grandes<br />

découvertes, l’Angleterre, qui n’est<br />

pas encore la Grande- Bretagne, et la<br />

France, devenues les deux principales<br />

puissances maritimes, mettant en<br />

œuvre des principes et des pratiques<br />

analogues de mise en valeur des terres<br />

conquises, vont étendre leur empire<br />

jusqu’à 75% du domaine colonial<br />

mondial et influer directement sur<br />

le mode de vie et de gouvernement<br />

de 70% de la population de la<br />

planète. L’Allemagne, tard venue<br />

dans la compétition en raison d’une<br />

unification tardive, en 1870, tente bien<br />

de se faire une place et obtient des<br />

succès marquants en Afrique orientale,<br />

mais elle se heurte à l’ancienneté des<br />

implantations britannique et française<br />

et au nationalisme naissant en<br />

Amérique latine ou en Afrique.<br />

Pourtant, ce sont ces trois acteurs<br />

du colonialisme qui créent les<br />

conditions de leur déclin puis de leur<br />

perte en ouvrant le premier conflit<br />

majeur du XXe siècle qui ne les<br />

ruine pas seulement financièrement<br />

mais emporte deux conséquences<br />

déterminantes sur l’évolution des<br />

rapports de forces et, par voie de<br />

conséquence, sur les mouvements<br />

migratoires.<br />

Les véritables vainqueurs de la Grande<br />

Guerre sont les Etats-Unis, tard venus<br />

sur le champ de bataille, un peu<br />

comme ces footballeurs remplaçants<br />

qui marquent le but de la victoire, et<br />

dont le président Thomas Woodrow<br />

Wilson entend imposer sa vision du<br />

monde aux deux pays qui ont payé et<br />

de très loin, le tribut le plus lourd à la<br />

victoire. Il tente même sans vergogne<br />

l’aventure d’une paix séparée,<br />

initiative heureusement repoussée<br />

par l’empereur Guillaume II, dans le<br />

dos de ses alliés du vieux continent.<br />

A la faveur de livraisons massives<br />

d’armement mais aussi de produits<br />

de consommation courante, les USA<br />

font littéralement fortune. Leurs<br />

entreprises supplantent leurs rivales<br />

anglaises et françaises, les marques<br />

« made in America » envahissent<br />

les marchés et, comble de la<br />

manipulation, leurs organes de presse<br />

et de propagande, dont le cinéma<br />

naissant, installent dans l’inconscient<br />

populaire collectif cette idée fausse<br />

que ce sont les « boys » venus d’Outre-<br />

Atlantique, qui ont gagné la guerre.<br />

C’est une page qui se tourne, une autre<br />

organisation du monde qui se met en<br />

place, avec à l’autre bout de la planète,<br />

la Révolution d’Octobre. La prophétie<br />

d’Alexis de Tocqueville se réalise, de<br />

la confrontation de l’Amérique et de la<br />

Russie.<br />

L’Europe va payer cher, très cher,<br />

son inconscience. Elle a massivement<br />

enrôlé, dans la boucherie des combats,<br />

afin de renforcer son potentiel humain,<br />

des « volontaires » venus de l’Outre-<br />

Mer. Les Anglais lancent dans la<br />

fournaise des Hindous enturbannés,<br />

les Français des tirailleurs algériens,<br />

marocains ou sénégalais. Les uns et<br />

les autres tombent par dizaines de<br />

milliers, dans les tranchées, dans des<br />

paysages qu’ils découvrent pour la<br />

première fois. Ils ne sont pas les seuls<br />

: les paysans bretons, les ouvriers<br />

parisiens, les instituteurs, sont fauchés<br />

par les mêmes tirs meurtriers qui<br />

ravagent les rangs allemands. Les<br />

blessés affluent, les gazés, espèce<br />

nouvelle de victimes, ne rentrent chez<br />

eux que pour mourir dans d’horribles<br />

suffocations. Ce sont autant de bras qui<br />

manquent aux usines et aux champs.<br />

Pour reconstruire le pays sinistré, il ne<br />

reste que le recours aux travailleurs<br />

étrangers. La lourde machine de<br />

l’immigration massive d’hommes<br />

dans la force de l’âge se met en branle<br />

pour ne plus jamais s’arrêter.<br />

Indochinois, Polonais, Italiens<br />

intègrent la communauté française<br />

pour n’en plus sortir. Parfois leurs<br />

femmes les rejoignent, mais pas<br />

toujours. Les rangs des « mâles » en<br />

âge de reproduire se sont éclaircis.<br />

La démographie française marque un<br />

172 El-Djazaïr.com N° 96 Avril 2016

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