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CONTRIBUTION<br />
d’un secrétariat d’Etat à l’égalité des<br />
chances, à la différence du Royaume-<br />
Uni et des Etats-Unis qui, après avoir<br />
pris également des mesures favorisant<br />
l’intégration de leurs ressortissants<br />
d’origine étrangère, font marche<br />
arrière er reviennent aux pratiques de<br />
discrimination négative qui ferment<br />
de facto une quantité de portes aux<br />
jeunes issus de l’immigration.<br />
C’est la réponse à court terme et c’est<br />
aussi la solution de facilité pour tous<br />
les pays aux prises avec les nouveaux<br />
mouvements migratoires dont la cause<br />
première, au-delà de la recherche d’un<br />
« espace vital » et de la misère, est la<br />
persécution politique et/ou religieuse.<br />
Comme les « boat people » du Vietnam,<br />
dont le spectacle tragique ne nous a<br />
été infligé qu’occasionnellement et<br />
de loin, les malheureux qui fuient le<br />
Moyen-Orient et l’Afrique paient de<br />
leur vie les interventions grossières<br />
dans leurs affaires des pays de<br />
l’Europe occidentale et des Etats-<br />
Unis. Ces vagues ont commencé avec<br />
le fiasco libanais qui a vu les plus<br />
grandes puissances militaires quitter<br />
piteusement le pays du Cèdre, livré<br />
à la guerre civile, cela s’est poursuivi<br />
avec l’éclatement programmé de la<br />
Yougoslavie, puis avec l’intervention<br />
anglo-américaine en Irak qui a réduit<br />
un pays développé, moderne, mais<br />
arabe, à la condition d’une anarchie,<br />
au sens propre, divisée, ruinée,<br />
exploitée, aujourd’hui montrée du<br />
doigt pour avoir donné naissance, à<br />
son corps défendant, à un califat d’un<br />
nouveau genre, menaçant pour tout<br />
le sous-continent proche-oriental.<br />
Comme si cette démonstration de la<br />
perversité des ingérences occidentales<br />
dans les affaires de pays souverains<br />
ne suffisait pas, la Libye, à son tour,<br />
a dû plonger dans le chaos, parce que<br />
le président français Nicolas Sarkozy<br />
redoutait des révélations, vraies ou<br />
fausses, sur le financement de sa<br />
campagne électorale, ouvrant toutes<br />
grandes les immensités africaines au<br />
djihadisme. Puis est venu le tour de<br />
la Syrie dont l’implosion, n’eussent<br />
été les représentations fermes de la<br />
Russie, aurait aujourd’hui permis le<br />
commencement de ce « Grand Moyen-<br />
Orient » imaginé à Jérusalem et à<br />
Washington.<br />
Les « dictateurs » éliminés, on<br />
s’aperçoit, un peu tard, que leur<br />
gestion n’était pas si mauvaise et<br />
qu’en tout cas, ils savaient organiser la<br />
solidarité entre des catégories sociales<br />
inégalement pourvues et promouvoir,<br />
tous, une forme de gouvernement<br />
qui laissait sa chance à chacun de<br />
leurs enfants. L’erreur qui a consisté<br />
à les chasser du pouvoir, en violant<br />
allègrement au passage la charte de<br />
l’ONU, se concrétise par la venue en<br />
leurs lieu et place de régimes encore<br />
plus détestables, ainsi qu’à une forte<br />
poussée de révolte qui trouve son<br />
exutoire dans l’extrémisme religieux.<br />
Et cet aboutissement n’est pas si<br />
surprenant si l’on veut bien considérer<br />
les faits qui les ont générés.<br />
En premier lieu, il ne faut pas se lasser<br />
de répéter que l’organisation d’une<br />
certaine forme de résistance à l’invasion<br />
soviétique de l’Afghanistan a reçu,<br />
dans son principe, celui du barrage fait<br />
au « matérialisme historique marxiste<br />
» par l’islam, et dans sa mise en<br />
condition opérationnelle, l’appui des<br />
Etats-Unis et de la Grande-Bretagne.<br />
La dérive vers le fanatisme était<br />
prévisible. Ce qui l’était moins, c’est<br />
le retournement de cette résistance<br />
contre ses initiateurs occidentaux qui<br />
n’ont pas compris qu’Al Qaida luttait<br />
moins contre l’URSS que contre une<br />
certaine forme de société, précisément<br />
la nôtre.<br />
En second lieu, il est certain que<br />
la substitution à un régime, certes<br />
autoritaire, celui de Saddam<br />
Hussein, d’un régime inféodé à<br />
l’Iran théocratique voisin et surtout<br />
animé de désirs de vengeance, a<br />
entraîné le pays dans une spirale de<br />
violences de part et d’autre, celles<br />
commises par le gouvernement en<br />
place s’avérant les plus systématiques<br />
sous l’œil indifférent de l’autorité<br />
américaine, stupidement satisfaite du<br />
sort réservé aux anciens baasistes qui<br />
constituaient la colonne vertébrale<br />
de l’Irak. Les cadres de l’armée et<br />
de la police, compétents et formés,<br />
n’ont pas eu d’autre choix que de<br />
rallier les extrémistes sunnites de<br />
l’Etat islamique. D’autant moins que<br />
les milices chiites ont, de leur côté,<br />
multiplié les crimes sans que les<br />
médias occidentaux aveuglés par leurs<br />
préventions à l’encontre du régime<br />
syrien y fassent seulement allusion.<br />
En troisième lieu, le « printemps<br />
arabe » présenté comme une<br />
révolution émancipatrice, alors que<br />
ses promoteurs appartenaient plutôt<br />
au camp des conservateurs sinon des<br />
réactionnaires, a rapidement dégénéré<br />
en une entreprise de « réislamisation<br />
» ou plus exactement de « salafisation<br />
», à rebours des idéaux démocratiques.<br />
Conséquence inattendue, elle a fait<br />
sauter les verrous à l’émigration<br />
incontrôlée vers l’Europe que la<br />
Tunisie, l’Egypte et surtout la Libye<br />
représentaient. La poussée des<br />
peuples de l’Afrique subsaharienne<br />
vers l’Europe n’a plus été contenue et<br />
la proximité de la Libye d’avec l’Italie<br />
a fait le reste.<br />
En quatrième lieu, la déstabilisation<br />
voulue et organisée de la Syrie et<br />
les graves troubles suscités par des<br />
contestataires soutenus sinon armés<br />
par des Etats du Golfe ont déclenché<br />
une autre vague d’émigration qui s’est<br />
ajoutée à celle venue d’Afrique.<br />
Ce sont donc deux fleuves de misère<br />
et de désespérance qui convergent<br />
vers l’Europe et dont, à défaut de les<br />
canaliser, il faudra craindre qu’ils<br />
n’emportent les digues. Certes, ainsi<br />
que nous l’avons vu plus haut, la chose<br />
n’est pas si nouvelle, ni son ampleur<br />
si forte. Mais elle met à l’épreuve la<br />
cohésion de l’Union européenne et<br />
les prétentions humanistes du Vieux<br />
Continent, tandis que le premier<br />
responsable du désastre, l’Amérique,<br />
regarde ailleurs d’un air distrait. Tant<br />
pis ou tant mieux, la seule réponse à<br />
apporter à ces centaines de milliers de<br />
malchanceux qui pourraient devenir<br />
des millions passe par un effort collectif<br />
marqué, coûteux mais gratifiant, qui<br />
proscrive la construction de murs,<br />
matérialisés ou psychologiques.<br />
Après tout, ce chemin n’est-il pas tout<br />
bonnement celui de l’Europe enfin<br />
rendue à ses références ?<br />
Y. B.<br />
174 El-Djazaïr.com N° 96 Avril 2016